Histoire de la peinture en Italie. Stendhal

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Histoire de la peinture en Italie - Stendhal

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de sa vie fut la Madone entourée d'anges, qui se voit encore à la chapelle des Ruccelaï à Santa-Maria-Novella. Le peuple fut si frappé de ces figures colossales, les premières qu'il eût vues, qu'il transporta le tableau de l'atelier du peintre à l'église à son de trompe, toutes les bannières déployées, et au milieu des cris de joie et d'un concours immense.

      On ne peut guère louer ce plus ancien des peintres qu'en indiquant les défauts qu'il n'a pas. Son dessin offre un moins grand nombre de lignes droites que celui de ses prédécesseurs; il y a des plis dans les draperies; on aperçoit une certaine adresse dans sa manière de disposer les figures, quelquefois une expression étonnante.

      Mais il faut avouer que son talent ne le portait pas au genre gracieux; ses madones manquent de beauté, et ses anges dans un même tableau présentent toujours les mêmes formes. Sévère comme le siècle dans lequel il vécut, il réussit dans les têtes d'hommes à caractère, et particulièrement dans les têtes de vieillards. Il sut marquer dans leur physionomie la force de la volonté et l'habitude des hautes pensées. Dans ce genre, les modernes ne l'ont pas surpassé autant qu'on le croirait d'abord. Homme d'une imagination hardie et féconde, il essaya le premier les sujets qui exigent un grand nombre de figures, et dessina ces figures dans des proportions colossales.

      Les deux grandes madones que les curieux vont voir à Florence, l'une chez les Dominicains, l'autre à l'église de la Trinité, avec ces figures de prophètes où l'on reconnaît des ministres du Tout-Puissant, ne donnent pas une idée aussi complète de son talent que les fresques de l'église supérieure d'Assise.

      Là, il paraît admirable pour son siècle. Les figures de Jésus et de Marie qui sont à la voûte conservent, à la vérité, quelque chose de la manière grecque; mais d'autres figures d'évangélistes et de docteurs, qui, assis en chaire, expliquent les mystères de la religion à des moines franciscains, montrent une originalité de style et un art de disposer toutes les parties, pour qu'elles produisent le plus grand effet, qui, jusqu'à lui, n'avait été atteint par personne. Le coloris est vigoureux, les proportions sont colossales, à cause de la grande distance où les figures sont placées, et non pas mal gardées par ignorance: en un mot, la peinture ose tenter, pour la première fois, ce qui jusque-là n'avait été entrepris que par la mosaïque.

      La réputation de Cimabue le fit appeler à Padoue. Un incendie, en détruisant l'église del Carmine, nous a privés de ses ouvrages.

      Il mourut en 1300. Il avait été architecte et peintre.

      Tout ce qu'on sait de son caractère, c'est qu'il fut d'une hauteur singulière. S'il découvrait un défaut dans un de ses ouvrages, quelque avancé qu'il fût, il l'abandonnait pour jamais. L'histoire de sa réputation est dans ces trois vers du Dante:

      Credette Cimabue nella pittura

      Tener lo campo, ed ora ha Giotto il grido,

      (Purg., chap. XI.)

      Fiorenza dentro delle cerchia antiche, etc.

      La Biographie ne borne pas là ses générosités envers le rénovateur du beau idéal: elle le fait vivre jusqu'en 1310; et, à sa considération, accorde un sénat à la ville de Florence.

       GIOTTO.

       Table des matières

      Cimabue avait rendu assez heureusement le fier et le terrible. Giotto, son élève, fut destiné par la nature à être le peintre des grâces; et si Cimabue est le Michel-Ange de cette époque, Giotto en est le Raphaël. Il naquit à la campagne, non loin de Florence; il était simple berger. Tandis qu'il gardait son troupeau, Cimabue l'observa qui dessinait une de ses brebis avec une pierre coupante sur une ardoise. Charmé de ce dessin, il le demanda sur-le-champ à son père, et l'emmena à Florence, se flattant de donner à la peinture un véritable artiste.

      D'abord le berger imita son maître, qu'il devait bientôt surpasser. Les pères de l'Abbaye ont une Annonciation qui est de ses premiers ouvrages. Son génie perce déjà; le style est encore sec, mais on trouve une grâce toute nouvelle.

      Il fut aussi sculpteur; vous savez quels avantages se prêtent ces deux arts si voisins, et combien ils agrandissent le style de qui les possède à la fois.

      Il y avait des marbres antiques à Florence, ceux de la cathédrale. Ils étaient connus par le cas qu'en avaient fait Nicolas et Jean Pisano; et il n'est guère probable que Giotto, à qui la nature avait donné un sentiment si vif pour le beau, ait pu les négliger. Quand on voit dans ses tableaux certaines têtes d'hommes dans la force de l'âge, certaines formes vigoureuses et carrées, si différentes des figures grêles et allongées des peintres ses contemporains, certaines attitudes qui, sur l'exemple des anciens, respirent une noble tranquillité et une retenue imposante, on a peine à croire qu'il n'ait pas su voir l'antique. Où aurait-il pris cette manière de couper ses draperies par des plis rares, naturels, majestueux? Ses défauts même décèlent la source de son talent. L'école de Bologne a dit de ses figures qu'elles ne sont que des statues copiées. Ce reproche, qui fixe dans la médiocrité toute une grande école moderne, était alors le

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