En famille. Hector Malot

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      — Si j'osais, maman!

      — Tu peux oser.

      — Je te répondrais que ce que tu me dis, c'était cela même que je te disais.

      — Moi, je suis malade.

      — C'est pour cela que si tu voulais j'irais chercher un médecin; nous sommes à Paris, et à Paris il y a de bons médecins.

      — Les bons médecins ne se dérangent pas sans qu'on les paye.

      — Nous le payerions.

      — Avec quoi?

      — Avec notre argent; tu dois avoir sept francs dans ta robe et en plus un florin que nous pouvons changer ici; moi j'ai dix-sept sous. Regarde dans ta robe.»

      Cette robe noire, aussi misérable que la jupe de Perrine, mais moins poudreuse, car elle avait été battue, était posée sur le matelas et servait de couverture; sa poche explorée donna bien les sept francs annoncés et le florin d'Autriche.

      «Combien cela fait-il en tout? demanda Perrine, je connais si mal l'argent français.

      — Je ne le connais guère mieux que toi.»

      Elles firent le compte, et en estimant le florin à deux francs elles trouvèrent neuf francs quatre-vingt-cinq centimes.

      «Tu vois que nous avons plus qu'il ne faut pour le médecin, continua Perrine.

      — Il ne me guérirait pas par des paroles, il ordonnerait des médicaments, comment les payer?

      — J'ai mon idée. Tu penses bien que quand je marche à côté de Palikare, je ne passe pas tout mon temps à lui parler, quoiqu'il aimerait cela; je réfléchis aussi à toi, à nous, surtout à toi, pauvre maman, depuis que tu es malade, à notre voyage, à notre arrivée à Maraucourt. Est-ce que tu crois que nous pouvons nous y montrer dans notre roulotte qui, si souvent, sur notre passage a fait rire? Cela nous vaudrait-il un bon accueil?

      — Il est certain que même pour des parents qui n'auraient pas de fierté, cette entrée serait humiliante.

      — Il vaut donc mieux qu'elle n'ait pas lieu; et puisque nous n'avons plus besoin de la roulotte nous pouvons la vendre. D'ailleurs à quoi nous sert-elle maintenant? Depuis que tu es malade, personne n'a voulu se laisser photographier par moi; et quand même je trouverais des gens assez braves pour se fier à moi, nous n'avons plus de produits. Ce n'est pas avec ce qui nous reste d'argent que nous pouvons dépenser trois francs pour un paquet de développement, trois francs pour un virage d'or et d'acétate, deux francs pour une douzaine de glaces. Il faut la vendre.

      — Et combien la vendrons-nous?

      — Nous la vendrons toujours quelque chose: l'objectif est en bon état; et puis il y a le matelas…

      — Tout, alors?

      — Cela te fait de la peine?

      — Il y a plus d'un an que nous vivons dans cette roulotte, ton père y est mort, cela fait que si misérable qu'elle soit, la pensée de m'en séparer m'est douloureuse; de lui c'est tout ce qui nous reste, et il n'est pas une seule de ces pauvres choses à laquelle son souvenir ne soit attaché.»

      Sa parole haletante s'arrêta tout à fait, et sur son visage décharné des larmes coulèrent sans qu'elle pût les retenir.

      «Oh! maman, s'écria Perrine, pardonne-moi de t'avoir parlé de cela.

      — Je n'ai rien à te pardonner, ma chérie; c'est le malheur de notre situation que nous ne puissions, ni toi ni moi, aborder certains sujets sans nous attrister réciproquement, comme c'est la fatalité de mon état que je n'aie aucune force pour résister, pour penser, pour vouloir, plus enfant que tu ne l'es toi-même. N'est- ce pas moi qui aurais dû te parler comme tu viens de le faire, prévoir ce que tu as prévu, que nous ne pouvions pas arriver à Maraucourt dans cette roulotte, ni nous montrer dans ces guenilles, cette jupe pour toi, cette robe pour moi? Mais en même temps qu'il fallait prévoir cela, il fallait aussi combiner des moyens pour trouver des ressources, et ma tête si faible ne m'offrait que des chimères, surtout l'attente du lendemain, comme si ce lendemain devait accomplir des miracles pour nous: je serais guérie, nous ferions une grosse recette; les illusions des désespérés qui ne vivent plus que de leurs rêves. C'était folie, la raison a parlé par ta bouche: je ne serai pas guérie demain, nous ne ferons pas une grosse, ni une petite recette, il faut donc vendre la voiture et ce qu'elle contient. Mais ce n'est pas tout encore; il faut aussi que nous nous décidions à vendre…»

      Il y eut une hésitation et un moment de silence pénible.

      «Palikare", dit Perrine.

      — Tu y avais pensé?

      — Si j'y avais pensé! Mais je n'osais pas le dire, et depuis que l'idée me tourmentait que nous serions forcées un jour ou l'autre de le vendre, je n'osais même pas le regarder, de peur qu'il ne devine que nous pouvions nous séparer de lui, au lieu de le conduire à Maraucourt où il aurait été si heureux, après tant de fatigues.

      — Savons-nous seulement si nous-mêmes nous serons reçues à Maraucourt! Mais enfin, comme nous n'avons que cela à espérer et que, si nous sommes repoussées, il ne nous restera plus qu'à mourir dans un fossé de la route, il faut coûte que coûte que nous allions à Maraucourt, et que nous nous y présentions de façon à ne pas faire fermer les portes devant nous…

      — Est-ce que c'est possible, cela maman? Est-ce que le souvenir de papa ne nous protégerait pas? lui qui était si bon! Est-ce qu'on reste fâché contre les morts?

      — Je te parle d'après les idées de ton père, auxquelles nous devons obéir. Nous vendrons donc et la voiture et Palikare. Avec l'argent que nous en tirerons, nous appellerons un médecin; qu'il me rende des forces pour quelques jours, c'est tout ce que je demande. Si elles reviennent, nous achèterons une robe décente pour toi, une pour moi, et nous prendrons le chemin de fer pour Maraucourt, si nous avons assez d'argent pour aller jusque-là; sinon nous irons jusqu'où nous pourrons, et nous ferons le reste du chemin à pied.

      — Palikare est un bel âne; le garçon qui m'a parlé à la barrière me le disait tantôt. Il est dans un cirque, il s'y connaît; et c'est parce qu'il trouvait Palikare beau, qu'il m'a parlé.

      — Nous ne savons pas la valeur des ânes à Paris, et encore moins celle que peut avoir un âne d'Orient. Enfin, nous verrons, et puisque notre parti est arrêté, ne parlons plus de cela: c'est un sujet trop triste, et puis je suis fatiguée.»

      En effet, elle paraissait épuisée, et plus d'une fois elle avait dû faire de longues pauses pour arriver à bout de ce qu'elle voulait dire.

      «As-tu besoin de dormir?

      — J'ai besoin de m'abandonner, de m'engourdir dans la tranquillité, du parti pris et l'espoir d'un lendemain.

      — Alors, je vais te laisser pour ne pas te déranger, et comme il y a encore deux heures de jour, je vais en profiter pour laver notre linge. Est-ce que ça ne te paraîtra pas bon d'avoir demain une chemise fraîche?

      — Ne te fatigue pas.

      —

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