Victor Hugo. Gautier Théophile

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Victor Hugo - Gautier Théophile

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singularité et la sauvagerie de quelques détails n'ont distrait personne de la beauté sérieuse de l'ensemble, et le succès a été aussi complet que possible. Hernani consacré par l'épreuve de la première représentation, de la lecture et de la reprise, restera à tout jamais au répertoire avec le Cid dont il est le cousin et le compatriote.

      Jamais le génie de M. Hugo, plus espagnol que français, ne s'est développé dans un milieu plus favorable: il a le style à larges plis, la phrase au port grave et hautain, le grandiose pointilleux qui conviennent pour faire parler des hidalgos. Personne n'a, d'ailleurs, un sentiment plus intime et plus profond des mœurs et de la famille féodales: aucun poète vivant n'aurait inventé Ruy Gomez de Sylva.

      M. Vedel s'est exécuté de bonne grâce: la pièce est convenablement montée et de manière à couvrir bientôt les six mille francs de dommages-intérêts alloués à l'auteur par le tribunal.

      Firmin (Hernani) a rempli son rôle avec sa chaleur et son intelligence ordinaires: il est à regretter que cet acteur, plein de sentiment, manque un: peu de moyens d'exécution, et soit trahi par ses forces. Joanny est magnifique dans Ruy de Sylva: il est ample et simple, paternel et majestueux, amoureux avec dignité, bon et confiant au commencement de la pièce, implacable et sinistre dans l'acte de la vengeance. Il a merveilleusement conservé à ce rôle sa physionomie homérique dans la scène de l'hospitalité, il a été d'une onction et d'une simplicité tout antiques. Quant à Madame Dorval, nous ne savons comment la louer; il est impossible de mieux rendre cette passion profonde et contenue qui s'échappe en cris soudains aux endroits suprêmes, cette fierté adorablement soumise aux volontés de l'amant: cette abnégation courageuse, cet anéantissement de toute chose humaine dans un seul être, cette chatterie délicieuse et pudique de la jeune fille qui dit au désir: «Tout à l'heure», et à travers tout cela l'orgueil castillan, l'orgueil du sang et de la race, qui lui fait répondre au vieux Sylva:

      On n'a pas de galants quand on est doña Sol

      Et qu'on a dans le cœur de bon sang espagnol.

      Madame Dorval a exprimé toutes ces nuances si délicates avec le plus rare bonheur. Au cinquième acte, elle a été sublime d'un bout à l'autre; aussi, la toile tombée, elle a été redemandée à grands cris et saluée par de nombreuses salves d'applaudissements. Nous l'attendons dans Marion Delorme, avec la plus vive impatience. N'oublions pas Ligier, qui a été très convenable dans tout son rôle, et qui a particulièrement bien dit le grand monologue.

      IX

      DÉBUTS DE MADEMOISELLE EMILIE GUYON DANS HERNANI

(THÉÂTRE-FRANÇAIS)15 juin 1841.

      Hernani est toujours pour nous le drame de Victor Hugo que nous préférons, non pas que nous pensions, comme M. de Salvandy, que l'illustre poète n'ait rien fait qui vaille depuis sa pièce couronnée aux Jeux floraux: mais Hernani réveille en nous de tels souvenirs d'enthousiasme et de jeunesse, qu'il nous est impossible de ne pas avoir pour lui quelque partialité. C'était un beau temps que celui-là! Un temps de lutte, de passion, d'enivrement et de fanatisme; jamais la querelle littéraire ne fut débattue plus vivement. Les représentations étaient de vraies batailles rangées: on sifflait, on applaudissait avec fureur; chaque vers était pris et repris, on combattait des heures entières pour le moindre hémistiche. Un jour, les romantiques emportaient le vieillard stupide; l'autre jour les classiques, que ce mot choquait particulièrement comme une allusion personnelle, le reprenaient à l'aide d'une supérieure artillerie de sifflets. Nous avons assisté pour notre compte à plus de quarante représentations consécutives d'Hernani; nous allions là par bandes, tous fous de poésie, d'amour de l'art, fanatiques comme des Turcs, et prêts à tout faire pour notre Mahomet. Nous entrions dès trois heures, nous attendions le lever du rideau en nous récitant des tirades de la pièce, que nous savions mieux que les acteurs. C'était charmant! On demandait, par-ci par-là, la tête de quelque académicien. Qui eût dit alors que notre chef passerait à l'ennemi et serait académicien lui-même! Et l'on battait un peu les bourgeois, qui ne comprenaient pas. Nous avions, d'ailleurs, la mine singulièrement farouche avec nos barbes, nos moustaches, nos royales, nos cheveux mérovingiens, nos chapeaux excessifs, nos gilets de couleur féroce. Certes, tout cela peut sembler ridicule aujourd'hui; mais c'était une belle chose que toute cette jeunesse ardente, passionnée, combattant pour la liberté de l'esprit, et introduisant de force dans le temple de Melpomène la muse moderne dont Victor Hugo était, à cette époque le prêtre le plus fidèle; une chose encore distingue cette époque: c'est l'absence d'envie et de jalousie littéraires; l'on s'aimait et l'on s'admirait franchement: dès que l'on avait fait une pièce de vers, ou un sonnet, on courait les montrer aux camarades, on se félicitait, on se complimentait: et certes il y avait de quoi, car la poésie, enterrée par les versifications de l'Empire, venait enfin de ressusciter.

