Le Collier de la Reine, Tome II. Dumas Alexandre
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– Prenez-le.
– Comtesse! s'écria le cardinal entraîné par sa joie, vous êtes l'amie la plus précieuse, la plus spirituelle, la plus…
– Oui, oui.
– Et c'est entre nous…
– À la vie, à la mort! on dit toujours cela. Non, je n'ai qu'un mérite.
– Lequel donc?
– Celui d'avoir fait vos affaires avec assez de bonheur et avec beaucoup de zèle.
– Si vous n'aviez que ce bonheur-là, mon amie, je dirais que je vous vaux presque, attendu que moi, tandis que vous alliez à Versailles, pauvre chère, j'ai aussi travaillé pour vous.
Jeanne regarda le cardinal avec surprise.
– Oui, une misère, fit-il. Un homme est venu, mon banquier, me proposer des actions sur je ne sais quelle affaire de marais à dessécher ou à exploiter.
– Ah!
– C'était un profit certain; j'ai accepté.
– Et bien vous fîtes.
– Oh! vous allez voir que je vous place toujours dans ma pensée au premier rang.
– Au deuxième, c'est encore plus que je ne mérite. Mais voyons.
– Mon banquier m'a donné deux cents actions, j'en ai pris le quart pour vous, les dernières.
– Oh! monseigneur.
– Laissez-moi donc faire. Deux heures après il est revenu. Le fait seul du placement de ces actions en ce jour avait déterminé une hausse de cent pour cent. Il me donna cent mille livres.
– Belle spéculation.
– Dont voici votre part, chère comtesse, je veux dire chère amie.
Et du paquet de deux cent cinquante mille livres données par la reine, il glissa vingt-cinq mille livres dans la main de Jeanne.
– C'est bien, monseigneur, donnant donnant. Ce qui me flatte le plus, c'est que vous avez pensé à moi.
– Il en sera toujours de même, répliqua le cardinal en lui baisant la main.
– Attendez-vous à la pareille, dit Jeanne… Monseigneur, à bientôt, à Versailles.
Et elle partit, après avoir donné au cardinal la liste des échéances choisies par la reine, et dont la première, à un mois de date, faisait une somme de cinq cent mille livres.
Chapitre L
Où l'on retrouve le docteur Louis
Peut-être nos lecteurs, en se rappelant dans quelle position difficile nous avons laissé monsieur de Charny, nous sauront-ils quelque gré de les ramener dans cette antichambre des petits appartements de Versailles, dans laquelle le brave marin, que ni les hommes ni les éléments n'avaient jamais intimidé, avait fui de peur de se trouver mal devant trois femmes: la reine, Andrée, madame de La Motte.
Arrivé au milieu de l'antichambre, monsieur de Charny avait en effet compris qu'il lui était impossible d'aller plus loin. Il avait, tout chancelant, étendu les bras. On s'était aperçu que les forces lui manquaient, et l'on était venu à son secours.
C'était alors que le jeune officier s'était évanoui, et au bout de quelques instants était revenu à lui, sans se douter que la reine l'avait vu, et peut-être fût accourue à lui dans un premier mouvement d'inquiétude, si Andrée ne l'eût arrêtée, bien plus encore par une jalousie ardente que par un froid sentiment des convenances.
Au reste, bien avait pris à la reine de rentrer dans sa chambre à l'avis donné par Andrée, quel que fût le sentiment qui eût dicté cet avis, car à peine la porte s'était-elle refermée sur elle, qu'à travers son épaisseur elle entendit le cri de l'huissier:
– Le roi!
C'était en effet le roi qui allait de ses appartements à la terrasse, et qui voulait, avant le conseil, visiter ses équipages de chasse, qu'il trouvait un peu négligés depuis quelque temps.
En entrant dans l'antichambre, le roi, qui était suivi de quelques officiers de sa maison, s'arrêta; il voyait un homme renversé sur l'appui d'une fenêtre, et dans une position à alarmer les deux gardes du corps qui lui portaient secours, et qui n'avaient pas l'habitude de voir s'évanouir pour rien des officiers.
Aussi, tout en soutenant monsieur de Charny, criaient-ils:
– Monsieur! monsieur! qu'avez-vous donc?
Mais la voix manquait au malade, et il lui était impossible de répondre.
Le roi, comprenant à ce silence la gravité du mal, accéléra sa marche.
– Mais oui, dit-il, oui, c'est quelqu'un qui perd connaissance.
À la voix du roi, les deux gardes se retournèrent, et par un mouvement machinal, lâchèrent monsieur de Charny qui, soutenu par un reste de force, tomba ou plutôt se laissa aller sur les dalles avec un gémissement.
– Oh! messieurs, dit le roi, que faites-vous donc?
On se précipita. On releva doucement monsieur de Charny qui avait complètement perdu connaissance, et on l'étendit sur un fauteuil.
– Oh! mais, s'écria le roi tout à coup en reconnaissant le jeune officier, c'est monsieur de Charny!
– Monsieur de Charny? s'écrièrent les assistants.
– Oui, le neveu de monsieur de Suffren.
Ces mots firent un effet magique. Charny fut en un moment inondé d'eaux de senteurs ni plus ni moins que s'il se fût trouvé au milieu de dix femmes. Un médecin avait été mandé, il examina vivement le malade.
Le roi, curieux de toute science et compatissant à tous les maux, ne voulut pas s'éloigner; il assistait à la consultation.
Le premier soin du médecin fut d'écarter la veste et la chemise du jeune homme, afin que l'air touchât sa poitrine; mais, en accomplissant cet acte, il trouva ce qu'il ne cherchait point.
– Une blessure! dit le roi redoublant d'intérêt et s'approchant de manière à voir de ses propres yeux.
– Oui, oui, murmura monsieur de Charny en essayant de se soulever, et en promenant autour de lui des yeux affaiblis, une blessure ancienne qui s'est rouverte. Ce n'est rien… rien…
Et sa main serrait imperceptiblement les doigts du médecin.
Un médecin comprend et doit comprendre tout. Celui-là n'était pas un médecin de cour, mais un chirurgien des communs de Versailles. Il voulut se donner de l'importance.
– Oh! ancienne… cela vous plaît à dire, monsieur; les lèvres sont trop fraîches, le sang est trop vermeil: cette blessure n'a pas vingt-quatre heures.
Charny, à qui cette contradiction rendit ses forces, se remit sur ses