La Comédie de la mort. Theophile Gautier

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La Comédie de la mort - Theophile Gautier

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La cendre de nos coeurs vibre encore et remue

       Par-delà le tombeau,

       Et qu'un ressouvenir de ce monde dans l'autre,

       D'une vie autrefois enlacée à la nôtre,

       Traîne quelque lambeau.

      Ces morts abandonnés sans doute avaient des femmes,

       Quelque chose de cher et d'intime; des âmes

       Pour y verser la leur;

       S'ils étaient éveillés au fond de cette tombe,

       Où jamais une larme avec des fleurs ne tombe,

       Quelle affreuse douleur!

      Sentir qu'on a passé sans laisser plus de marque

       Qu'au dos de l'océan le sillon d'une barque;

       Que l'on est mort pour tous;

       Voir que vos mieux aimés si vite vous oublient,

       Et qu'un saule pleureur aux longs bras qui se plient

       Seul se plaigne sur vous.

      Au moins, si l'on pouvait, quand la lune blafarde,

       Ouvrant ses yeux sereins aux cils d'argent regarde

       Et jette un reflet bleu

       Autour du cimetière, entre les tombes blanches,

       Avec le feu follet dans l'herbe et sous les branches,

       Se promener un peu!

      S'en revenir chez soi, dans la maison, théâtre

       De sa première vie, et frileux, près de l'âtre,

       S'asseoir dans son fauteuil,

       Feuilleter ses bouquins et fouiller son pupitre

       Jusqu'au moment où l'aube illuminant la vitre,

       Vous renvoie au cercueil.

      Mais non; il faut rester sur son lit mortuaire,

       N'ayant pour se couvrir que le lin du suaire,

       N'entendant aucun bruit,

       Sinon le bruit du ver qui se traîne et chemine

       Du côté de sa proie, ouvrant sa sourde mine,

       Ne voyant que la nuit.

      Puis, s'ils étaient jaloux, les morts, tout ce que Dante

       A placé de tourments dans sa spirale ardente

       Près des leurs seraient doux.

       Amants, vous qui savez ce qu'est la jalousie,

       Ce qu'on souffre de maux à cette frénésie,

       Un cadavre jaloux!

      Impuissance et fureur! Être là, dans sa fosse,

       Quand celle qu'on aimait de tout son amour, fausse

       Aux beaux serments jurés,

       En se raillant de vous, dans d'autres bras répète

       Ce qu'elle vous disait, rouge et penchant la tête

       Avec des mots sacrés.

      Et ne pouvoir venir, quelque nuit de décembre,

       Pendant qu'elle est au bal, se tapir dans sa chambre,

       Et lorsque, de retour,

       Rieuse, elle défait au miroir sa toilette,

       Dans le cristal profond réfléchir son squelette

       Et sa poitrine à jour,

      Riant affreusement, d'un rire sans gencive,

       Marbrer de baisers froids sa gorge convulsive,

       Et, tenaillant sa main,

       Sa main blanche et rosée avec sa main osseuse,

       Faire râler ces mots d'une voix caverneuse

       Qui n'a plus rien d'humain:

      «Femme, vous m'avez fait des promesses sans nombre.

       Si vous oubliez, vous, dans ma demeure sombre,

       Moi je me ressouviens.

       Vous avez dit à l'heure où la mort me vint prendre,

       Que vous me suivriez bientôt; lassé d'attendre,

       Pour vous chercher je viens!»

      Dans un repli de moi, cette pensée étrange

       Est là comme un cancer qui m'use et qui me mange;

       Mon oeil en devient creux;

       Sur mon front nuager de nouveaux plis se fouillent,

       De cheveux et de chair mes tempes se dépouillent,

       Car ce serait affreux!

      La mort ne serait plus le remède suprême;

       L'homme, contre le sort, dans la tombe elle-même

       N'aurait pas de recours,

       Et l'on ne pourrait plus se consoler de vivre,

       Par l'espoir tant fêté du calme qui doit suivre

       L'orage de nos jours.

       Table des matières

      Dans le fond de mon âme, agitant ma pensée,

       Je restais là rêveur et la tête baissée

       Debout contre un tombeau.

       C'était un marbre neuf, et sur la blanche épaule

       D'un génie éploré, les longs cheveux d'un saule

       Tombaient comme un manteau.

      La bise feuille à feuille emportait la couronne

       Dont les débris jonchaient le fût de la colonne;

       On aurait dit les pleurs

       Que sur la jeune fille, au printemps moissonnée,

       Pauvre fleur du matin, avant midi fanée,

      

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