Moll Flanders. Defoe Daniel

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Moll Flanders - Defoe Daniel

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voyons, qu'est-ce que tu peux gagner, dit-elle; qu'est-ce que tu peux gagner par jour en travaillant?

      – Six sous, dis-je, quand je file, et huit sous quand je couds du gros linge.

      – Hélas! pauvre dame de qualité, dit-elle encore en riant, cela ne te mènera pas loin.

      – Cela me suffira, dis-je, si vous voulez bien me laisser vivre avec vous.

      Et je parlais d'un si pauvre ton suppliant que j'étreignis le cœur de la bonne femme, comme elle me dit plus tard.

      – Mais, dit-elle, cela ne suffira pas à te nourrir et à t'acheter des vêtements; et qui donc achètera des robes pour la petite dame de qualité? dit-elle.

      Et elle me souriait tout le temps.

      – Alors je travaillerai plus dur, dis-je, et je vous donnerai tout l'argent.

      – Mais, mon pauvre enfant, cela ne suffira pas, dit-elle; il y aura à peine de quoi te fournir d'aliments.

      – Alors vous ne me donnerez pas d'aliments, dis-je encore, innocemment; mais vous me laisserez vivre avec vous.

      – Et tu pourras vivre sans aliments? dit-elle.

      – Oui, dis-je encore, comme un enfant, vous pouvez bien penser, et je pleurai encore de tout mon cœur.

      Je n'avais aucun calcul en tout ceci; vous pouvez facilement voir que tout était de nature; mais c'était joint à tant d'innocence et à tant de passion qu'en somme la bonne créature maternelle se mit à pleurer aussi, et enfin sanglota aussi fort que moi, et me prit et me mena hors de la salle d'école: «Viens, dit-elle, tu n'iras pas en service, tu vivras avec moi»; et ceci me consola pour le moment.

      Là-dessus, elle alla faire visite au maire, mon affaire vint dans la conversation, et ma bonne nourrice raconta à M. le maire toute l'histoire; il en fut si charmé qu'il alla appeler sa femme et ses deux filles pour l'entendre, et ils s'en amusèrent assez entre eux, comme vous pouvez bien penser.

      Enfin, une semaine ne s'était pas écoulée, que voici tout à coup madame la femme du maire et ses deux filles qui arrivent à la maison pour voir ma vieille nourrice, et visiter son école et les enfants. Après qu'elles les eurent regardés un peu de temps:

      – Eh bien, madame, dit la femme du maire à ma nourrice, et quelle est donc, je vous prie, la petite fille qui veut être dame de qualité?

      Je l'entendis et je fus affreusement effrayée, quoique sans savoir pourquoi non plus; mais madame la femme du maire vient jusqu'à moi:

      – Eh bien, mademoiselle, dit-elle, et quel ouvrage faites-vous en ce moment?

      Le mot mademoiselle était un langage qu'on n'avait guère entendu parler dans notre école, et je m'étonnai de quel triste nom elle m'appelait; néanmoins je me levai, fis une révérence, et elle me prit mon ouvrage dans les mains, le regarda, et dit que c'était très bien; puis elle regarda une de mes mains:

      – Ma foi, dit-elle, elle pourra devenir dame de qualité, après tout; elle a une main de dame, je vous assure.

      Ceci me fit un immense plaisir; mais madame la femme du maire ne s'en tint pas là, mais elle mit sa main dans sa poche et me donna un shilling, et me recommanda d'être bien attentive à mon ouvrage et d'apprendre à bien travailler, et peut-être je pourrais devenir une dame de qualité, après tout.

      Et tout ce temps ma bonne vieille nourrice, et madame la femme du maire et tous les autres gens, ne me comprenaient nullement: car eux voulaient dire une sorte de chose par le mot dame de qualité et moi j'en voulais dire une toute différente; car hélas! tout ce que je comprenais en disant dame de qualité, c'est que je pourrais travailler pour moi et gagner assez pour vivre sans entrer en service; tandis que pour eux cela signifiait vivre dans une grande et haute position et je ne sais quoi.