      Nous avions raison, cependant, nous les jeunes fous, les enragés qui faisions de si belles peurs aux membres de l'Institut, tout inquiets dans leurs stalles; Hernani n'est interrompu aujourd'hui que par les applaudissements; cette passion si chaste et si dévouée, cette couleur romanesque et sauvage, cette fierté héroïque et castillane dont Victor Hugo semble avoir dérobé le secret à Corneille, tout cela a été compris et senti admirablement par cette même foule qui repoussait autrefois le poète au nom d'Aristote, qu'elle n'a jamais lu.

      Mademoiselle Émilie Guyon, jeune et belle personne que le public avait déjà eu occasion d'applaudir dans la Fille du Ciel, de M. Casimir Delavigne, débutait par le rôle de doña Sol où Mademoiselle Mars et Madame Dorval avaient déjà montré un talent si brillant et si divers; elle a bien compris la physionomie de cette figure profondément espagnole, passionnément calme, hautaine, et douce, fière et tendre à la fois, qui s'honore de l'amour d'un banni et s'offense du caprice d'un' roi. Son costume de velours, noir et or, semble dérobé à un portrait de Zurbarán et lui sied à ravir. Beauvallet, qui manque peut-être de suavité dans les portions amoureuses de son rôle, a parfaitement rendu l'âpre mélancolie, la majesté sauvage et l'allure romanesque du chef de montagnards: il est, sous ce rapport, bien supérieur à Firmin. Guyon n'a qu'un défaut dans le Ruy Gomez de Silva, c'est qu'il est trop vert encore sous ses cheveux blancs, sa belle voix, sonore et vibrante comme un timbre de cuivre, a de la peine à imiter le chevrotement de la sénilité. À part ce défaut que nous lui pardonnons bien volontiers, et dont il n'est pas responsable, il a été simple, majestueux, et bon … Quant à Ligier, c'est un tragédien d'un grand talent sans doute, mais il nous est impossible de le prendre, ne fût-ce qu'un instant, pour le jeune roi don Carlos, avec sa barbe rousse et sa lèvre autrichienne.

      X

      REPRISE D'HERNANI

12 février 1844.

      On a repris cette semaine Hernani à la Comédie-Française. Le chef-d'œuvre du maître, cet admirable poème dramatique interprété par Ligier, Guyon, Beauvallet et Madame Mélingue qui prenait possession du rôle de doña Sol, a été accueilli, nous ne dirons pas seulement avec attention et respect, mais avec le plus vif enthousiasme. Pour ceux qui comme nous ont assisté aux luttes des premières représentations, où chaque mot soulevait une tempête, où chaque vers était disputé pied à pied, c'est à coup sûr une chose merveilleuse que de voir aujourd'hui toutes les pensées, toutes les intentions du poète unanimement comprises et applaudies. Pourquoi donc, si ce n'est sous prétexte de longueurs, Messieurs les comédiens ont-ils cru devoir écourter la magnifique apostrophe de don Ruy Gomez, au premier acte la scène des tableaux, le monologue de Charles-Quint, etc.? Ne serait-ce pas, au contraire, le moment de rétablir le texte primitif, de jouer la pièce telle que l'auteur l'avait d'abord conçue et qu'elle se trouve imprimée dans la Bibliothèque Charpentier? Les tragédies classiques nous amusent médiocrement, on le sait; à notre avis, les plus courtes sont tes meilleures, mais, lorsqu'on fait tant que de les représenter, nous les voulons entières, et toutes les modifications qu'on

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