Ida et Carmelita. Hector Malot

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Ida et Carmelita - Hector Malot

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sur lui ses grands yeux, qui s'étaient éclairés d'une flamme rapide.

      Mais ce n'était pas seulement pour avoir le plaisir de serrer la main de ce cher colonel que le prince Mazzazoli attendait son retour avec impatience.

      Il avait une demande à lui adresser, une prière, la plus importune, la plus inconvenante, mais qui lui était imposée par la nécessité.

      —Je sais par Horace de quoi il s'agit, interrompit le colonel, et je suis heureux de mettre deux de mes chambres à la disposition de ces dames. Je regrette seulement que vous n'en ayez pas déjà pris possession en m'attendant, car vous deviez bien penser que je m'empresserais de vous les offrir.

      Comme le prince se confondait en excuses en même temps qu'en remercîments, le colonel l'interrompit de nouveau.

      —Je vous assure que vous ne me devez pas tant de reconnaissance. Au reste le sacrifice que je vous fais est bien petit, et je regrette même que les circonstances le rende si insignifiant.

      —Il n'en est pas moins vrai que, pour nous, vous vous privez de vos chambres, dit Carmelita.

      —Pour une nuit....

      —Comment! pour une nuit? s'écria le prince.

      —Je pars demain soir.

      Carmelita attacha sur le colonel un long regards qui fit baisser les yeux à celui-ci.

      Pour échapper à l'embarras que ce regard de Carmelita lui causait, il se jeta dans des explications sur son départ, arrêté depuis longtemps, dit-il, et qui ne pouvait être différé.

      Puis presqu'aussitôt, prétextant la fatigue, le prince demanda au colonel la permission de conduire la comtesse à sa chambre.

      Dans son état, elle avait besoin des plus grands ménagements.

      Et tout bas il dit au colonel que la pauvre femme était bien mal et qu'un accès de fatigue pouvait la tuer.

       Table des matières

      Ce que le colonel eût voulu savoir et ce qu'il se demandait curieusement, c'était pourquoi le prince était venu au Glion.

      Il n'avait point oublié, bien entendu, ce que madame de Lucillière lui avait si souvent répété à propos des projets du prince et de ses espérances matrimoniales.

      Il se pouvait donc très bien que ce voyage au Glion n'eût pas d'autre but que l'accomplissement de ces projets et la réalisation de ces espérances.

      Sachant ce qui s'était passé avec madame de Lucillière, le prince avait trouvé que le moment était favorable pour mettre Carmelita en avant et la présenter comme une consolatrice.

      Alors la maladie de la comtesse Belmonte n'était qu'un prétexte pour expliquer ce voyage.

      Il faut dire que le colonel n'était nullement disposé à l'infatuation, et que de lui-même il n'eût très probablement jamais imaginé qu'on pouvait courir après lui pour le marier avec une jolie fille. Mais madame de Lucillière lui avait si souvent parlé de ce projet du prince, que le souvenir de ces paroles ne pouvait pas ne pas l'inquiéter en présence d'une arrivée si étrange.

      En tout cas, il n'y avait pour lui qu'une chose à faire.

      Quitter le Glion.

      Lorsqu'il monta à sa chambre, il ouvrit sa porte avec précaution et il marchait doucement en évitant de faire du bruit, de peur de déranger ses voisines, lorsqu'il entendit frapper quelques petits coups à la cloison.

      En même temps, une voix,—celle de Carmelita,—l'appela.

      —Colonel, c'est vous, n'est-ce pas!

      On parlait contre la porte qui mettait les deux chambres en communication intérieure et qui, alors qu'il occupait ces deux chambres, restait toujours ouverte.

      —Oui, c'est moi, dit-il.

      —Je vous ai bien reconnu aux précautions que vous preniez pour ne pas faire de bruit; ne vous gênez pas, je vous prie. C'est moi qui suis votre voisine. J'ai le sommeil bon; quand je dors, rien ne me réveille. Bonsoir.

      —Bonsoir.

      Comment? il serait exposé tous les soirs à des dialogues de ce genre; à chaque instant dans le jour, il verrait Carmelita! Ah! certes non, et le lendemain il quitterait le Glion.

      Le lendemain matin, comme il sortait de sa chambre, il trouva dans le vestibule le prince Mazzazoli qui se promenait en long et en large.

      —Auriez-vous deux minutes à me donner? demanda-t-il en serrant la main du colonel.

      —Mais tout ce que vous voudrez.

      —Connaissez-vous Champéry? j'entends, y êtes-vous allé?

      —Non.

      —Et les Diablerets?

      —Je n'y suis pas allé non plus.

      —Et le val d'Anniviers?

      —Je ne le connais que par les livres.

      —Voilà qui est fâcheux. J'avais compté sur vous pour me tirer d'embarras: les livres, les guides, c'est parfait, mais dans notre situation ce n'est pas suffisant.

      —Et que vous importe Champéry ou le val d'Anniviers?

      —Il faut être franc, n'est-ce pas? D'ailleurs je voudrais ne pas l'être, que cela me serait impossible. Je vous demande des renseignements sur Champéry et les Diablerets, parce que mon intention est d'aller aux Diablerets, ou à Champéry, ou au val d'Anniviers, enfin dans un pays où ma pauvre soeur trouvera les conditions atmosphériques qui sont ordonnées; et si je choisis ces pays, c'est parce qu'ils ne sont qu'à une courte distance du Glion.

      —Mais le Glion lui-même?

      —J'avais choisi le Glion, parce que je le connaissais et que je savais que c'était la station par excellence pour ma malheureuse soeur. Mais nous ne pouvons pas rester au Glion. Vous m'avez demandé d'être franc, je veux l'être jusqu'au bout. Avec une bonne grâce parfaite, avec un élan spontané, vous avez voulu nous céder vos chambres; mais il est bien évident que notre présence vous gêne.

      —Comment pouvez-vous penser?

      —Je ne pense pas, je suis certain. Pour des raisons que je n'ai pas à examiner, vous désirez être seul; notre voisinage vous incommode et vous trouble. Alors vous partez. Eh bien, mon cher colonel, cela ne doit pas être. Ce n'est pas à vous de partir, c'est à nous de vous céder la place.

      —Permettez....

      —Je vous en prie, laissez-moi achever. Nous sommes ici dans des conditions tout à fait particulières. Si vous n'aviez pas habité cet hôtel, nous n'aurions pas pu nous y faire recevoir.

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