Отец Горио. Книга для чиения на французском языке. Оноре де Бальзак

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Отец Горио. Книга для чиения на французском языке - Оноре де Бальзак Чтение в оригинале (Каро)

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ne plus dîner en ville que deux fois par mois. Les petites parties fines du sieur Goriot convenaient trop bien aux intérêts de madame Vauquer pour quelle ne fût pas mécontente de l’exactitude progressive avec laquelle son pensionnaire prenait ses repas chez elle. Ces changements furent attribués autant à une lente diminution de fortune qu’au désir de contrarier son hôtesse. Une des plus détestables habitudes de ces esprits lilliputiens est de supposer leurs petitesses chez les autres. Malheureusement, à la fin de la deuxième année, monsieur Goriot justifia les bavardages dont il était l’objet, en demandant à madame Vauquer de passer au second étage, et de réduire sa pension à neuf cents francs. Il eut besoin d’une si stricte économie qu’il ne fit plus de feu chez lui pendant l’hiver. La veuve Vauquer voulut être payée d’avance; à quoi consentit monsieur Goriot, que dès lors elle nomma le père Goriot. Ce fut à qui devinerait les causes de cette décadence. Exploration difficile! Comme l’avait dit la fausse comtesse, le père Goriot était un sournois, un taciturne. Suivant la logique des gens à tête vide, tous indiscrets parce qu’ils n’ont que des riens à dire, ceux qui ne parlent pas de leurs affaires en doivent faire de mauvaises. Ce négociant si distingué devint donc un fripon, ce galantin fut un vieux drôle. Tantôt, selon Vautrin, qui vint vers cette époque habiter la Maison-Vauquer, le père Goriot était un homme qui allait à la Bourse et qui, suivant une expression assez énergique de la langue financière, carottait sur les rentes après s’y être ruiné. Tantôt c’était un de ces petits joueurs qui vont hasarder et gagner tous les soirs dix francs au jeu. Tantôt on en faisait un espion attaché à la haute police; mais Vautrin prétendait qu’il n’était pas assez rusé pour en être. Le père Goriot était encore un avare qui prêtait à la petite semaine, un homme qui nourrissait des numéros à la loterie. On en faisait tout ce que le vice, la honte, l’impuissance engendrent de plus mystérieux. Seulement, quelque ignobles que fussent sa conduite ou ses vices, l’aversion qu’il inspirait n’allait pas jusqu’à le faire bannir: il payait sa pension. Puis il était utile, chacun essayait sur lui sa bonne ou mauvaise humeur par des plaisanteries ou par des bourrades. L’opinion qui paraissait plus probable, et qui fut généralement adoptée, était celle de madame Vauquer. À l’entendre, cet homme si bien conservé, sain comme son œil et avec lequel on pourrait avoir encore beaucoup d’agrément, était un libertin qui avait des goûts étranges. Voici sur quels faits la veuve Vauquer appuyait ses calomnies.

      Quelques mois après le départ de cette désastreuse comtesse qui avait su vivre pendant six mois à ses dépens, un matin, avant de se lever, elle entendit dans son escalier le froufrou d’une robe de soie et le pas mignon d’une femme jeune et légère qui filait chez Goriot, dont la porte s’était intelligemment ouverte. Aussitôt la grosse Sylvie vint dire à sa maîtresse qu’une fille trop jolie pour être honnête, mise comme une divinité, chaussée en brodequins de prunelle qui n’étaient pas crottés, avait glissé comme une anguille de la rue jusqu’à la cuisine, et lui avait demandé l’appartement de monsieur Goriot. Madame Vauquer et sa cuisinière se mirent aux écoutes, et surprirent plusieurs mots tendrement prononcés pendant la visite, qui dura quelque temps. Quand monsieur Goriot reconduisit sa dame, la grosse Sylvie prit aussitôt son panier, et feignit d’aller au marché, pour suivre le couple amoureux.

      – Madame, dit-elle à sa maîtresse en revenant, il faut que monsieur Goriot soit diantrement riche tout de même, pour les mettre sur ce pied-là. Figurez-vous qu’il y avait au coin de l’estrapade un superbe équipage dans lequel elle est montée.

      Pendant le dîner, madame Vauquer alla tirer un rideau pour empêcher que Goriot ne fût incommodé par le soleil dont un rayon lui tombait sur les yeux.

      – Vous êtes aimé des belles, monsieur Goriot, le soleil vous cherche, dit-elle en faisant allusion à la visite qu’il avait reçue. Peste! vous avez bon goût, elle était bien jolie.

