Baccara. Hector Malot

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Baccara - Hector Malot

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sur un métier des vieux temps et c'était lui qu'elle implorait particulièrement pour son fils comme pour son pays natal.

      La plume de madame Adeline continuait à courir sur son brouillon quand dans la cour on entendit un bruit de pas. Qui pouvait venir? Il semblait qu'il y eût deux personnes. Les pas s'arrêtèrent â la porte du bureau, où discrètement on frappa quelques coups.

      —Ma tante, faut-il ouvrir? demanda Léonie, se levant avec l'empressement d'un enfant qui saisit toutes les occasions d'interrompre un travail ennuyeux.

      —Mais, sans doute, répondit madame Adeline, bien qu'un peu surprise qu'à cette heure on frappât â cette porte et non à celle de l'appartement.

      Les verrous furent promptement tirés et la porte s'ouvrit.

      -Ah! c'est M. Eck et M. Michel, dit Léonie.

      C'était en effet le chef de la maison Eck et Debs, le père Eck, comme on l'appelait à Elbeuf, accompagné d'un de ses neveux.

      —Ponchour, matemoiselle, dit le père Eck avec son plus pur accent alsacien et en entrant dans le bureau, suivi de son neveu.

      L'oncle était un homme de soixante ans environ, rond de corps et rond de manières, court de jambes et court de bras, à la physionomie ouverte, gaie et fine, dont les cheveux frisés, le nez busqué et le teint mat trahissaient tout de suite l'origine sémitique; le neveu, au contraire, était un beau jeune homme élancé, avec des yeux de velours, et des dents blanches qui avaient l'éclat de la nacre entre des lèvres sanguines et une barbe noire frisée.

      —Ponchour, mestames Ateline, continua M. Eck, Ponchour, matemoiselle Perthe.

      Ce dernier bonjour fut accompagné d'une révérence.

      -Gomment, continua-t-il, M. Ateline n'est bas-là, je groyais qu'il tevait refenir te ponne heure; et, en foyant te la lumière au pureau, j'ai gru que c'était lui qui trafaillait; foilà gomment j'ai frappé à cette borte; excusez-moi, mestames.

      Ce fut une affaire de leur trouver des sièges, car le bureau était meublé avec une simplicité véritablement antique: une table en bois noir, deux pupitres, des rayons en sapin régnant tout autour de la pièce pour les registres et la collection des échantillons de toutes les étoffes fabriquées par la maison depuis près de cent ans, quatre chaises en paille, et c'était tout; pendant deux cents ans, cela avait suffi à plus de trois cent millions d'affaires.

      C'était après la guerre que les Eck et Debs, établis jusque-là en Alsace, avaient quitté leur pays pour venir créer à Elbeuf une grande manufacture de «draps lisses, élasticotines, façonnés noirs et couleurs», comme disaient leurs en-têtes, où s'accomplissaient, sans le secours d'aucun intermédiaire, toutes les opérations par lesquelles passe la laine brute pour être transformée en drap prêt à être livré à l'acheteur, et tout de suite ils étaient entrés en relations avec Constant Adeline, que son caractère autant que sa position mettaient au-dessus de l'envie et de la jalousie, et auprès de qui ils avaient trouvé un accueil plus libéral qu'auprès de beaucoup d'autres fabricants. Sans arriver à l'amitié, ces relations s'étaient continuées, s'étendant même aux familles. A la vérité, madame Adeline mère n'avait point vu madame Eck mère, une vieille femme de quatre-vingts ans, aussi fervente dans la religion juive qu'elle pouvait l'être dans la sienne; mais mesdames Eck et Debs faisaient à madame Constant Adeline des visites que celle-ci leur rendait, et les enfants, les deux frères Eck et les trois frères Debs avaient plus d'une fois dansé avec Berthe.

      Les politesses échangées, le père Eck prit son air bonhomme, et, regardant le cahier sur lequel madame Adeline faisait ses chiffres:

      —Touchours à l'oufrage, matame Ateline, dit-il, je foutrais bien afoir une embloyée gomme fous et... au même brix.

      Et il partit d'un formidable éclat de rire, car il était toujours le premier à sonner la fanfare pour ses plaisanteries, sans s'inquiéter de savoir s'il n'était pas quelquefois le seul à les trouver drôles.

      Mais ses éclats de rire se calmaient comme ils partaient, c'est-à-dire instantanément; il prit une figure grave, presque désolée:

      —A brobos, matame Ateline, afez-fous tes noufelles de MM. Bouteillier frères? demanda-t-il.

      —J'en ai reçu ce matin.

      —Fous safez qu'ils susbendent leurs bayements?

      —C'est ce qu'on m'écrit.

      —Est-ce que fous étiez engagés afec eux?

      —Malheureusement. Et vous?

      —Nous? Oh! non. Ils auraient pien foulu, mais nous n'avons bas foulu, nous. Tebuis trois ans, ils ne m'insbiraient blus gonfiance; c'était tes chens qui menaient drop de drain: abbardement aux Champs-Élysées, château aux enfirons de Baris, filla à Trouville, séchour à Cannes pendant l'hiver, cela ne bouvait bas turer.

      Il y eut un silence; le père Eck paraissait assez gêné, et madame Adeline l'était aussi jusqu'à un certain point, se demandant ce que pouvait signifier cette visite insolite; elle voulut lui venir en aide:

      —Est-ce que vous êtes satisfait de vos nouveaux procédés de teinture? demanda-t-elle en portant la conversation sur un sujet de leur métier, qui pouvait fournir une inépuisable matière et que d'ailleurs elle était bien aise de tirer au clair.

      —Oh! drès satisvait.

      —Et cela vous revient vraiment moins cher que, chez MM. Blay?

      Il ouvrit la bouche pour répondre, puis il la referma, et ce fut seulement après quelques secondes de réflexion qu'il se décida:

      —Matame Ateline, matame Adeline, je ne beux bas fous tire, l'infentaire n'a bas été vait.

      Cela fut répondu avec une bonhomie si parfaite qu'on aurait pu croire à sa sincérité, mais il la compromit malheureusement en se hâtant de changer de sujet.

      —Quand fous foutrez fenir à la maison, chaurai le blaisir de fous montrer ça; mais ce que je foutrais pien fous montrer, c'est nos nouveaux métiers-fixes à filer; c'est fraiment une pelle infention; seulement tepuis un an que nous les avons installés, tous les fils cassaient, nous allions faire bour cinquante mille vrancs de véraille, quand mon betit Michel a drouvé un bervectionnement aussi simple que barvait; il faut voir ça; je lui ai fait brendre un prefet. Il a vraiment le chénie de la mécanique, ce garçon-là.

      —Est-ce que M. Michel va directement exploiter son brevet?

      —Il le fentra; tous les Eck, tous les Debs restent ensemble, touchoure.

      —Ce qu'on appelle à Elbeuf les Cocodès, dit Michel en riant et en répétant une plaisanterie qui était spirituelle à Elbeuf.

      Il y eut encore un silence, puis M. Eck se levant, vint auprès de madame Adeline:

      —Est-ce que je bourrais

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