L'abîme. Чарльз Диккенс

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L'abîme - Чарльз Диккенс

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appela quelqu'un dans le bureau de l'étage inférieur.

      – Veuillez me laisser un moment, Madame Goldstraw, – dit-il, – je serai plus calme et plus en état de causer avec vous dans l'après-midi! nous nous plairons ensemble, j'en suis sûr, en dépit de ce qui arrive. Oh! ce n'est pas votre faute… Donnez-moi la main, Madame Goldstraw. Et maintenant faites de votre mieux dans la maison…

      Comme Madame Goldstraw se dirigeait vers la porte Jarvis parut sur le seuil.

      – Envoyez chercher Monsieur Bintrey, – lui dit Wilding, – j'ai besoin de le voir sur-le-champ.

      Le commis n'était point venu là seulement pour recevoir un ordre. Quelqu'un le suivait qu'il avait mission d'introduire; il annonça:

      – Monsieur Vendale.

      Le nouvel associé de Wilding et Co. entra.

      – Excusez-moi pour un moment, George Vendale, – dit Wilding, – j'ai encore un mot à dire à Jarvis. Envoyez, envoyez tout de suite chercher Monsieur Bintrey.

      Jarvis, avant de quitter la chambre, déposa une lettre sur la table.

      – De nos correspondants de Neufchâtel, monsieur, je pense, – dit-il. – Cette lettre porte un timbre Suisse.

      Nouveaux personnages en scène

      Ces mots: «Un timbre Suisse,» après ce que Madame Goldstraw venait de lui apprendre, redoublèrent l'agitation de Wilding, au point que son nouvel associé pensa qu'il ne lui était plus permis de ne point s'en apercevoir.

      – Wilding, – dit-il vivement, – qu'est-il arrivé?

      Puis il s'interrompit, jetant un regard curieux tout autour de lui, comme s'il cherchait une cause visible à cette scène extraordinaire. Wilding lui saisit la main.

      – Mon bon George Vendale… – s'écria-t-il avec des yeux suppliants.

      En même temps, il serrait cette main qu'il tenait dans les siennes, non par forme de politesse ni pour souhaiter la bienvenue à son associé, mais pour lui donner du secours.

      – Mon bon George Vendale, – reprit-il à voix basse, – il m'est arrivé tant de choses que je ne pourrai jamais redevenir moi-même. Et qu'est-ce que je dis?.. Comment le pourrais-je, puisque je ne suis plus moi?

      Le nouvel associé, qui était un beau jeune homme, du même âge à peu près que Wilding, à la tournure leste, à l'œil vif et résolu, leva les épaules.

      – Comment cesser d'être soi-même? – fit-il.

      – Ah! du moins, – repartit Wilding, – je ne suis pas ce que je croyais être!

      – Pour l'amour du ciel, que croyez-vous donc être que vous n'êtes pas?

      Il y avait dans le ton de Vendale un air de compassion et de franchise qui eût poussé à la confiance un homme autrement réservé que ne l'était Wilding. Aussi quand Vendale lui eut fait observer qu'il pouvait bien l'interroger sans indiscrétion, maintenant que leurs affaires étaient communes et qu'ils étaient associés, il n'y tint plus.

      – Là! George, là encore! – soupira-t-il, en s'enfonçant dans son fauteuil. – Associés! Vous me faites souvenir que je n'avais aucun droit de m'introduire dans les affaires; elles ne m'étaient pas destinées. L'intention de ma mère, c'est-à-dire de la sienne, ne fut jamais que cela fût à moi; elle voulait certainement que tout fût à lui.

      – Voyons, voyons, – fit Vendale, essayant sur Wilding, après un court silence, ce pouvoir que toute nature bien trempée prend toujours sur un cœur faible, surtout lorsqu'elle a le désir bien marqué de venir en aide à sa faiblesse; – soyez raisonnable, mon cher Walter. S'il s'est fait quelque mal autour de vous et à votre sujet, je suis bien sûr que ce n'est point par votre faute. Ce n'est pas après avoir passé trois ans à vos côtés, dans ces bureaux, sous l'ancien régime, que je pourrais douter de vous. Laissez-moi commencer notre association en vous rendant un service. Je veux vous rendre à vous-même. Mais, tout d'abord, dites-moi, cette lettre se rapporte-t-elle en quoi que ce soit à l'affaire qui vous agite?

      – Oh! oui, – murmura Wilding, – cette lettre!.. Cela encore?.. Ma tête!.. ma tête!.. J'avais oublié cette lettre et cette coïncidence… un timbre de Suisse!

      – Bon, – reprit Vendale, – je m'aperçois que ce pli n'a pas été ouvert. Il n'est donc pas probable qu'il ait rien de commun avec le trouble où je vous vois. Cette lettre est-elle à votre adresse ou à la mienne?

      – À l'adresse de la maison.

      – Si je l'ouvrais et la lisais tout haut pour vous en débarrasser!.. Elle est tout simplement de notre correspondant de Neufchâtel, le fabricant de vins de Champagne. Tenez, je la lis:

      Cher Monsieur,

      Nous recevons votre honorée du 28 dernier nous annonçant votre association avec M. Vendale, et nous vous prions d'en recevoir nos sincères félicitations. Permettez-nous de profiter de cette occasion pour vous recommander d'une façon toute particulière M. Jules Obenreizer.

      – Impossible! – s'écria Vendale. – Impossible!

      Wilding releva la tête et tressaillit. Tout l'alarmait depuis le matin.

      – Quoi donc? – fit-il. – Qu'est-ce qui est impossible?

      – C'est ce nom, – répliqua Vendale en souriant. – S'appelle-t-on Obenreizer, je vous le demande?.. Je continue…

      Pour vous recommander d'une façon toute particulière M. Jules Obenreizer, Soho Square, Londres (côté Nord), amplement accrédité désormais comme notre agent et qui a eu l'honneur de faire connaissance avec M. Vendale, en Suisse, son pays natal.

      – Lui! – fit Vendale qui s'interrompit encore une fois. – Monsieur Obenreizer?.. Eh! oui vraiment!.. Où donc avais-je la tête? Je me souviens à présent.

      Il poursuivit:

      Alors que M. Obenreizer voyageait avec sa nièce…

      – Avec sa…? – dit Vendale. – La nièce d'Obenreizer! En effet, je les ai rencontrés lors de mon dernier voyage en Suisse, et j'ai voyagé quelque temps avec eux, puis je les ai quittés. Je les ai retrouvés encore deux ans après, à mon second voyage, je ne les ai jamais revus depuis. La nièce d'Obenreizer! Eh! oui, c'est possible après tout. Continuons:

      M. Obenreizer possède toute notre confiance, et nous ne doutons pas un instant de l'estime que vous accorderez à son mérite.

      – Et cela est dûment signé pour la maison: Defresnier et Cie. Bien… bien… je me charge de voir sous peu Monsieur Obenreizer et de savoir ce qu'il est. Eh bien! Wilding, voici qui écarte toute conjecture au sujet de ce timbre de Suisse. Maintenant, dites-moi de quel ennui je peux vous délivrer. Je le ferai sur mon âme.

      Le cœur du bon, de l'honnête Wilding déborda de reconnaissance quand il vit qu'on voulait bien s'employer pour le servir. Il serra de nouveau la main de son associé et commença son récit par cette déclaration solennelle et pathétique qu'il n'était qu'un imposteur.

      Puis,

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