.

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу - страница 3

Автор:
Жанр:
Серия:
Издательство:
 -

Скачать книгу

qui recrutent sur la terre au nom de l'ennemi du genre humain, celui sous la bannière duquel il s'était enrôlé devait être évidemment la paresse.

      J'eusse donc détourné bien vite mes regards de cet homme, qui, j'en étais certain, ne pouvait m'offrir pour étude qu'un criminel de second ordre, si un vague ressouvenir n'avait murmuré à ma mémoire que je ne voyais pas cet homme pour la première fois.

      Malheureusement, comme je l'ai dit, c'était une de ces physionomies dans lesquelles rien ne frappe, et qui, à moins de raisons particulières, ne peuvent produire en passant devant nous aucune impression.

      Tout en demeurant convaincu que j'avais déjà vu cet homme, ce que sa persistance à fuir mes regards me démontrait encore, il m'était donc impossible de me rappeler où et comment je l'avais vu.

      Je m'approchai du garde-chiourme, et lui demandai le nom de celui de mes convives qui faisait si mal honneur à mon repas.

      Il s'appelait Gabriel Lambert.

      Ce nom n'aidait en rien à ma mémoire: c'était la première fois que je l'entendais prononcer.

      Je crus que je m'étais trompé, et, comme Jadin apparaissait sur le seuil de notre villa, j'allai au-devant de lui.

      Jadin apportait nos deux fusils, notre promenade n'ayant pas d'autre but ce jour-là que de faire la chasse aux oiseaux de mer.

      J'échangeai quelques paroles avec Jadin; je lui recommandai d'examiner avec attention celui qui était l'objet de ma curiosité.

      Mais Jadin ne se rappelait aucunement l'avoir vu, et, comme à moi, ce nom de Gabriel Lambert lui était parfaitement étranger.

      Pendant ce temps nos forçats venaient d'achever leur collation, et se levaient pour reprendre leur poste dans la barque; nous nous en approchâmes à notre tour.

      Et comme, pour l'atteindre, il fallait sauter de rochers en rochers, le garde-chiourme fit un signe à ces malheureux, qui entrèrent dans la mer jusqu'aux genoux, afin de nous aider dans le trajet.

      Mais je remarquai une chose, c'est qu'au lieu de nous offrir la main pour point d'appui, comme auraient fait des matelots ordinaires, ils nous présentaient le coude.

      Était-ce une consigne donnée d'avance?

      Était-ce dans cette humble conviction que leur main était indigne de toucher la main d'un honnête homme?

      Quant à Gabriel Lambert, il était déjà dans la barque avec son compagnon, à son poste accoutumé, et tenant son aviron à la main.

      II

      HENRY DE FAVERNE.

      Nous partîmes; mais, quel que fût le nombre de mouettes et de goëlands qui voltigeaient autour de nous, mon attention était attirée vers un seul but. Plus je regardais cet homme, plus il me semblait que, dans des jours assez rapprochés, il s'était d'une façon quelconque mêlé à ma vie.

      Où cela? comment cela? voilà ce que je ne pouvais me rappeler.

      Deux ou trois heures se passèrent dans cette recherche obstinée de ma mémoire, mais sans amener aucun résultat.

      De son côté, le forçat paraissait tellement préoccupé d'éviter mon regard, que je commençai à être peiné de l'impression que ce regard paraissait produire sur lui, et que je m'attachai à essayer de penser à autre chose.

      Mais on connaît l'exigence de l'esprit lorsqu'il veut s'attacher à un homme; malgré moi, j'en revenais toujours à cet homme.

      Et, chose qui m'affermissait encore dans cette conviction que je ne me trompais pas, c'est que, chaque fois qu'après avoir détourné les yeux de dessus lui j'avais pris sur moi de les fixer d'un autre côté et que je me retournais vivement vers cet homme, c'était lui à son tour qui me regardait.

      La journée s'écoula ainsi: deux ou trois fois nous prîmes terre. J'étais occupé à cette époque à coordonner les derniers événemens de la vie de Murat, et une partie de ces événemens s'était passée sur les lieux mêmes où nous nous trouvions; tantôt c'était un dessin que je désirais que Jadin prît pour moi, tantôt c'était une simple investigation des lieux que je voulais faire.

      A chaque fois je m'approchais du garde-chiourme avec l'intention de l'interroger; mais à chaque fois je rencontrais le regard de Gabriel Lambert si humilié, si suppliant, que je remis à un autre moment l'explication que je voulais demander.

      A cinq heures de l'après-midi nous rentrâmes.

      Comme le reste de la journée devait être pris par le dîner et par le travail, je congédiai mon garde-chiourme et sa troupe, en lui donnant rendez-vous pour le lendemain matin à huit heures.

      Malgré moi, je ne pus penser à autre chose qu'à cet homme. Il nous est arrivé parfois à tous de chercher dans notre souvenir un nom qu'on ne peut retrouver, et cependant ce nom on l'a parfaitement su. Ce nom fuit pour ainsi dire devant la mémoire; à chaque instant on est prêt à le prononcer, on en a le son dans l'oreille, la forme dans la pensée; une lueur fugitive l'éclaire, il va sortir de notre bouche avec une exclamation, puis tout à coup ce nom échappe de nouveau, s'enfonce plus avant dans la nuit, arrive à disparaître tout à fait; si bien qu'on se demande si ce n'est point en rêve qu'on a entendu ce nom, et qu'il semble qu'en s'acharnant davantage à sa poursuite l'esprit va se perdre lui-même dans l'obscurité, et toucher aux limites vie la folie.

      Il en fut ainsi de moi pendant toute la soirée et pendant une partie de la nuit.

      Seulement, chose plus étrange encore, ce n'était pas un nom, c'est-à-dire une chose sans consistance, un son sans corps, qui me fuyait: c'était un homme que j'avais eu cinq ou six heures sous les yeux, que j'avais pu interroger du regard, que j'aurais pu toucher de la main.

      Cette fois, au moins, je n'avais pas de doute: ce n'était ni un rêve que j'avais fait, ni un fantôme qui m'était apparu.

      J'étais sûr de la réalité.

      J'attendis le matin avec impatience.

      Dès sept heures, j'étais à ma fenêtre pour voir venir la barque.

      Je l'aperçus qui sortait du port pareille à un point noir, puis à mesure qu'elle s'avançait sa forme devint plus distincte.

      Elle prit d'abord l'aspect d'un grand poisson qui nagerait à la surface de la mer; bientôt les avirons commencèrent à devenir visibles, et le monstre parut marcher sur l'eau à l'aide de ses douze pattes.

      Puis on distingua les individus, puis les traits de leur visage.

      Mais, arrivé à ce point, je cherchai vainement à reconnaître Gabriel Lambert; il était absent, et deux nouveaux forçats l'avaient remplacé, lui et son compagnon.

      Je courus jusqu'au rivage.

      Les forçats crurent que j'avais hâte de m'embarquer, et sautèrent à l'eau afin de faire la chaîne; mais je fis signe à leur gardien de venir seul me parler.

      Il vint: je lui demandai pourquoi Gabriel Lambert n'était point avec les autres.

Скачать книгу