Deux. Impair. Federico Montuschi
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Federico Montuschi
Deux. Impair
Titre original : Due. Dispari
Traduction : Caroline Zerouki
Éditeur : Tektime
Copyright © 2019 - Federico Montuschi
Milan, 2013
And the big wheel keep on turning,
Neon burning, up above.
Dire Straits
Extrait du Corriere della Sera , mercredi 3 avril 2013. Page des faits divers.
Milan s’est réveillée hier matin avec l’annonce d’un double homicide, dans le secteur de la place Loreto.
Une jeune femme, Malika Rubessa, a été touchée à mort peu avant sept heures du matin, alors qu’elle attendait l’autobus pour se rendre à son travail, par un projectile tiré depuis un appartement tout proche, dans lequel la police a découvert le cadavre de Paolo Ficini, un homme trentenaire, qui était vraisemblablement un collègue de la femme assassinée.
Selon les premiers éléments de l’enquête, Ficini aurait tiré sur sa collègue, avant d’être à son tour touché par un coup de feu tiré à bout portant par un inconnu, qui s’est volatilisé après avoir commis cet homicide.
Aucun signe d’effraction n’a été trouvé sur la porte d’entrée, mais dans l’appartement, dans lequel un coffre-fort aurait disparu, les enquêteurs ont relevé les traces d’une violente bagarre. C’est un cas complexe, mais la police étudie toutes les pistes possibles pour retrouver l’assassin [...]
13 décembre 2013.
...trouvant le Dièse entre le Mi et le FA.
L’avion décolla de Milan en début d’après-midi.
Duke, un aller simple en poche, se délectait de ce vol international, installé en première classe et apaisé par le sourire de façade des hôtesses, tout en sirotant un Daïquiri et admirant, caché derrière ses Ray-Ban achetées à l’aéroport, la lumière du soleil perçant au-dessus des nuages.
Il repensa un court instant à ce voyage en Croatie effectué quelques mois plus tôt.
Ce week-end, qui avait eu lieu presque par accident, avait changé sa vie. Un nouveau passeport, une nouvelle identité, un portefeuille bien rempli. De plus, les soins intensifs de la clinique privée de Milan avaient déjà produit l’effet escompté et les zones d’ombre de sa mémoire semblaient à présent dissipées.
Un sourire se dessina sur son visage détendu et, se tournant vers l’hôtesse blonde, il commanda un autre Daïquiri.
Costa Rica, printemps 2015
Head full of dreams unclear
Make the days seem twice as long.
Ben Harper
Le printemps 2015 fut, pour le village de Burgos et pour tout le Costa Rica, particulièrement froid.
Après les pluies diluviennes qui, depuis le mois d’avril, rythmaient les journées des ticos [1] , cette année faisait face à une baisse inhabituelle des températures, qui avait entraîné, pour la majeure partie des habitants du village, son lot d’épidémies typiques des saisons froides.
L’inspecteur Castillo n’avait pas fait exception.
Il venait tout juste d’avoir 50 ans et, pour autant qu’il s’en souvienne, la dernière fois qu’il avait eu une forte fièvre, il était en classe de CM1.
À cette époque, c’était un garçon fluet, avec de prétendus problèmes de croissance (il pesait à peine plus de vingt kilos et ne dépassait pas un mètre vingt-cinq) ; aujourd'hui, c’était un homme massif (bien que personne ne se soit jamais risqué à le traiter de gros !), mesurant environ un mètre quatre-vingt et pesant presque cent kilos.
Deux moustaches noires se détachaient sur son visage olivâtre, donnant du relief à ses pommettes hautes et bien prononcées ; Conchita ne cessait de lui rappeler que lorsqu’il était jeune il ressemblait à Clark Gable et qu’il aurait mieux fait de faire carrière dans le cinéma plutôt que dans les enquêtes, étant donné les résultats obtenus.
Dans ces cas-là, Castillo laissait parler sa femme, en relevant imperceptiblement le sourcil gauche, et fourrait dans sa bouche le cigare coupé qu’il gardait toujours dans sa poche.
Cela faisait dix ans maintenant qu’il ne le fumait plus - ce qui correspondait au temps écoulé depuis son infarctus - mais le mâchonner de temps à autre stimulait sa concentration et dans des situations de stress notamment, ce geste lui apportait du réconfort et le réconciliait momentanément avec le monde.
Depuis dix jours, il était cloué au lit. La fièvre qui ne descendait pas en-dessous de trente-neuf l’empêchait de se tenir sur ses jambes - qui n’étaient déjà pas particulièrement solides, étant donné qu’il ne pratiquait aucun sport depuis des lustres - et la toux encore sèche allait probablement empirer dans les jours à venir.
Tout bien considéré, en homme pragmatique et généralement optimiste, Castillo réussissait à apprécier les aspects positifs de cette situation : durant ces jours de convalescence, Conchita, par exemple, lui servait le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner au lit et venait même l’aider lorsqu’il l’appelait pour changer les chaînes du vieux téléviseur Saba, datant de l’époque où les télécommandes n’existaient pas et ayant survécu miraculeusement aux inévitables petits tracas dus à son grand âge, ainsi qu’aux mauvais traitements de Castillo dans ses rares moments de rage domestique.
De plus, une fois le petit-déjeuner terminé, ses filles Mar et Carmen - vingt-deux et vingt ans - lui apportaient le quotidien national ainsi que le régional, tout juste sortis du kiosque à journaux situé au bout de la rue, et deux heures durant Castillo s’autorisait la lecture intégrale des journaux, un privilège qu’il n'aurait jamais pu se permettre, en temps normal, pas même le dimanche.
Une ou deux fois par jour, il téléphonait au bureau pour vérifier que tout était en ordre.
Immanquablement, le Slave décrochait. Qui d’autre aurait pu répondre ? Il était le seul employé sur place, si l'on peut qualifier d’employé quelqu’un qui, sans avoir de salaire fixe, répond au téléphone, s’occupe des tâches administratives, nettoie les bureaux une fois par semaine et sert également de chauffeur lors des rendez-vous professionnels à l’extérieur.
Par chance, côté santé, ce jeune homme semblait indestructible.
Pendant son congé maladie, en l’absence d’événements ou d'informations importantes (à dire vrai, un détective privé dans un petit village comme celui-là était rarement submergé de travail), ces appels entre Castillo et le Slave se terminaient inexorablement par un échange respectueux de politesses, avec salutations finales de prompt rétablissement de la part du Slave à l’égard de son chef.
Cette matinée ne fit pas exception.
« Allo, salut, c’est moi, Castillo.