Les compagnons de Jéhu. Alexandre Dumas
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— Il est vrai, dit-il, qu'après cet excellent aristocrate qui achevait ce que les massacreurs avaient commencé, et qui retrempait dans le sang ses talons rouges déteints, les gens qui font ces sortes d'exécutions sont des gens de bas étage, des bourgeois et des manants, comme disaient nos aïeux en parlant de ceux qui les nourrissaient; les nobles s'y prennent plus élégamment. Vous avez vu, au reste, ce qui s'est passé à Avignon: on vous le raconterait, n'est-ce pas? que vous ne le croiriez pas. Ces messieurs les détrousseurs de diligences se piquent d'une délicatesse infinie; ils ont deux faces sans compter leur masque: ce sont tantôt des Cartouches et des Mandrins, tantôt des Amadis et des Galaors. On raconte des histoires fabuleuses de ces héros de grand chemin. Ma mère me disait hier qu'il y avait un nommé Laurent — vous comprenez bien, mon cher, que Laurent est un nom de guerre qui sert à cacher le nom véritable, comme le masque cache le visage — il y avait un nommé Laurent qui réunissait toutes les qualités d'un héros de roman, tous les accomplissements, comme vous dites, vous autres Anglais, qui, sous le prétexte que vous avez été Normands autrefois, vous permettez de temps en temps d'enrichir notre langue d'une expression pittoresque, d'un mot dont la gueuse demandait l'aumône à nos savants, qui se gardaient bien de la lui faire. Le susdit Laurent était donc beau jusqu'à l'idéalité; il faisait partie d'une bande de soixante et douze compagnons de Jéhu que l'on vient de juger à Yssengeaux: soixante-dix furent acquittés; lui et un de ses compagnons furent seuls condamnés à mort; on renvoya les innocents séance tenante, et l'on garda Laurent et son compagnon pour la guillotine. Mais bast! maître Laurent avait une trop jolie tête pour que cette tête tombât sous l'ignoble couteau d'un exécuteur: les juges qui l'avaient jugé, les curieux qui s'attendaient à le voir exécuter, avaient oublié cette recommandation corporelle de la beauté, comme dit Montaigne. Il y avait une femme chez le geôlier d'Yssengeaux, sa fille, sa soeur, sa nièce; lhistoire — car c'est une histoire que je vous raconte et non un roman — l'histoire n'est pas fixée là-dessus; tant il y a que la femme, quelle qu'elle fût, devint amoureuse du beau condamné; si bien que, deux heures avant l'exécution, au moment ou maître Laurent croyait voir entrer l'exécuteur, et dormait ou faisait semblant de dormir, comme il se pratique toujours en pareil cas, il vit entrer l'ange sauveur.
«Vous dire comment les mesures étaient prises, je n'en sais rien: les deux amants ne sont point entrés dans les détails, et pour cause; mais la vérité est — et je vous rappelle toujours, sir John, que c'est la vérité et non une fable — la vérité est que Laurent se trouva libre avec le regret de ne pouvoir sauver son camarade, qui était dans un autre cachot. Gensonné, en pareille circonstance, refusa de fuir et voulut mourir avec ses compagnons les Girondins; mais Gensonné n'avait pas la tête d'Antinoüs sur le corps d'Apollon: plus la tête est belle, vous comprenez, plus on y tient. Laurent accepta donc loffre qui lui était faite et s'enfuit; un cheval l'attendait au prochain village; la jeune fille, qui eût pu retarder ou embarrasser sa fuite, devait l'y rejoindre au point du jour. Le jour parut, mais n'amena point l'ange sauveur; il paraît que notre chevalier tenait plus à sa maîtresse qu'à son compagnon: il avait fui sans son compagnon, il ne voulut pas fuir sans sa maîtresse. Il était six heures du matin, lheure juste de l'exécution; l'impatience, le gagnait. Il avait, depuis quatre heures, tourné trois fois la fête de son cheval vers la ville et chaque fois s'en était approché davantage. Une idée, à cette troisième fois, lui passa par lesprit: c'est que sa maîtresse est prise et va payer pour lui; il était venu jusqu'aux premières maisons, il pique son cheval, rentre dans la ville, traverse à visage découvert et au milieu de gens qui le nomment par son nom, tout étonnés de le voir libre et à cheval, quand ils s'attendaient à le voir garrotté et en charrette, traverse la place de lexécution, où le bourreau vient d'apprendre qu'un de ses patients a disparu, aperçoit sa libératrice qui fendait à grand-peine la foule, non pas pour voir lexécution, elle, mais pour aller le rejoindre. À sa vue, il enlève son cheval, bondit vers elle, renverse trois ou quatre badauds en les heurtant du poitrail de son Bayard, parvient jusqu'à elle, la jette sur l'arçon de sa selle, pousse un cri de joie et disparaît en brandissant son chapeau, comme M. de Condé à la bataille de Lens; et le peuple d'applaudir et les femmes de trouver l'action héroïque et de devenir amoureuses du héros.
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