Entre ombres et obscurités. Willem Ngouane
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– Et si on allait oublier tout ça devant une bonne bière mon cher Paul!
Le plus désolant chez cet homme était le fait qu’il permettait rarement aux gens de voir ses bons côtés. Il était la première victime de ses conneries mais il commençait quand même à prendre conscience des inimitiés que posait sa conduite, et essayait de se rattraper de ses erreurs. Malheureusement son action après coup n’était pas suffisamment forte pour faire oublier le tsunami occasionné par la nocuité de ses actes.
Trente minutes plus tard, nous nous asseyions tranquillement dans ce bar-restaurant situé à quelques deux cents mètres de notre lieu de service, un bar privé hyper sélectif, où seules de grandes personnalités ont accès. L’établissement profitait du besoin d’intimité qu’éprouvent certaines personnes de l’élite dans leurs saines détentes et avait fait de sa qualité dans la gestion de la clientèle son fer de lance. Rapidement entrainés dans une atmosphère bruyante mais tout autant savoureuse, nous nous camouflions dans cette forêt, tentant de ne pas trop se faire remarquer malgré la bonne réputation de l’établissement jusqu’au moment où André commença à lancer de petites flatteries à une serveuse qui les recevait visiblement plutôt bien avec un sourire flatté, une jeune demoiselle à la lourde poitrine, un visage peu enchanteur, mais suffisamment noyé dans une silhouette provocante qui ferait se retourner plus d’un.
Alors que je me débattais à couvrir la gêne que causait la bestialité de mon collègue, qui vis-je! Dame! La jeune Caroline à l’entrée du restaurant bras dessus bras dessous avec un homme à première vue autre que le timide Christian!!! Et pourtant, il y avait à peine quelques heures de cela, ce dernier me disait sa joie de commencer une aventure amoureuse avec elle, terrible désillusion! Son apparence d’ange m’avait donc menti! Comment n’ai-je pas pu être plus méfiant devant cette inconnue avant de la conseiller à ce gentil gars. Le pauvre jeune homme, s’il savait que sa belle faisait les restaurants avec une compagnie masculine autre que la sienne… Quelle désolation!
Mais je n’étais cependant pas encore au bout de mes surprises! Cet homme qui la tenait amoureusement par le bras, cette corpulence, ces manières, cette élégance me rappelait quelqu’un: monsieur le ministre! Oui c’était bel et bien lui! Bon Dieu que faisaient-ils là à batifoler dans un restaurant?
Immense stupeur! Je n’arrivais pas à en croire mes yeux! Fallait-il commencer à me questionner de ce que la situation pouvait laisser penser? Fallait-il y voir la confirmation de ce que les bruits de couloir affirmaient depuis plusieurs mois? C’était sûr que si André voyait ce qui se déroulait devant nous ce serait le comble, lui le principal animateur des rumeurs qui faisaient de monsieur le ministre un cavaleur de première, lui qui m’accusait d’être trop naïf à chaque fois que je m’insurgeais contre ce qu’il me semblait être des commérages abjects. Fort heureusement il était toujours perdu dans ses tentatives de séduction de sa nouvelle conquête.
Je ne les quittais plus des yeux. Ils avaient choisi de s’asseoir côté restaurant à l’abri des regards comme s’ils se savaient guettés, ce qui a encore plus éveillé mes soupçons. Etait-ce un sain besoin d’intimité pour justement éviter de malsaines conclusions comme la mienne ou alors devrais-je réellement m’inquiéter d’une infamie? J’en tremblais de stupéfaction!
Deux minutes plus tard, il me devint plus difficile de les voir. En plus, je risquais maintenant de me voir démasqué en me faisant trop proche physiquement. Je restais donc fatalement à me ressasser les minutes antérieures et la scène forte en ambigüité qui avait eu lieu. Ils m’avaient entraîné dans un éparpillement paralysant, dans une nuit de spéculations les plus tordues les unes que les autres.
