Jim Harrison, boxeur. Артур Конан Дойл
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Auriez-vous parcouru la Grande-Bretagne de long en large que vous n'y auriez pas trouvé un seul jeune garçon qui ne brûlât du désir de partir avec eux sous le pavillon à croix rouge.
Mais, maintenant la paix était venue, et les flottes, qui avaient balayé le canal de la Méditerranée, étaient immobiles et désarmées dans nos ports.
Il y avait moins d'occasions pour attirer nos imaginations du côté de la mer.
Désormais, c'était à Londres que je pensais le jour, de Londres que je rêvais la nuit, l'immense cité, séjour des savants et des puissants, d'où venaient ce flot incessant de voitures, ces foules de piétons poudreux qui défilaient sans interruption devant notre fenêtre.
Ce fut uniquement cet aspect de la vie qui se présenta le premier à moi.
Aussi, étant tout jeune garçon, je me figurais d'ordinaire la cité comme une écurie _gig_antesque où fourmillaient les voitures, et d'où elles partaient en un flot ininterrompu sur les routes de la campagne.
Mais ensuite, le champion Harrison m'apprit que là habitaient les gens de sports athlétiques. Mon père me dit que là vivaient les chefs de la marine; ma mère que c'était là que vivaient son frère et les amis des grands personnages.
Aussi, en arrivai-je à être dévoré d'impatience de voir les merveilles de ce coeur de l'Angleterre.
Cette venue de mon oncle, c'était donc la lumière se frayant passage à travers les ténèbres et pourtant, j'osais à peine espérer qu'il consentirait à m'introduire, avec lui, dans ces sphères supérieures où il vivait.
Toutefois, ma mère avait tant de confiance en la bonté naturelle de mon oncle, ou dans son éloquence à elle, qu'elle avait déjà commencé en secret à faire des préparatifs pour mon départ.
Mais si la vie mesquine que je menais au village pesait à mon esprit léger, elle était un véritable supplice pour le caractère vif et ardent du petit Jim.
Quelques jours seulement après l'arrivée de la lettre de mon oncle, nous allâmes faire un tour sur les dunes, et ce fut alors que je pus entrevoir l'amertume qu'il avait au coeur.
– Qu'est-ce que je puis faire ici, Rodney? Je forge un fer à cheval, je le courbe, je le rogne, je relève les bouts, j'y perce cinq trous et puis c'est fini. Alors, ça recommence et ça recommence encore. Je tire le soufflet, j'entretiens le foyer; je lime un sabot ou deux et voilà la besogne de la journée terminée et les jours succèdent aux jours, sans le moindre changement. N'est-ce donc que pour cela, dites-moi, que je suis venu au monde?
Je le regardai, je considérai sa fière figure d'aigle, sa haute taille, ses membres musculeux et je me demandai s'il y avait dans tout le pays, un homme plus beau, un homme mieux bâti.
– L'armée ou la marine, voilà votre vraie place, Jim.
– Voilà qui est fort bien, s'écria-t-il. Si vous entrez dans la marine comme vous le ferez probablement, ce sera avec le rang d'officier et vous n'y aurez qu'à commander. Tandis que moi, si j'y entre, ce sera comme quelqu'un qui est né pour obéir.
– Un officier reçoit les ordres de ceux qui sont placés au-dessus de lui.
– Mais un officier n'a pas le fouet suspendu sur sa tête. J'ai vu ici à l'auberge un pauvre diable, il y a de cela quelques années. Il nous a montré, dans la salle commune, son dos tout découpé par le fouet du contremaître.
– Qui l'a commandé? ai-je demandé.
– Le capitaine, répondit-il.
– Et qu'auriez-vous eu si vous l'aviez tué sur le coup?
– La vergue, dit-il.
– Eh bien, si j'avais été à votre place, j'aurais préféré cela, ai-je dit.
Et c'était la vérité.
– Ce n'est pas ma faute, Rod, j'ai dans le coeur quelque chose qui fait aussi bien partie de moi que ma main, et qui m'oblige à parler franchement.
– Je le sais, vous êtes aussi fier que Lucifer.
– Je suis né ainsi, Roddy et je ne puis être autrement. La vie me serait plus aisée si je le pouvais. J'ai été fait pour être mon propre maître et il ny a qu'un endroit au monde où je puisse espérer l'être.
– Quel est-il, Jim?
– C'est Londres. Miss Hinton m'en a tant parlé, que je me sens capable d'y trouver mon chemin d'un bout à l'autre. Elle se plaît à en parler, autant que moi à l'entendre. J'ai tout le plan dans ma tête. Je vois en quelque sorte où sont les théâtres, dans quel sens coule le fleuve, où se trouve l'habitation du roi, où se trouve celle du Prince et le quartier qu'habitent les combattants. Je pourrais me faire un nom à Londres.
– Comment?
– Peu importe, Rod. Cela je pourrai le faire et je le ferai aussi. «Attendez, me dit mon oncle, attendez, et tout s'arrangera pour vous.» Voilà ce qu'il dit tout le temps et ce que répète mon oncle. Mais pourquoi attendre? Mon Roddy, je ne resterai pas plus longtemps dans ce petit village à me ronger le coeur. Je laisserai mon tablier derrière moi. J'irai chercher fortune à Londres et quand je reviendrai à Friar's Oak, ce sera dans l'équipage de ce gentleman que voilà.
Tout en parlant, il étendit la main vers une voiture de couleur cramoisie qui arrivait par la route de Londres, traînée par deux juments baies attelées en tandem.
Les rênes et les harnais étaient de couleur faon clair. Le gentleman qui conduisait portait un costume assorti à cette teinte et derrière lui se tenait un valet en livrée de couleur foncée.
L'équipage fila devant nous en soulevant un nuage de poussière et je ne pus apercevoir qu'au vol la belle et pâle figure du maître, ainsi que les traits bruns et recroquevillés du domestique.
Je n'aurais pas pensé à eux une minute de plus, si au moment où nous revînmes dans le village, nous n'avions pas aperçu de nouveau la voiture. Elle était arrêtée devant l'auberge et les palefreniers s'occupaient à dételer les chevaux.
– Jim, m'écriai-je, je crois que c'est mon oncle.
Et je m'élançai, de toute la vitesse de mes jambes, dans la direction de la maison.
Le domestique à figure brune était debout devant la porte. Il tenait un coussin sur lequel était étendu un petit chien de manchon à la fourrure soyeuse.
– Vous m'excuserez, mon jeune homme, dit-il de sa voix la plus douce, la plus engageante, mais me trompé-je en supposant que c'est ici l'habitation du lieutenant Stone. En ce cas, vous m'obligerez beaucoup en voulant bien transmettre à Mistress Stone ce billet que son frère, sir Charles Tregellis, vient de confier à mes soins.
Je fus complètement abasourdi par les fioritures du langage de cet homme; cela ressemblait si peu à tout ce que j'avais entendu!
Il avait la figure ratatinée, de petits yeux noirs très fureteurs, dont il se servit en un instant, pour prendre mesure, de moi, de la maison et de ma mère dont la figure étonnée se voyait à la fenêtre.
Mes parents étaient réunis au salon; ma mère nous lut le