      Eh bien, après que madame la femme du maire fut partie, ses deux filles arrivèrent et demandèrent aussi à voir la dame de qualité, et elles me parlèrent longtemps, et je leur répondis à ma guise innocente; mais toujours lorsqu'elles me demandaient si j'avais résolu de devenir une dame de qualité, je répondais «oui»: enfin elles me demandèrent ce que c'était qu'une dame de qualité. Ceci me troubla fort: toutefois j'expliquai négativement que c'était une personne qui n'entrait pas en service pour faire le ménage; elles en furent extrêmement charmées, et mon petit babillage leur plut et leur sembla assez agréable, et elles me donnèrent aussi de l'argent.

      Pour mon argent, je le donnai tout à ma nourrice-maîtresse comme je l'appelais, et lui promis qu'elle aurait tout ce que je gagnerais quand je serais dame de qualité, aussi bien que maintenant; par ceci et d'autres choses que je disais, ma vieille gouvernante commença de comprendre ce que je voulais dire par dame de qualité, et que ce n'était pas plus que d'être capable de gagner mon pain par mon propre travail et enfin elle me demanda si ce n'était pas cela.

      Je lui dis que oui, et j'insistai pour lui expliquer que vivre ainsi, c'était être dame de qualité; car, dis-je, il y a une telle, nommant une femme qui raccommodait de la dentelle et lavait les coiffes de dentelle des dames; elle, dis-je, c'est une dame de qualité, et on l'appelle madame.

      – Pauvre enfant, dit ma bonne vieille nourrice, tu pourras bientôt être une personne mal famée, et qui a eu deux bâtards.

      Je ne compris rien à cela; mais je répondis: «Je suis sûre qu'on l'appelle madame, et elle ne va pas en service, et elle ne fait pas le ménage»; et ainsi je soutins qu'elle était dame de qualité, et que je voulais être dame de qualité, comme elle.

      Tout ceci fut répété aux dames, et elles s'en amusèrent et de temps en temps les filles de M. le maire venaient me voir et demandaient où était la petite dame de qualité, ce qui ne me rendait pas peu fière de moi, d'ailleurs j'avais souvent la visite de ces jeunes dames, et elles en amenaient d'autres avec elles; de sorte que par cela je devins connue presque dans toute la ville.

      J'avais maintenant près de dix ans et je commençais d'avoir l'air d'une petite femme, car j'étais extrêmement sérieuse, avec de belles manières, et comme j'avais souvent entendu dire aux dames que j'étais jolie, et que je deviendrais extrêmement belle, vous pouvez penser que cela ne me rendait pas peu fière; toutefois cette vanité n'eut pas encore de mauvais effet sur moi; seulement, comme elles me donnaient souvent de l'argent que je donnais à ma vieille nourrice, elle, honnête femme, avait l'intégrité de le dépenser pour moi afin de m'acheter coiffe, linge et gants, et j'allais nettement vêtue; car si je portais des haillons, j'étais toujours très propre, ou je les faisais barboter moi-même dans l'eau, mais, dis-je, ma bonne vieille nourrice, quand on me donnait de l'argent, bien honnêtement le dépensait pour moi, et disait toujours aux dames que ceci ou cela avait été acheté avec leur argent; et ceci faisait qu'elles m'en donnaient davantage; jusqu'enfin je fus tout de bon appelée par les magistrats, pour entrer en service; mais j'étais alors devenue si excellente ouvrière, et les dames étaient si bonnes pour moi, que j'en avais passé le besoin; car je pouvais gagner pour ma nourrice autant qu'il lui fallait pour m'entretenir; de sorte qu'elle leur dit que, s'ils lui permettaient, elle garderait la «dame de qualité» comme elle m'appelait, pour lui servir d'aide et donner leçon aux enfants, ce que j'étais très bien capable de faire; car j'étais très agile au travail, bien que je fusse encore très jeune.

      Mais la bonté de ces dames ne s'arrêta pas là, car lorsqu'elles comprirent que je n'étais plus entretenue par la cité, comme auparavant, elles me donnèrent plus souvent de l'argent; et, à mesure que je grandissais, elles m'apportaient de l'ouvrage à faire pour elles: tel que linge à rentoiler,

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