Fuyant la honte d’un futur procès de la part d’André si ce dernier venait à découvrir l’impensable qui se produisait devant nous, je protestai à une continuation vers l’ivresse un réaménagement de mon emploi du temps. Fort heureusement il accepta, mais tâcha de d’abord terminer son larcin en prenant le numéro de la charmante serveuse, prochaine partenaire de ses activités sexuelles. Nous quittâmes ensuite les lieux d’un pas pressé dont j’imposais la cadence, laissant les tourtereaux à leur rendez-vous, abandonné que j’étais à imaginer la teneur de leur discussion et la réalité de leur relation.
Chapitre 3
Je n’en pouvais plus de la prison mentale dans laquelle j’étais injustement écroué depuis que la suite des évènements ne m’avait pas plus renseigné. Je me murais dans la fausseté, crevais devant la naïveté de ce cher Christian qui, comme pour remuer le couteau dans la plaie, ne se privait plus de jouir de la compagnie du confident que j’étais devenu pour lui. Ses histoires me torturaient, m’enfonçaient de violents coups de poignard à chaque détail de son idylle. J’agonisais en voyant une âme si blanche, si innocente, vivre dans l’ignorance d’éléments importants de son existence. Il enjolivait tout comme un enfant, me racontait ses moments de plaisir tout en usant d’une pudeur respectueuse, et moi je l’écoutais transformer sa tendre Caroline en princesse Disney, moi qui savais désormais qu’elle était certainement loin d’être Blanche-Neige. Je criais ma peine en silence, m’obligeant à devoir accompagner d’un enchantement hypocrite le conte à l’eau de rose que me rapportait le très entiché jeune homme. Mais il m’arrivait souvent l’envie de tout étaler, quitte à le frustrer et à certainement le condamner à une désastreuse dépression. Fort heureusement je réussissais tant bien que mal à me contenir, jusque-là la scène du restaurant et les commérages de ce nuisible André étaient insuffisants pour m’entrainer à créer un cataclysme dans le mental de ce jeune garçon à la fleur de l’âge. Pourquoi ruiner le rêve d’un enfant qui devait certainement n’en être qu’à sa première véritable aventure amoureuse? Pourquoi briser ce conte de fées pourtant bien commencé, entre la belle et le travailleur, tout cela à cause d’une scène certes intrigante à raison, mais pas assez flagrante pour donner lieu à une conclusion qui plus tard pourrait s’apparenter à une erreur de jugement?
C’est ainsi que je décidai d’adopter la vigilance en prêtant beaucoup plus d’attention aux faits et gestes des suspects, en les épiant tel un espion russe, dans une extraordinaire discrétion. Il ne s’agissait pas seulement du souci d’avoir la confirmation d’un amour trahi (entre Christian et sa dulcinée), mais il était aussi question de vérifier l’enracinement de mes propres convictions, de rendre plus forte la légitimité de mes opinions envers monsieur le ministre en ayant à nouveau l’assurance des valeurs que je lui connaissais. Le risque de regretter de longues minutes d’intenses débats, de multiples arguments savamment exposés dans des échanges tendus avec ceux qui m’opposaient ce que je me persuadais être des élucubrations, me tourmentait! En m’adonnant à ce silencieux espionnage, je m’anesthésiais de tout jugement de la part de ma conscience, en espérant ne jamais tenir cet élément qui détruirait toute l’estime cultivée de longues années pour celui qui a toujours été mon idole.
Mais comme s’ils s’en étaient mis d’accord, les deux individus ne se retrouvaient presque jamais dans une même pièce, et avaient cessé de se rendre dans ce restaurant où je les attendais presque chaque soir, camouflé comme ma mission de détective me le recommandait. L’espoir d’avoir juste été témoin d’un fait anodin et innocent, et donc de m’être fait avoir par une imagination influencée par de nombreux commérages, me gagnait peu à peu, mais le doute subsistait! Tous leurs comportements me semblaient désormais suspects, même le vide et le silence parlaient en leur défaveur. Et pourtant une semaine jour pour jour après la scène du restaurant, j’allais avoir la pire des réponses à mes incertitudes.
Ce jour-là, après de longues heures de travail, je me décidai poussé par une fatigue pesante de retourner à mon domicile plus tôt