Aventures d'Alice au pays des merveilles. Lewis Carroll

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Aventures d'Alice au pays des merveilles - Lewis Carroll

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de fleurs brillantes, de ces fraîches fontaines! Mais sa tête ne pouvait même pas passer par la porte. “Et quand même ma tête y passerait,” pensait Alice, “à quoi cela servirait-il sans mes épaules? Oh! que je voudrais donc avoir la faculté de me fermer comme un télescope! Ça se pourrait peut-être, si je savais comment m’y prendre.” Il lui était déjà arrivé tant de choses extraordinaires, qu’Alice commençait à croire qu’il n’y en avait guère d’impossibles.

      Comme cela n’avançait à rien de passer son temps à attendre à la petite porte, elle retourna vers la table, espérant presque y trouver une autre clef, ou tout au moins quelque grimoire donnant les règles à suivre pour se fermer comme un télescope. Cette fois elle trouva sur la table une petite bouteille (qui certes n’était pas là tout à l’heure). Au cou de cette petite bouteille était attachée une étiquette en papier, avec ces mots “BUVEZ-MOI” admirablement imprimés en grosses lettres.

      C’est bien facile à dire “Buvez-moi” mais Alice était trop fine pour obéir à l’aveuglette. “Examinons d’abord,” dit-elle, “et voyons s’il y a écrit dessus ‘Poison’ ou non.” Car elle avait lu dans de jolis petits contes, que des enfants avaient été brûlés, dévorés par des bêtes féroces, et qu’il leur était arrivé d’autres choses très-désagréables, tout cela pour ne s’être pas souvenus des instructions bien simples que leur donnaient leurs parents: par exemple, que le tisonnier chauffé à blanc brûle les mains qui le tiennent trop longtemps; que si on se fait au doigt une coupure profonde, il saigne d’ordinaire; et elle n’avait point oublié que si l’on boit immodérément d’une bouteille marquée “Poison” cela ne manque pas de brouiller le cœur tôt ou tard.

      Cependant, comme cette bouteille n’était pas marquée “Poison,” Alice se hasarda à en goûter le contenu, et le trouvant fort bon, (au fait c’était comme un mélange de tarte aux cerises, de crème, d’ananas, de dinde truffée, de nougat, et de rôties au beurre,) elle eut bientôt tout avalé.

      “Je me sens toute drôle,” dit Alice, “on dirait que je rentre en moi-même et que je me ferme comme un télescope.” C’est bien ce qui arrivait en effet. Elle n’avait plus que dix pouces de haut, et un éclair de joie passa sur son visage à la pensée qu’elle était maintenant de la grandeur voulue pour pénétrer par la petite porte dans ce beau jardin. Elle attendit pourtant quelques minutes, pour voir si elle allait rapetisser encore. Cela lui faisait bien un peu peur. “Songez donc,” se disait Alice, “je pourrais bien finir par m’éteindre comme une chandelle. Que deviendrais-je alors?” Et elle cherchait à s’imaginer l’air que pouvait avoir la flamme d’une chandelle éteinte, car elle ne se rappelait pas avoir jamais rien vu de la sorte.

      Un moment après, voyant qu’il ne se passait plus rien, elle se décida à aller de suite au jardin; mais hélas, pauvre Alice! en arrivant à la porte, elle s’aperçut qu’elle avait oublié la petite clef d’or. Elle revint sur ses pas pour la prendre sur la table. Bah! impossible d’atteindre à la clef qu’elle voyait bien clairement à travers le verre. Elle fit alors tout son possible pour grimper le long d’un des pieds de la table, mais il était trop glissant; et enfin, épuisée de fatigue, la pauvre enfant s’assit et pleura.

      “Allons, à quoi bon pleurer ainsi,” se dit Alice vivement. “Je vous conseille, Mademoiselle, de cesser tout de suite!” Elle avait pour habitude de se donner de très-bons conseils (bien qu’elle les suivît rarement), et quelquefois elle se grondait si fort que les larmes lui en venaient aux yeux; une fois même elle s’était donné des tapes pour avoir triché dans une partie de croquet qu’elle jouait toute seule; car cette étrange enfant aimait beaucoup à faire deux personnages. “Mais,” pensa la pauvre Alice, “il n’y a plus moyen de faire deux personnages, à présent qu’il me reste à peine de quoi en faire un.”

      Elle aperçut alors une petite boîte en verre qui était sous la table, l’ouvrit et y trouva un tout petit gâteau sur lequel les mots “MANGEZ-MOI” étaient admirablement tracés avec des raisins de Corinthe. “Tiens, je vais le manger,” dit Alice: “si cela me fait grandir, je pourrai atteindre à la clef; si cela me fait rapetisser, je pourrai ramper sous la porte; d’une façon ou de l’autre, je pénétrerai dans le jardin, et alors, arrive que pourra!”

      Elle mangea donc un petit morceau du gâteau, et, portant sa main sur sa tête, elle se dit tout inquiète: “Lequel est-ce? Lequel est-ce?” Elle voulait savoir si elle grandissait ou rapetissait, et fut tout étonnée de rester la même; franchement, c’est ce qui arrive le plus souvent lorsqu’on mange du gâteau; mais Alice avait tellement pris l’habitude de s’attendre à des choses extraordinaires, que cela lui paraissait ennuyeux et stupide de vivre comme tout le monde.

      Aussi elle se remit à l’œuvre, et eut bien vite fait disparaître le gâteau.

       LA MARE AUX LARMES.

       Table des matières

      “DE plus très-curieux en plus très-curieux!” s’écria Alice (sa surprise était si grande qu’elle ne pouvait s’exprimer correctement): “Voilà que je m’allonge comme le plus grand télescope qui fût jamais! Adieu mes pieds!” (Elle venait de baisser les yeux, et ses pieds lui semblaient s’éloigner à perte de vue.) “Oh! mes pauvres petits pieds! Qui vous mettra vos bas et vos souliers maintenant, mes mignons? Quant à moi, je ne le pourrai certainement pas! Je serai bien trop loin pour m’occuper de vous: arrangez-vous du mieux que vous pourrez.—Il faut cependant que je sois bonne pour eux,” pensa Alice, “sans cela ils refuseront peut-être d’aller du côté que je voudrai. Ah! je sais ce que je ferai: je leur donnerai une belle paire de bottines à Noël.”

      Puis elle chercha dans son esprit comment elle s’y prendrait. “Il faudra les envoyer par le messager,” pensa-t-elle; “quelle étrange chose d’envoyer des présents à ses pieds! Et l’adresse donc! C’est cela qui sera drôle.

       A Monsieur Lepiédroit d’Alice,

       Tapis du foyer,

       Près le garde-feu.

       (De la part de Mlle Alice.)

      Oh! que d’enfantillages je dis là!”

      Au même instant, sa tête heurta contre le plafond de la salle: c’est qu’elle avait alors un peu plus de neuf pieds de haut. Vite elle saisit la petite clef d’or et courut à la porte du jardin.

      Pauvre Alice! C’est tout ce qu’elle put faire, après s’être étendue de tout son long sur le côté, que de regarder du coin de l’œil dans le jardin. Quant à traverser le passage, il n’y fallait plus songer. Elle s’assit donc,

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