François le champi / Франсуа-найденыш. Книга для чтения на французском языке. Жорж Санд
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Читать онлайн книгу François le champi / Франсуа-найденыш. Книга для чтения на французском языке - Жорж Санд страница 4
Elle n’eut pas plus tôt fait cette promesse qu’elle s’en repentit, et qu’à la vue du petit François qui dormait sur son pauvre grabat, elle se sentit le cœur aussi gros que si elle allait commettre un péché mortel. Elle ne dormit guère; mais, dès avant le jour, la mère Blanchet entra dans son logis et lui dit:
“Allons, debout, Zabeau! vous avez promis, il faut tenir. Si vous attendez que ma bru vous ait parlé, je sais que vous n’en ferez rien. Mais dans son intérêt, voyez-vous, tout aussi bien que dans le vôtre il faut faire partir ce gars. Mon fils l’a pris en malintention à cause de sa bêtise et de sa gourmandise; ma bru l’a trop affriandé, et je suis sûre qu’il est déjà voleur. Tous les champis le sont de naissance, et c’est une folie que de compter sur ces canailles-là. En voilà un qui vous fera chasser d’ici, qui vous donnera mauvaise réputation, qui sera cause que mon fils battra sa femme quelque jour, et qui, en fin de compte, quand il sera grand et fort, deviendra bandit sur les chemins, et vous fera honte. Allons, allons, en route! Conduisez-le-moi jusqu’à Corlay par les prés. A huit heures, la diligence passe. Vous y monterez avec lui, et sur le midi au plus tard vous serez à Châteauroux. Vous pouvez revenir ce soir, voilà une pistole pour faire le voyage, et vous aurez encore là-dessus de quoi goûter à la ville.”
La Zabelle réveilla l’enfant, lui mit ses meilleurs habits, fit un paquet du reste de ses hardes, et, le prenant par la main, elle partit avec lui au clair de lune.
Mais à mesure qu’elle marchait et que le jour montait, le cœur lui manquait; elle ne pouvait aller vite, elle ne pouvait parler, et quand elle arriva au bord de la route, elle s’assit sur la berge du fossé, plus morte que vive. La diligence approchait. Il n’était que temps de se trouver là.
Le champi n’avait coutume de se tourmenter, et jusque-là il avait suivi sa mère sans se douter de rien. Mais quand il vit, pour la première fois de sa vie, rouler vers lui une grosse voiture, il eut peur du bruit qu’elle faisait, et se mit à tirer la Zabelle vers le pré d’où ils venaient de déboucher sur la route. La Zabelle crut qu’il comprenait son sort, et lui dit:
“Allons, mon pauvre François, il le faut!”
Ce mot fit encore plus de peur à François. Il crut que la diligence était un gros animal toujours courant qui allait l’avaler et le dévorer. Lui qui était si hardi dans les dangers qu’il connaissait, il perdit la tête et s’enfuit dans le pré en criant. La Zabelle courut après lui; mais le voyant pâle comme un enfant qui va mourir, le courage lui manqua tout à fait. Elle le suivit jusqu’au bout du pré et laissa passer la diligence.
1. A cause de quoi Madeleine est-elle devenue malheureuse?
2. La mère de Cadet aimait-elle sa bru?
3. Pourquoi la mère de Cadet détestait François?
4. De quoi la Zabelle avait-elle peur?
5. La belle-mère de Madeleine, qu’est-ce qu’elle a proposé à la Zabelle?
6. Pourquoi la Zabelle et François le Champi ne sont-ils pas partis?
Chapitre III
Ils revinrent par où ils étaient venus, jusqu’à mi-chemin du moulin, et là, de fatigue, ils s’arrêtèrent. La Zabelle était inquiète de voir l’enfant trembler de la tête aux pieds, et son cœur sauter si fort qu’il soulevait sa pauvre chemise. Elle le fit asseoir et tâcha de le consoler. Mais elle ne savait ce qu’elle disait, et François n’était pas en état de le deviner. Elle tira un morceau de pain de son panier, et voulut lui persuader de manger; mais il n’en avait nulle envie, et ils restèrent là longtemps sans se rien dire.
Enfin, la Zabeau, qui revenait toujours à ses raisonnements, eut honte de sa faiblesse et se dit que si elle reparaissait au moulin avec l’enfant, elle était perdue. Une autre diligence passait vers le midi; elle décida de se reposer là jusqu’au moment à propos pour retourner à la route; mais comme François était épeuré jusqu’à en perdre le peu d’esprit qu’il avait, comme, pour la première fois de sa vie, il était capable de faire de la résistance, elle essaya de l’apprivoiser avec les grelots des chevaux, le bruit des roues et la vitesse de la grosse voiture.
Mais, tout en essayant de lui donner confiance, elle en dit plus qu’elle ne voulait; peut-être que le repentir la faisait parler malgré elle: ou bien François avait entendu en s’éveillant, le matin, certaines paroles de la mère Blanchet qui lui revenaient à l’esprit; ou bien encore ses pauvres idées s’éclaircissaient tout d’un coup à l’approche du malheur: tant il y a qu’il se mit à dire, en regardant la Zabelle avec les mêmes yeux qui avaient tant étonné et presque effarouché Madeleine: “Mère, tu veux me renvoyer d’avec toi! tu veux me conduire bien loin d’ici et me laisser.” Puis le mot d’hospice, qu’on avait plus d’une fois lâché devant lui, lui revint à la mémoire. Il ne savait ce que c’était que l’hospice, mais cela lui parut encore plus épouvantant que la diligence, et il s’écria en frissonnant: “Tu veux me mettre dans l’hospice!”
La Zabelle s’était portée trop avant pour reculer. Elle croyait l’enfant plus instruit de son sort qu’il ne l’était, et, sans songer qu’il n’eût guère été malaisé de le tromper et de se débarrasser de lui par surprise, elle se mit à lui expliquer la vérité et à vouloir lui faire comprendre qu’il serait plus heureux à l’hospice qu’avec elle, qu’on y prendrait plus de soin de lui, qu’on lui enseignerait à travailler, qu’on le placerait pour un temps chez quelque femme moins pauvre qu’elle qui lui servirait encore de mère.
Ces consolations achevèrent de désoler le champi. L’inconnaissance du temps à venir lui fit plus de peur que tout ce que la Zabelle essayait de lui montrer pour le dégoûter de vivre avec elle. Il aimait d’ailleurs, il aimait de toutes ses forces cette mère ingrate qui ne tenait pas à lui autant qu’à elle-même. Il aimait quelqu’un encore, et presque autant que la Zabelle, c’était Madeleine; mais il ne savait pas qu’il l’aimait et il n’en parla pas. Seulement il se coucha par terre en sanglotant, en arrachant l’herbe avec ses mains et en s’en couvrant la figure, comme s’il fût tombé du gros mal. Et quand la Zabelle, tourmentée et impatientée de le voir ainsi, voulut le relever de force en le menaçant, il se frappa la tête si fort sur les pierres qu’il se mit tout en sang et qu’elle vit l’heure où il allait se tuer.
Le bon Dieu voulut que dans ce moment-là Madeleine Blanchet vînt à passer. Elle ne savait rien du départ de la Zabelle et de l’enfant. Elle avait été chez la bourgeoise de Presles pour lui remettre de la laine qu’on lui avait donné à filer très menu, parce qu’elle était la meilleure filandière du pays. Elle en avait touché l’argent, et elle s’en revenait au moulin avec dix écus dans sa poche. Elle allait traverser la rivière sur un de ces petits ponts de planches à fleur d’eau comme il y en a dans les prés de ce côté-là, lorsqu'elle entendit des cris