Bric-à-brac. Alexandre Dumas
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Et le papillon se tenait à égale distance; seulement, comme les fleurs avaient disparu, l'insecte se posait sur des chardons piquants, ou sur des branches d'arbre desséchées.
Le vieillard, haletant, le poursuivait toujours.
Enfin, le papillon passa par-dessus les murs du triste enclos, et le vieillard le suivit, entrant par la porte.
Mais à peine eût-il fait quelques pas, que, regardant le papillon, qui semblait se fondre dans l'atmosphère grisâtre, il heurta une pierre et tomba.
Trois fois il essaya de se relever, et retomba trois fois.
Et, ne pouvant plus courir après sa chimère, il se contenta de lui tendre les bras.
Alors, le papillon sembla avoir pitié de lui, et, quoiqu'il eût perdu ses plus vives couleurs, il vint voltiger au-dessus de sa tête.
Peut-être n'étaient-ce point les ailes de l'insecte qui avaient perdu leurs vives couleurs; peut-être étaient-ce les yeux du vieillard qui s'affaiblissaient.
Les cercles décrits par le papillon devinrent de plus en plus étroits, et il finit par se reposer sur le front pâle du mourant.
Dans un dernier effort, celui-ci leva le bras, et sa main toucha enfin le bout des ailes de ce papillon, objet de tant de désirs et de tant de fatigues; mais, ô désillusion! il s'aperçut que c'était, non pas un papillon, mais un rayon de soleil qu'il avait poursuivi.
Et son bras retomba froid et sans force, et son dernier soupir fit tressaillir l'atmosphère qui pesait sur ce champ de mort…
Et cependant, poursuis, ô poète, poursuis ton désir effréné de l'idéal; cherche, à travers des douleurs infinies, à atteindre ce fantôme aux mille couleurs quî fuit incessamment devant toi, dût ton coeur se briser, dût ta vie s'éteindre, dût ton dernier soupir s'exhaler au moment où ta main le touchera.
UNE MÈRE
(CONTE IMITÉ D'ANDERSEN)
Une mère était assise près du berceau de son enfant. Il n'y avait qu'à la regarder pour lire sur sa physionomie qu'elle était en proie à la plus vive douleur.
L'enfant était pale, ses yeux étaient fermés, il respirait difficilement, et chacune de ses aspirations était profonde comme s'il soupirait.
La mère tremblait de le voir mourir, et regardait le pauvre petit être avec une tristesse déjà muette comme le désespoir.
On frappa trois coups à la porte.
—Entrez, dit la mère.
Et, comme on avait ouvert et refermé la porte, et que cependant elle n'entendait point le bruit des pas, elle se retourna.
Alors elle vit s'approcher un pauvre vieillard, le corps à moitié enveloppé, dans une couverture de cheval.
C'était un triste vêtement pour qui n'en avait pas d'autre. L'hiver était rigoureux; derrière les vitres blanchies et ramagées par le givre, il faisait dix degrés de froid et le vent coupait le visage.
Le vieillard était pieds nus; c'était sans doute pour cela que ses pas ne faisaient pas de bruit sur le parquet.
Comme le vieillard tremblait de froid, et que, depuis qu'il était là, l'enfant paraissait dormir plus profondément, la mère se leva pour ranimer le feu du poêle.
Le vieillard s'assit à sa place et se mit à bercer l'enfant, en chantant une chanson mortellement triste dans une langue inconnue.
—N'est-ce pas que je le conserverai? dit la mère en s'adressant à son hôte sombre.
Celui-ci fit de la tête un signe qui ne voulait dire ni oui ni non, et de la bouche un sourire étrange.
La mère baissa les yeux, de grosses larmes coulèsent sur ses joues, sa tête tomba sur sa poitrine. Il y avait trois jours et trois nuits qu'elle n'avait ni dormi ni mangé!
Son front devint si lourd, qu'un instant elle s'assoupit malgré elle; mais bientôt elle se réveilla en sursaut et toute glacée.
Le vieillard n'était plus là.
—Où donc est le vieillard? cria-t-elle.
Et elle se leva et courut au berceau.
Le berceau était vide.
Le vieillard avait emporté l'enfant.
En ce moment, la vieille horloge qui était pendue dans un coin contre le mur sembla se détraquer; le poids en plomb descendit jusqu'à ce qu'il eût touché le sol, et l'horloge s'arrêta.
La mère se précipita hors de la maison en criant:
—Mon enfant! qui est-ce qui a vu mon enfant?
Une grande femme vêtue d'une longue robe noire, et qui se tenait dans la rue en face de la maison, les pieds dans la neige, lui dit:
—Imprudente! tu as laissé la Mort entrer chez toi et bercer ton enfant, au lieu de la chasser. Tu t'es endormie pendant qu'elle était là; elle n'attendait qu'une chose: c'était que tu fermasses les yeux; alors elle a pris ton enfant. Je l'ai vue s'enfuir rapidement et l'emportant entre ses bras. Elle allait vite comme le vent, et ce qu'emporte la Mort, pauvre mère, elle ne le rapporte jamais!
—Oh! dites-moi seulement le chemin qu'elle a pris, s'écria la mère, et je saurai bien la retrouver, moi.
—Certes, rien ne m'est plus facile, dît la femme noire; mais, avant de le faire, je veux que tu me chantes toutes les chansons que tu chantais à ton enfant en le berçant. Je suis la Nuit, et j'ai vu couler tes larmes lorsque tu les chantais.
—Je vous les chanterai toutes, depuis la première jusqu'à la dernière, dit la mère, mais un autre jour, mais plus tard; laissez-moi passer maintenant, afin que je puisse les rejoindre et retrouver mon enfant.
Mais la Nuit resta muette et inflexible; alors la pauvre mère, en se tordant les bras, lui chanta toutes les chansons qu'elle avait chantées à son enfant. Il y avait beaucoup de chansons, mais il y eut encore plus de larmes. Quand elle eut chanté sa dernière chanson et que sa voix se fut éteinte dans son plus douloureux sanglot, la Nuit lui dit:
—Va droit à ce sombre bois de cyprès; j'ai vu la Mort y entrer avec ton enfant.
La mère y courut; mais, au milieu du bois, le chemin bifurquait. Elle s'arrêta, ne sachant si elle devait prendre à droite ou à gauche.
À l'angle des deux chemins, il y avait un buisson d'épines qui n'avait plus ni feuilles ni fleurs, car c'était l'hiver; il était couvert de givre, et des glaçons pendaient à chacune de ses branches.
—N'as-tu pas vu