Les zones critiques d'une anthropologie du contemporain. Группа авторов
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Là encore, avec Un demi-siècle d’africanisme africain. Terrains, acteurs et enjeux des sciences sociales en Afrique indépendante (2010), il nous a proposé un bilan d’étape lucide, mais constructif, des raisons qui ne leur ont pas encore permis d’y parvenir. Mais un bilan qui rappelle que l’objectif reste le même, qu’il n’est pas hors d’atteinte. Un espoir qui rejoint le mien : l’expérience de la MSH m’avait de longue date convaincu que la crise souvent évoquée des sciences sociales est d’abord celle de leur européo- et maintenant américano-centrisme, et que la seule issue est pour elles de se reconstruire à l’échelle mondiale sur la base d’un partenariat multilatéral et d’un échange d’égal à égal avec les communautés scientifiques « régionales » qui ont émergé en Asie (Japon, Inde, Chine) dans la seconde moitié du XXe siècle et qui doivent poursuivre dans la même voie en Afrique. Il nous appartient d’être attentifs à tout ce que celles-ci peuvent nous apporter : nous en avons besoin.
Je crois qu’au fond, ce qui nous a rapprochés au cours de ces quatre dernières décennies, c’est le malaise que nous éprouvions l’un et l’autre vis-à-vis d’un certain repli sur l’hexagone de nos disciplines respectives, l’anthropologie et la sociologie pour lui, une histoire alliée aux autres sciences sociales pour moi. Quelle que soit l’importance des résultats atteints grâce à ce repli (et je pense dans mon cas aux acquis de la micro-histoire qui nous a libérés de nombreuses généralisations et grilles d’analyse devenues obsolètes), il reste paradoxal à mes yeux que ce même repli ait fait manquer en France à l’histoire le dernier quart du XXe siècle, marqué par la mondialisation. Une mondialisation qu’il aura fallu attendre le début du troisième millénaire pour qu’elle retrouve sa place dans l’agenda des historiens sous des noms variés (world history, connected history, etc.) et que, par exemple, le Braudel de la trilogie sur l’histoire du capitalisme (1979), boudé par une large partie des historiens malgré son succès international auprès du grand public, soit redécouvert et cité comme une œuvre fondatrice, presque d’anticipation…
J’admire avec le recul le courage qui a été celui de Jean Copans pendant maintenant un bon demi-siècle pour continuer à tracer son propre chemin, sans jamais s’en laisser détourner ni céder aux tentations de la mode, pour avoir livré ouvertement les batailles qu’il jugeait nécessaires, pour avoir accepté de payer à certains moments de sa carrière le prix de ses choix personnels. Je le remercie d’avoir tenu bon. Il a été pour beaucoup d’entre nous un modèle, et pour moi un compagnon de route.
INTRODUCTION
Les vicissitudes du monde contemporain en mouvement
Par
Jean-Bernard Ouédraogo, Abel Kouvouama, Benoît Hazard
Nous avons voulu donner à cet ouvrage collectif consacré à l’œuvre de Jean Copans cet intitulé singulier, à savoir L’œuvre de Jean Copans et les zones critiques d’une anthropologie du contemporain. Non pas que nous ayons réduit son œuvre immense à cette temporalité proche sans la situer dans la longue durée ; bien au contraire, une anthropologie du contemporain porte nécessairement la marque du passé-présent-à-venir dans ce qui établit la relation entre les dispositifs sociaux du macro-social et les dispositifs singuliers qui caractérisent les pratiques et représentations du présent et du quotidien des individus. Si le projet anthropologique consiste, par-delà les différentes méthodes d’approche, les courants et les ruptures historiques, à penser le rapport de l’unité et de la diversité du genre humain, il est toujours déterminé par les conditions épistémologiques, sociales et idéologiques de son élaboration. Cela, Jean Copans l’avait bien compris et souligné régulièrement dans la plupart de ses publications. Alors que l’anthropologie du contemporain est toujours en quête d’une épistémè, l’œuvre de Jean Copans est curieusement restée un angle mort de cette quête. Paradoxalement, l’un des fils conducteurs du travail revendiqué par Jean Copans est celui des « Crises d’identité de l’anthropologie » dans lesquelles il n’a cessé de souligner les tensions entre la nécessaire unité théorique de la discipline et l’éclatement des objets, des terrains et des définitions revendiquées par les auteurs.
En effet, auteur prolifique, engagé dans la vie de multiples institutions, pédagogue hors pair, Jean Copans est un collaborateur assidu et prolifique des Cahiers d’études africaines et de la revue Politique africaine. Le nombre de recensions d’ouvrages signées de sa plume témoigne d’une intense activité de lecture du travail des autres. Peut-être est-ce d’ailleurs cette ouverture et cette capacité à recevoir la pensée de ses collègues qui constituent l’une des facettes importantes de sa démarche de chercheur ? Impliqué dans la recherche en train de se faire, ses lectures et ses commentaires en font à la fois un chroniqueur, un observateur et un analyste du temps présent. Et si ses traductions de l’ouvrage de F. G. Bailey, Stratagems and Spoils (1969) – traduit sous le titre Les règles du jeu politique (1971) –, et de l’ouvrage de Mahmood Mamdani, Citizen and Subject (1996) – Citoyen et Sujet. L’Afrique contemporaine et l’héritage du colonialisme tardif (2004) – font dorénavant partie du corpus incontournable des sciences sociales, et notamment de l’anthropologie politique, ses retours critiques sur ces mêmes ouvrages sont restés moins connus. Comment alors qualifier son itinéraire et sa trajectoire dans des jeux de catégories qui, à peine énoncés, procèdent d’un réductionnisme ? Car Jean Copans est aussi de ces passeurs et traducteurs lorsqu’il introduit les débats et les controverses de la revue Current anthropology dans le milieu des anthropologues français, et qu’il y prend une part active. Il a formé un bon nombre de jeunes collègues, africains ou pas, en poste pour bon nombre d’entre eux en Europe ou en Afrique. Quant à ses travaux, de la classe ouvrière en Afrique (noire) à ses engagements sur les sécheresses de 1973 en passant par ses réflexions sur les intellectuels en Afrique (La longue marche de la modernité africaine. Savoirs, intellectuels, démocratie), sur les nationalismes (voir le séminaire de Balandier de 1964 et sa note sur le nationalisme Gikuyu au Kenya), sur la mouridologie dans ses échanges avec Cruise O’Brien, ou encore, sur la sociologie politique de l’Afrique et l’aventure Politique africaine (il en fut l’un des piliers fondateurs et ultérieurement, l’un des critiques), tous présentent une actualité surprenante, tant au regard de la multiplicité des objets et des terrains que des résonances avec une vision de l’anthropologie du contemporain.
Les écrits réunis dans cet ouvrage visent à scruter son œuvre dans une histoire du temps présent (sans céder au présentisme), à comprendre ce qu’il nous dit de l’anthropologie du contemporain, de l’actualité d’une science de l’Homme. De plus, les liens mentionnés entre l’auteur, son œuvre et l’anthropologie du contemporain nous ont conduits, chacun en ce qui le concerne, à articuler ses différentes démarches à un retour