      – C’était ma fille, dit-il avec une sorte d’orgueil dans lequel les pensionnaires voulurent voir la fatuité d’un vieillard qui garde les apparences.

      Un mois après cette visite, monsieur Goriot en reçut une autre. Sa fille qui, la première fois, était venue en toilette du matin, vint après le dîner et habillée comme pour aller dans le monde! Les pensionnaires, occupés à causer dans le salon, purent voir en elle une jolie blonde, mince de taille, gracieuse, et beaucoup trop distinguée pour être la fille d’un père Goriot.

      – Et de deux! dit la grosse Sylvie, qui ne la reconnut pas.

      Quelques jours après, une autre fille, grande et bien faite, brune, à cheveux noirs et à l’œil vif, demanda monsieur Goriot.

      – Et de trois! dit Sylvie.

      Cette seconde fille, qui la première fois était aussi venue voir son père le matin, vint quelques jours après, le soir, en toilette de bal et en voiture.

      – Et de quatre! dirent madame Vauquer et la grosse Sylvie, qui ne reconnurent dans cette grande dame aucun vestige de la fille simplement mise le matin où elle fit sa première visite.

      Goriot payait encore douze cents francs de pension. Madame Vauquer trouva tout naturel qu’un homme riche eût quatre ou cinq maîtresses, et le trouva même fort adroit de les faire passer pour ses filles. Elle ne se formalisa point de ce qu’il les mandait dans la Maison-Vauquer. Seulement, comme ces visites lui expliquaient l’indifférence de son pensionnaire à son égard, elle se permit, au commencement de la deuxième année, de l’appeler vieux matou. Enfin, quand son pensionnaire tomba dans les neuf cents francs, elle lui demanda fort insolemment ce qu’il comptait faire de sa maison, en voyant descendre une de ces dames. Le père Goriot lui répondit que cette dame était sa fille, aînée.

      – Vous en avez donc trente-six, des filles? dit aigrement madame Vauquer.

      – Je n’en ai que deux, répliqua le pensionnaire avec la douceur d’un homme ruiné qui arrive à toutes les docilités de la misère.

      Vers la fin de la troisième année, le père Goriot réduisit encore ses dépenses, en montant au troisième étage et en se mettant à quarante-cinq francs de pension par mois. Il se passa de tabac, congédia son perruquier et ne mit plus de poudre. Quand le père Goriot parut pour la première fois sans être poudré, son hôtesse laissa échapper une exclamation de surprise en apercevant la couleur de ses cheveux, ils étaient d’un gris sale et verdâtre. Sa physionomie, que des chagrins secrets avaient insensiblement rendue plus triste de jour en jour, semblait la plus désolée de toutes celles qui garnissaient la table. Il n’y eut alors plus aucun doute. Le père Goriot était un vieux libertin dont les yeux n’avaient été préservés de la maligne influence des remèdes nécessités par ses maladies que par l’habileté d’un médecin. La couleur dégoûtante de ses cheveux provenait de ses excès et des drogues qu’il avait prises pour les continuer. L’état physique et moral du bonhomme donnait raison à ces radotages. Quand son trousseau fut usé, il acheta du calicot à quatorze sous l’aune pour remplacer son beau linge. Ses diamants, sa tabatière d’or, sa chaîne, ses bijoux, disparurent un à un. Il avait quitté l’habit bleu-barbeau, tout son costume cossu, pour porter, été comme hiver, une redingote de drap marron grossier, un gilet en poil de chèvre, et un pantalon gris en cuir de laine. Il devint progressivement maigre; ses mollets tombèrent; sa figure, bouffie par le contentement d’un bonheur bourgeois, se vida démesurément; son front se plissa, sa mâchoire se dessina. Durant la quatrième année de son établissement rue Neuve-Sainte-Geneviève, il ne se ressemblait plus. Le bon vermicellier de soixante-deux ans qui ne paraissait pas en avoir quarante, le bourgeois gros et gras, frais de bêtise, dont la tenue égrillarde réjouissait les passants, qui avait quelque chose de jeune dans le sourire, semblait être un septuagénaire hébété, vacillant, blafard. Ses yeux bleus si vivaces prirent des teintes ternes et gris-de-fer, ils avaient pâli, ne larmoyaient plus, et leur bordure rouge semblait pleurer du sang. Aux uns, il faisait horreur; aux autres, il faisait pitié. De jeunes étudiants

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