Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке. Пьер Шодерло де Лакло
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Читать онлайн книгу Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке - Пьер Шодерло де Лакло страница 17
Cependant j’écrivis ma lettre. Je déguisai mon écriture pour l’adresse, et je contrefis assez bien, sur l’enveloppe, le timbre de Dijon. Je choisis cette ville, parce que je trouvai plus gai, puisque je demandais les mêmes droits que le mari, d’écrire aussi du même lieu ; et aussi parce que ma belle avait parlé toute la journée du désir qu’elle avait de recevoir des lettres de Dijon. Il me parut juste de lui procurer ce plaisir.
Ces précautions une fois prises, il était facile de faire joindre cette lettre aux autres. Je gagnais encore à cet expédient d’être témoin de la réception : car l’usage est ici de se rassembler pour déjeuner, et d’attendre l’arrivée des lettres avant de se séparer. Enfin elles arrivèrent.
Mme de Rosemonde ouvrit la boîte. « De Dijon », dit-elle, en donnant la lettre à Madame de Tourvel. – « Ce n’est pas l’écriture de mon mari », reprit celle-ci d’une voix inquiète, en rompant le cachet avec vivacité ; le premier coup d’œil l’instruisit ; et il se fit une telle révolution sur sa figure, que Mme de Rosemonde s’en aperçut, et lui dit : « Qu’avez-vous ? » Je m’approchai aussi, en disant : « Cette lettre est donc bien terrible ? » La timide dévote n’osait lever les yeux, ne disait mot, et, pour sauver son embarras, feignait de parcourir l’épître, qu’elle n’était guère en état de lire. Je jouissais de son trouble ; et n’étant pas fâché de la pousser un peu : « Votre air plus tranquille, ajoutai-je, fait espérer que cette lettre vous a causé plus d’étonnement que de douleur. » La colère alors l’inspira mieux que n’eût pu faire la prudence. « Elle contient, répondit-elle, des choses qui m’offensent, et que je suis étonnée qu’on ait osé m’écrire. » « Et qui donc ? » interrompit Mme de Rosemonde. « Elle n’est pas signée, » répliqua la belle courroucée : « Mais la lettre et son auteur m’inspirent un égal mépris. On m’obligera de ne m’en plus parler. » En disant ces mots, elle déchira l’audacieuse missive, en mit les morceaux dans sa poche, se leva et sortit.
Malgré cette colère, elle n’en a pas moins eu ma lettre ; et je m’en remets bien à sa curiosité, du soin de l’avoir lue en entier.
Le détail du reste de la journée me mènerait trop loin. Je joins à ce récit le brouillon de mes deux lettres ; vous serez aussi instruite que moi. Si vous voulez être au courant de cette correspondance, il faut vous accoutumer à déchiffrer mes minutes : car pour rien au monde, je ne dévorerais l’ennui de les recopier. Adieu, ma belle amie.
De …, ce 25 août 17**.
Lettre XXXV. Le Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel
Il faut vous obéir, Madame ; il faut vous prouver qu’au milieu des torts que vous vous plaisez à me croire, il me reste au moins assez de délicatesse pour ne pas me permettre un reproche, et assez de courage pour m’imposer les plus douloureux sacrifices. Vous m’ordonnez le silence et l’oubli ! eh bien ! je forcerai mon amour à se taire ; et j’oublierai, s’il est possible, la façon cruelle dont vous l’avez accueilli. Sans doute, le désir de vous plaire n’en donnait pas le droit ; et j’avoue encore que le besoin que j’avais de votre indulgence, ne faisait pas un titre pour y prétendre : mais vous regardez mon amour comme un outrage ; vous oubliez que si ce pouvait être un tort, vous en seriez à la fois et la cause et l’excuse. Vous oubliez aussi, qu’accoutumé à vous ouvrir mon âme, lors même que cette confiance pouvait me nuire, il ne m’était plus possible de vous cacher les sentiments dont vous l’avez pénétrée ; et ce qui fut l’ouvrage de ma bonne foi, vous le regardez comme le fruit de l’audace. Pour prix de l’amour le plus tendre, le plus vrai, le plus respectueux, vous me rejettez loin de vous. Vous me parlez enfin de votre haine. Quel autre ne se plaindrait pas d’être traité ainsi ? Moi seul, je me soumets ; je souffre tout et ne murmure point ; vous frappez, et j’adore. L’inconcevable empire que vous avez sur moi vous rend maîtresse absolue de mes sentiments ; et si mon amour seul vous résiste, si vous ne pouvez le détruire, c’est qu’il est votre ouvrage et non pas le mien.
