Ceci n'est pas un conte. Dénis Diderot
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– Elles pleurent toutes quand elles veulent.
– «… Et ne combattez pas un projet que les reproches de mon cœur m'ont enfin inspiré, et auxquels ils ne tarderont pas à me ramener.» Et voilà Tanié parti pour Saint-Domingue.
– Et parti tout à temps pour Mme Reymer et pour lui.
– Qu'en savez-vous?
– Je sais, tout aussi bien qu'on le peut savoir, que quand Tanié lui conseilla de faire un choix, il était fait.
– Bon!
– Continuez votre récit.
– Tanié avait de l'esprit et une grande aptitude aux affaires. Il ne tarda pas d'être connu. Il entra au conseil souverain du Cap. Il s'y distingua par ses lumières et par son équité. Il n'ambitionnait pas une grande fortune; il ne la désirait qu'honnête et rapide. Chaque année, il en envoyait une portion à Mme Reymer. Il revint au bout… de neuf à dix ans; non, je ne crois pas que son absence ait été plus longue… présenter à son amie un petit portefeuille qui renfermait le produit de ses vertus et de ses travaux… et heureusement pour Tanié, ce fut au moment où elle venait de se séparer du dernier des successeurs de Tanié.
– Du dernier?
– Oui.
– Il en avait donc eu plusieurs?
– Assurément.
– Allez, allez.
– Mais je n'ai peut-être rien à vous dire que vous ne sachiez mieux que moi.
– Qu'importe, allez toujours.
– Mme Reymer et Tanié occupaient un assez beau logement rue Sainte-Marguerite, à ma porte. Je faisais grand cas de Tanié, et je fréquentais sa maison, qui était, sinon opulente, du moins fort aisée.
– Je puis vous assurer, moi, sans avoir compté avec la Reymer, qu'elle avait mieux de quinze mille livres de rente avant le retour de Tanié.
– À qui elle dissimulait sa fortune?
– Oui.
– Et pourquoi?
– C'est qu'elle était avare et rapace.
– Passe pour rapace; mais avare! une courtisane avare!.. Il y avait cinq à six ans que ces deux amants vivaient dans la meilleure intelligence.
– Grâce à l'extrême finesse de l'une et à la confiance sans bornes de l'autre.
– Oh! il est vrai qu'il était impossible à l'ombre d'un soupçon d'entrer dans une âme aussi pure que celle de Tanié. La seule chose dont je me sois quelquefois aperçu, c'est que Mme Reymer avait bientôt oublié sa première indigence; qu'elle était tourmentée de l'amour du faste et de la richesse; qu'elle était humiliée qu'une aussi belle femme allât à pied.
– Que n'allait-elle en carrosse?
– Et que l'éclat du vice lui en dérobait la bassesse. Vous riez?.. Ce fut alors que M. de Maurepas1 forma le projet d'établir au nord une maison de commerce. Le succès de cette entreprise demandait un homme actif et intelligent. Il jeta les yeux sur Tanié, à qui il avait confié la conduite de plusieurs affaires importantes pendant son séjour au Cap, et qui s'en était toujours acquitté à la satisfaction du ministre. Tanié fut désolé de cette marque de distinction. Il était si content, si heureux à côté de sa belle amie! Il aimait; il était ou il se croyait aimé.
– C'est bien dit.
– Qu'est-ce que l'or pouvait ajouter à son bonheur? Rien. Cependant le ministre insistait. Il fallait se déterminer, il fallait s'ouvrir à Mme Reymer. J'arrivai chez lui précisément sur la fin de cette scène fâcheuse. Le pauvre Tanié fondait en larmes. «Qu'avez-vous donc, lui dis-je, mon ami?» Il me dit en sanglotant: «C'est cette femme!» Mme Reymer travaillait tranquillement à un métier de tapisserie. Tanié se leva brusquement et sortit. Je restai seul avec son amie, qui ne me laissa pas ignorer ce qu'elle qualifiait de la déraison de Tanié. Elle m'exagéra la modicité de son état; elle mit à son plaidoyer tout l'art dont un esprit délié sait pallier les sophismes de l'ambition. «De quoi s'agit-il? D'une absence de deux ou trois ans au plus. – C'est bien du temps pour un homme que vous aimez et qui vous aime autant que lui. – Lui, il m'aime? S'il m'aimait, balancerait-il à me satisfaire? – Mais, madame, que ne le suivez-vous? – Moi! je ne vais point là; et tout extravagant qu'il est, il ne s'est point avisé de me le proposer. Doute-t-il de moi? – Je n'en crois rien. – Après l'avoir attendu pendant douze ans, il peut bien s'en reposer deux ou trois sur ma bonne foi. Monsieur, c'est que c'est une de ces occasions singulières qui ne se présentent qu'une fois dans la vie; et je ne veux pas qu'il ait un jour à se repentir et à me reprocher peut-être de l'avoir manquée. – Tanié ne regrettera rien, tant qu'il aura le bonheur de vous plaire. – Cela est fort honnête; mais soyez sûr qu'il sera très-content d'être riche quand je serai vieille. Le travers des femmes est de ne jamais penser à l'avenir; ce n'est pas le mien…» Le ministre était à Paris. De la rue Sainte-Marguerite à son hôtel, il n'y avait qu'un pas. Tanié y était allé, et s'était engagé. Il rentra l'œil sec, mais l'âme serrée. «Madame, lui dit-il, j'ai vu M. de Maurepas; il a ma parole. Je m'en irai, je m'en irai; et vous serez satisfaite. – Ah! mon ami!..» Mme Reymer écarte son métier, s'élance vers Tanié, jette ses bras autour de son cou, l'accable de caresses et de propos doux. «Ah! c'est pour cette fois que je vois que je vous suis chère.» Tanié lui répondait froidement: «Vous voulez être riche.»
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