Germinal. Emile Zola

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Germinal - Emile  Zola

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sept chaudières à deux foyers. Au milieu de la buée blanche, dans le sifflement des fuites, un chauffeur était occupé à charger un des foyers, dont l’ardente fournaise se faisait sentir jusque sur le seuil; et le jeune homme, heureux d’avoir chaud, s’approchait, lorsqu’il rencontra une nouvelle bande de charbonniers, qui arrivait à la fosse. C’étaient les Maheu et les Levaque. Quand il aperçut, en tête, Catherine avec son air doux de garçon, l’idée superstitieuse lui vint de risquer une dernière demande.

      – Dites donc, camarade, on n’a pas besoin d’un ouvrier ici, pour n’importe quel travail?

      Elle le regarda, surprise, un peu effrayée de cette voix brusque qui sortait de l’ombre. Mais, derrière elle, Maheu avait entendu, et il répondit, il causa un instant. Non, on n’avait besoin de personne. Ce pauvre diable d’ouvrier, perdu sur les routes, l’intéressait. Lorsqu’il le quitta, il dit aux autres:

      – Hein! On pourrait être comme ça… Faut pas se plaindre, tous n’ont pas du travail à crever.

      La bande entra et alla droit à la baraque, vaste salle grossièrement crépie, entourée d’armoires que fermaient des cadenas. Au centre, une cheminée de fer, une sorte de poêle sans porte, était rouge, si bourrée de houille incandescente, que des morceaux craquaient et déboulaient sur la terre battue du sol. La salle ne se trouvait éclairée que par ce brasier, dont les reflets sanglants dansaient le long des boiseries crasseuses, jusqu’au plafond sali d’une poussière noire.

      Comme les Maheu arrivaient, des rires éclataient dans la grosse chaleur. Une trentaine d’ouvriers étaient debout, le dos tourné à la flamme, se rôtissant d’un air de jouissance. Avant la descente, tous venaient ainsi prendre et emporter dans la peau un bon coup de feu, pour braver l’humidité du puits. Mais, ce matin-là, on s’égayait davantage, on plaisantait la Mouquette, une herscheuse de dix-huit ans, bonne fille dont la gorge et le derrière énormes crevaient la veste et la culotte. Elle habitait Réquillart avec son père, le vieux Mouque, palefrenier, et Mouquet son frère, moulineur; seulement, les heures de travail n’étant pas les mêmes, elle se rendait seule à la fosse; et, au milieu des blés en été, contre un mur en hiver, elle se donnait du plaisir, en compagnie de son amoureux de la semaine. Toute la mine y passait, une vraie tournée de camarades, sans autre conséquence. Un jour qu’on lui reprochait un cloutier de Marchiennes, elle avait failli crever de colère, criant qu’elle se respectait trop, qu’elle se couperait un bras, si quelqu’un pouvait se flatter de l’avoir vue avec un autre qu’un charbonnier.

      – Ce n’est donc plus le grand Chaval? disait un mineur en ricanant. T’as pris ce petiot-là? Mais lui faudrait une échelle!… Je vous ai aperçus derrière Réquillart. À preuve qu’il est monté sur une borne.

      – Après? répondait la Mouquette en belle humeur. Qu’est-ce que ça te fiche? On ne t’a pas appelé pour que tu pousses.

      Et cette grossièreté bonne enfant redoublait les éclats des hommes, qui enflaient leurs épaules, à demi cuites par le poêle; tandis que, secouée elle-même de rires, elle promenait au milieu d’eux l’indécence de son costume, d’un comique troublant, avec ses bosses de chair, exagérées jusqu’à l’infirmité.

      Mais la gaieté tomba, Mouquette racontait à Maheu que Fleurance, la grande Fleurance, ne viendrait plus: on l’avait trouvée, la veille, raide sur son lit, les uns disaient d’un décrochement du cœur, les autres d’un litre de genièvre bu trop vite. Et Maheu se désespérait: encore de la malchance, voilà qu’il perdait une de ses herscheuses, sans pouvoir la remplacer immédiatement! Il travaillait au marchandage, ils étaient quatre haveurs associés dans sa taille, lui, Zacharie, Levaque et Chaval. S’ils n’avaient plus que Catherine pour rouler, la besogne allait souffrir. Tout d’un coup, il cria:

      – Tiens! et cet homme qui cherchait de l’ouvrage!