Je ne demande point un retour dont jamais je ne me suis flatté. Je n’attends pas même cette pitié, que l’intérêt que vous m’aviez témoigné quelquefois pouvait me faire espérer. Mais je crois, je l’avoue, pouvoir réclamer votre justice.
Vous m’apprenez, Madame, qu’on a cherché à me nuire dans votre esprit. Si vous en eussiez cru les conseils de vos amis, vous ne m’eussiez pas laissé même approcher de vous ; ce sont vos termes. Quels sont donc ces amis officieux ? Sans doute ces gens si sévères, et d’une vertu si rigide, consentent à être nommés ; sans doute ils ne voudraient pas se couvrir d’une obscurité qui les confondrait avec de vils calomniateurs ; et je n’ignorerai ni leur nom, ni leurs reproches. Songez, Madame, que j’ai le droit de savoir l’un et l’autre, puisque vous me jugez d’après eux. On ne condamne point un coupable sans lui dire son crime, sans lui nommer ses accusateurs. Je ne demande point d’autre grâce, et je m’engage d’avance à me justifier, à les forcer de se dédire.
Si j’ai trop méprisé, peut-être, les vaines clameurs d’un public dont je fais peu de cas, il n’en est pas ainsi de votre estime ; et quand je consacre ma vie à la mériter, je ne me la laisserai pas ravir impunément. Elle me devient d’autant plus précieuse, que je lui devrai sans doute cette demande que vous craignez de me faire, et qui me donnerait, dites-vous, des droits à votre reconnaissance. Ah ! loin d’en exiger, je croirai vous en devoir, si vous me procurez l’occasion de vous être agréable. Commencez donc à me rendre plus de justice, en ne me laissant plus ignorer ce que vous désirez de moi. Si je pouvais le deviner, je vous éviterais la peine de le dire. Au plaisir de vous voir, ajoutez le bonheur de vous servir, et je me louerai de votre indulgence. Qui peut donc vous arrêter ? ce n’est pas, je l’espère, la crainte d’un refus ? je sens que je ne pourrais vous la pardonner. Ce n’en est pas un que de ne pas vous rendre votre lettre. Je désire, plus que vous, qu’elle ne me soit plus nécessaire : mais accoutumé à vous croire une âme si douce, ce n’est que par elle que je puis vous voir telle que vous voulez être pour moi. Quand je forme le vœu de vous rendre sensible, elle me rappelle que, plutôt que d’y consentir, vous fuiriez à cent lieues de moi ; quand tout en vous augmente et justifie mon amour, c’est encore elle qui me répète que mon amour vous outrage ; et lorsqu’en vous voyant, cet amour me semble le bien suprême, j’ai besoin de vous lire, pour sentir que ce n’est qu’un affreux tourment. Vous concevez à présent que mon plus grand bonheur serait de pouvoir vous rendre cette lettre fatale : me la demander encore, serait m’autoriser à ne plus croire ce qu’elle contient ; vous ne doutez pas, j’espère, de mon empressement à vous la remettre.
De …, ce 21 août 17**.
Lettre XXXVI. Le Vicomte de Valmont à la Présidente de Tourvel
Votre sévérité augmente chaque jour, Madame, et, si je l’ose dire, vous semblez craindre moins l’injustice que l’indulgence. Après m’avoir condamné sans m’entendre, vous avez dû sentir, en effet, qu’il vous serait plus facile de ne pas lire mes raisons que d’y répondre. Vous refusez mes lettres avec obstination ; vous me les renvoyez avec mépris. Vous me forcez enfin de recourir à la ruse, dans le moment même où mon unique but est de vous convaincre de ma bonne foi. La nécessité où vous m’avez mis de me défendre suffira sans doute pour en excuser les moyens. Convaincu d’ailleurs par la sincérité de mes sentiments, que pour les justifier à vos yeux il me suffit de vous les faire bien connaître, j’ai cru pouvoir me permettre ce léger détour. J’ose