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vous dérangez pas trop souvent, cher ami, la maladie n'est pas dangereuse.

      Nous nous séparâmes en riant, mais pour moi, je riais des lèvres seulement, car, dans ce que je venais d'entendre, il y avait un fond de vérité que je ne pouvais pas me cacher à moi-même, et qui n'était rien moins que rassurant. Oui, ce serait folie d'aimer Clotilde et, comme le disait Marius Bédarrides, ce serait s'engager dans une impasse. Où pouvait me conduire cet amour?

      Pendant toute la nuit, j'examinai cette question, et, chaque fois que j'arrivai à une conclusion, ce fut toujours à la même: je ne devais plus penser à cette jeune fille, je n'y penserais plus. Après tout, cela ne devait être ni difficile ni pénible, puisque je la connaissais à peine; il n'y avait pas entre nous de liens solidement noués et je n'avais assurément qu'à vouloir ne plus penser à elle pour l'oublier. Ce serait une étoile filante qui aurait passé devant mes yeux,—le souvenir d'un éblouissement.

      Mais les résolutions du matin ne sont pas toujours déterminées par les raisonnements de la nuit. Aussitôt habillé, je me décidai à aller à la mairie, où je demandai M. Lieutaud. On me répondit qu'il n'arrivait pas de si bonne heure et qu'il était encore chez lui. C'était ce que j'avais prévu. Je me montrai pressé de le voir et je me fis donner son adresse; il demeurait à une lieue de la ville, sur la route de la Rose,—la bastide était facile à trouver, au coin d'un chemin conduisant à Saint-Joseph.

      Vers deux heures, je montai à cheval et m'allai promener sur la route de la Rose. Qui sait? Je pourrais peut-être apercevoir Clotilde dans le jardin de son cousin. Je ne lui parlerais pas; je la verrais seulement; à la lumière du jour elle n'était peut-être pas d'une beauté aussi resplendissante qu'à la clarté des bougies; le teint mat ne gagne pas à être éclairé par le soleil; et puis n'étant plus en toilette de bal elle serait peut-être très-ordinaire. Ah! que le coeur est habile à se tromper lui-même et à se faire d'hypocrites concessions! Ce n'était pas pour trouver Clotilde moins séduisante, ce n'était pas pour l'aimer moins et découvrir en elle quelque chose qui refroidît mon amour, que je cherchais à la revoir.

      Il faisait une de ces journées de chaleur étouffante qui sont assez ordinaires sur le littoral de la Provence; on rôtissait au soleil, et, si les arbres et les vignes n'avaient point été couverts d'une couche de poussière blanche, ils auraient montré un feuillage roussi comme après un incendie. Mais cette poussière les avait enfarinés, du même qu'elle avait blanchi les toits des maisons, les chaperons des murs, les appuis, les corniches des fenêtres, et partout, dans les champs brûlés, dans les villages desséchés, le long des collines avides et pierreuses, on ne voyait qu'une teinte blanche qui, réfléchissant les rayons flamboyants du soleil, éblouissait les yeux.

      Un Parisien, si amoureux qu'il eût été, eût sans doute renoncé à cette promenade; mais il n'y avait pas là de quoi arrêter un Africain comme moi. Je mis mon cheval au trot, et je soulevai des tourbillons de poussière, qui allèrent épaissir un peu plus la couche que quatre mois de sécheresse avait amassée, jour par jour, minute par minute, continuellement.

      Les passants étaient rares sur la route; cependant, ayant aperçu un gamin étalé tout de son long sur le ventre à l'ombre d'un mur, j'allai à lui pour lui demander où se trouvait la bastide de M. Lieutaud.

      —C'est celle devant laquelle un fiacre est arrêté, dit-il sans se lever.

      Devant une bastide aux volets verts, un cocher était en train de charger sur l'impériale de la voiture une caisse de voyage.

      Qui donc partait?

      Au moment où je me posais cette question, Clotilde parut sur le seuil du jardin. Elle était en toilette de ville et son chapeau était caché par un voile gris.

      C'était elle qui retournait à Cassis; cela était certain.

      Sans chercher à en savoir davantage, je tournai bride et revins grand train à Marseille. En arrivant aux allées de Meilhan, je demandai à un commissionnaire de m'indiquer le bureau des voitures de Cassis.

      En moins de cinq minutes, je trouvai ce bureau: un facteur était assis sur un petit banc, je lui donnai mon cheval à tenir et j'entrai.

      Ma voix tremblait quand je demandai si je pouvais avoir une place pour Cassis.

      —Coupé ou banquette?

      Je restai un moment hésitant.

      —Si M. le capitaine veut fumer, il ferait peut-être bien de prendre une place de banquette; il y aura une demoiselle dans le coupé.

      Je n'hésitai plus.

      —Je ne fume pas en voiture; inscrivez-moi pour le coupé.

      —A quatre heures précises; nous n'attendrons pas.

      Il était trois heures; j'avais une heure devant moi.

       Table des matières

      Depuis que j'avais aperçu Clotilde se préparant à monter en voiture jusqu'au moment où j'avais arrêté ma place pour Cassis, j'avais agi sous la pression d'une force impulsive qui ne me laissait pas, pour ainsi dire, la libre disposition de ma volonté. Je trouvais une occasion inespérée de la voir, je saisissais cette occasion sans penser à rien autre chose; cela était instinctif et machinal, exactement comme le saut du carnassier qui s'élance sur sa proie. J'allais la voir!

      Mais en sortant du bureau de la voiture et en revenant chez moi, je compris combien mon idée était folle.

      Que résulterait-il de ce voyage en tête-à-tête dans le coupé de cette diligence?

      Ce n'était point en quelques heures que je la persuaderais de la sincérité de mon amour pour elle. Et d'ailleurs oserais-je lui parler de mon amour, né la veille, dans un tour de valse, et déjà assez puissant pour me faire risquer une pareille entreprise? Me laisserait-elle parler? Si elle m'écoutait, ne me rirait-elle pas au nez? Ou bien plutôt ne me fermerait-elle pas la bouche au premier mot, indignée de mon audace, blessée dans son honneur et dans sa pureté de jeune fille? Car enfin c'était une jeune fille, et non une femme auprès de laquelle on pouvait compter sur les hasards et les surprises d'un tête-à-tête.

      Plus je tournai et retournai mon projet dans mon esprit, plus il me parut réunir toutes les conditions de l'insanité et du ridicule.

      Je n'irais pas à Cassis, c'était bien décidé, et m'asseyant devant ma table, je pris un livre que je mis à lire. Mais les lignes dansaient devant mes yeux; je ne voyais que du blanc sur du noir.

      Après tout, pourquoi ne pas tenter l'aventure? Qui pouvait savoir si nous serions en tête-à-tête? Et puis, quand même nous serions seuls dans ce coupé, je n'étais pas obligé de lui parler de mon amour; elle n'attendait pas mon aveu. Pourquoi ne pas profiter de l'occasion qui se présentait si heureusement de la voir à mon aise? Est-ce que ce ne serait pas déjà du bonheur que de respirer le même air qu'elle, d'être assis près d'elle, d'entendre sa voix quand elle parlerait aux mendiants de la route ou au conducteur de la voiture, de regarder le paysage qu'elle regarderait? Pourquoi vouloir davantage? Dans une muette contemplation, il n'y avait rien qui pût la blesser: toute femme, même la plus pure, n'éprouve-t-elle pas une certaine joie à se sentir admirée et adorée? c'est l'espérance et le désir qui font l'outrage.

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