      Justement, Dansaert passait devant la baraque. Maheu lui conta l’histoire, demanda l’autorisation d’embaucher l’homme; et il insistait sur le désir que témoignait la Compagnie de substituer aux herscheuses des garçons, comme à Anzin. Le maître porion eut d’abord un sourire, car le projet d’exclure les femmes du fond répugnait d’ordinaire aux mineurs, qui s’inquiétaient du placement de leurs filles, peu touchés de la question de moralité et d’hygiène. Enfin, après avoir hésité, il permit, mais en se réservant de faire ratifier sa décision par M. Négrel, l’ingénieur.

      – Ah bien! déclara Zacharie, il est loin, l’homme, s’il court toujours!

      – Non, dit Catherine, je l’ai vu s’arrêter aux chaudières.

      – Va donc, fainéante! cria Maheu.

      La jeune fille s’élança, pendant qu’un flot de mineurs montaient au puits, cédant le feu à d’autres. Jeanlin, sans attendre son père, alla lui aussi prendre sa lampe, avec Bébert, gros garçon naïf, et Lydie, chétive fillette de dix ans. Partie devant eux, la Mouquette s’exclamait dans l’escalier noir, en les traitant de sales mioches et en menaçant de les gifler, s’ils la pinçaient.

      Étienne, dans le bâtiment aux chaudières, causait en effet avec le chauffeur, qui chargeait les foyers de charbon. Il éprouvait un grand froid, à l’idée de la nuit où il lui fallait rentrer. Pourtant, il se décidait à partir, lorsqu’il sentit une main se poser sur son épaule.

      – Venez, dit Catherine, il y a quelque chose pour vous.

      D’abord, il ne comprit pas. Puis, il eut un élan de joie, il serra énergiquement les mains de la jeune fille.

      – Merci, camarade… Ah! vous êtes un bon bougre, par exemple!

      Elle se mit à rire, en le regardant dans la rouge lueur des foyers, qui les éclairaient. Cela l’amusait, qu’il la prît pour un garçon, fluette encore, son chignon caché sous le béguin. Lui, riait aussi de contentement; et ils restèrent un instant tous deux à se rire à la face, les joues allumées.

      Maheu, dans la baraque, accroupi devant sa caisse, retirait ses sabots et ses gros bas de laine. Lorsque Étienne fut là, on régla tout en quatre paroles: trente sous par jour, un travail fatigant, mais qu’il apprendrait vite. Le haveur lui conseilla de garder ses souliers, et il lui prêta une vieille barrette, un chapeau de cuir destiné à garantir le crâne, précaution que le père et les enfants dédaignaient. Les outils furent sortis de la caisse, où se trouvait justement la pelle de Fleurance. Puis, quand Maheu y eut enfermé leurs sabots, leurs bas, ainsi que le paquet d’Étienne, il s’impatienta brusquement.

      – Que fait-il donc, cette rosse de Chaval? Encore quelque fille culbutée sur un tas de pierres!… Nous sommes en retard d’une demi-heure, aujourd’hui.

      Zacharie et Levaque se ratissaient tranquillement les épaules. Le premier finit par dire:

      – C’est Chaval que tu attends?… Il est arrivé avant nous, il est descendu tout de suite.

      – Comment! tu sais ça et tu ne m’en dis rien!… Allons! allons! dépêchons.

      Catherine, qui chauffait ses mains, dut suivre la bande. Étienne la laissa passer, monta derrière elle. De nouveau, il voyageait dans un dédale d’escaliers et de couloirs obscurs, où les pieds nus faisaient un bruit mou de vieux chaussons. Mais la lampisterie flamboya, une pièce vitrée, emplie de râteliers qui alignaient par étages des centaines de lampes Davy, visitées, lavées de la veille, allumées comme des cierges au fond d’une chapelle ardente. Au guichet, chaque ouvrier prenait la sienne, poinçonnée à son chiffre; puis, il l’examinait, la fermait lui-même; pendant que le marqueur, assis à une table, inscrivait

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