David Copperfield – Tome I. Чарльз Диккенс
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– Oui, répondit faiblement ma mère.
– Miss Trotwood, lui répliqua-t-on; vous avez entendu parler d'elle, je suppose?»
Ma mère dit qu'elle avait eu ce plaisir. Mais elle sentait que malgré elle, elle laissait assez voir que le plaisir n'avait pas été immense.
«Eh bien! maintenant vous la voyez,» dit miss Betsy. Ma mère baissa la tête et la pria d'entrer.
Elles s'acheminèrent vers la pièce que ma mère venait de quitter; depuis la mort de mon père, on n'avait pas fait de feu dans le salon de l'autre côté du corridor; elles s'assirent, miss Betsy gardait le silence; après de vains efforts pour se contenir, ma mère fondit en larmes.
«Allons, allons! dit miss Betsy vivement, pas de tout cela! venez ici.»
Ma mère ne pouvait que sangloter sans répondre.
«Ôtez votre bonnet, enfant, dit miss Betsy, il faut que je vous voie.»
Trop effrayée pour résister à cette étrange requête, ma mère fit ce qu'on lui disait; mais ses mains tremblaient tellement qu'elle détacha ses longs cheveux en même temps que son bonnet.
«Ah! bon Dieu! s'écria miss Betsy, vous n'êtes qu'un enfant!»
Ma mère avait certainement l'air très-jeune pour son âge; elle baissa la tête, pauvre femme! comme si c'était sa faute, et murmura, au milieu de ses larmes, qu'elle avait peur d'être bien enfant pour être déjà veuve et mère. Il y eut un moment de silence, pendant lequel ma mère s'imagina que miss Betsy passait doucement la main sur ses cheveux; elle leva timidement les yeux: mais non, la tante était assise d'un air rechigné devant le feu, sa robe relevée, les mains croisées sur ses genoux, les pieds posés sur les chenets.
«Au nom du ciel, s'écria tout d'un coup miss Betsy, pourquoi l'appeler rookery1?
– Vous parlez de cette maison, madame? demanda ma mère.
– Oui, pourquoi l'appeler Rookery? Vous l'auriez appelé cookery2, pour peu que vous eussiez eu de bon sens, l'un ou l'autre.
– M. Copperfield aimait ce nom, répondit ma mère. Quand il acheta cette maison, il se plaisait à penser qu'il y avait des nids de corbeaux dans les alentours.»
Le vent du soir s'élevait, et les vieux ormes du jardin s'agitaient avec tant de bruit, que ma mère et miss Betsy jetèrent toutes deux les yeux de ce côté. Les grands arbres se penchaient l'un vers l'autre, comme des géants qui vont se confier un secret, et qui, après quelques secondes de confidence, se relèvent brusquement, secouant au loin leurs bras énormes, comme si ce qu'ils viennent d'entendre ne leur laissait aucun repos: quelques vieux nids de corbeaux, à moitié détruits par les vents, ballottaient sur les branches supérieures, comme un débris de navire bondit sur une mer orageuse.
«Où sont les oiseaux? demanda miss Betsy.
– Les…?» Ma mère pensait à toute autre chose.
«Les corbeaux?.. où sont-ils passés? redemanda miss Betsy.
– Je n'en ai jamais vu ici, dit ma mère. Nous croyions, M. Copperfield avait cru… qu'il y avait une belle rookery, mais les nids étaient très-anciens et depuis longtemps abandonnés.
– Voilà bien David Copperfield! dit miss Betsy. C'est bien là lui, d'appeler sa maison la rookery, quand il n'y a pas dans les environs un seul corbeau, et de croire aux oiseaux parce qu'il voit des nids!
– M. Copperfield est mort, repartit ma mère, et si vous osez me dire du mal de lui…»
Ma pauvre mère eut un moment, je le soupçonne, l'intention de se jeter sur ma tante pour l'étrangler. Même en santé, ma mère n'aurait été qu'un triste champion dans un combat corps à corps avec miss Betsy; mais à peine avait-elle quitté sa chaise qu'elle y renonça, et se rasseyant humblement, elle s'évanouit.
Lorsqu'elle revint à elle, peut-être par les soins de miss Betsy, ma mère vit sa tante debout devant la fenêtre; l'obscurité avait succédé au crépuscule, et la lueur du feu les aidait seule à se distinguer l'une l'autre.
«Eh bien! dit miss Betsy, en revenant s'asseoir, comme si elle avait contemplé un instant le paysage, eh bien, quand comptez- vous?..
– Je suis toute tremblante, balbutia ma mère. Je ne sais ce qui m'arrive. Je vais mourir, c'est sûr.
– Non, non, non, dit miss Betsy, prenez un peu de thé.
– Oh! mon Dieu, mon Dieu! croyez-vous que cela me fasse un peu de bien? répondit ma mère d'un ton désolé.
– Bien certainement, dit miss Betsy. Pure imagination! Quel nom donnez-vous à votre fille?
– Je ne sais pas encore si ce sera une fille, madame, dit ma mère dans son innocence.
– Que le bon Dieu bénisse cette enfant!» s'écria miss Betsy en citant, sans s'en douter, la seconde sentence inscrite en épingles sur la pelote, dans la commode d'en haut, mais en l'appliquant à ma mère elle-même, au lieu qu'elle s'appliquait à moi, «ce n'est pas de cela que je parle. Je parle de votre servante.
– Peggotty! dit ma mère.
– Peggotty! répéta miss Betsy avec une nuance d'indignation, voulez-vous me faire croire qu'une femme a reçu, dans une église chrétienne, le nom de Peggotty?
– C'est son nom de famille, reprit timidement ma mère. M. Copperfield le lui donnait habituellement pour éviter toute confusion, parce qu'elle portait le même nom de baptême que moi.
– Ici, Peggotty! s'écria miss Betsy en ouvrant la porte de la salle à manger. Du thé. Votre maîtresse est un peu souffrante. Et ne lambinons pas.»
Après avoir donné cet ordre avec autant d'énergie que si elle avait exercé de toute éternité une autorité incontestée dans la maison, miss Betsy alla s'assurer de la venue de Peggotty qui arrivait stupéfaite, sa chandelle à la main, au son de cette voix inconnue; puis elle revint s'asseoir comme auparavant, les pieds sur les chenets, sa robe retroussée, et ses mains croisées sur ses genoux.
«Vous disiez que ce serait peut-être une fille, dit miss Betsy. Cela ne fait pas un doute. J'ai un pressentiment que ce sera une fille. Eh bien, mon enfant, à dater du jour de sa naissance, cette fille…
– Ou ce garçon, se permit d'insinuer ma mère.
– Je vous dis que j'ai un pressentiment que ce sera une fille, répliqua miss Betsy. Ne me contredisez pas. À dater du jour de la naissance de cette fille, je veux être son amie. Je compte être sa marraine, et je vous prie de l'appeler Betsy Trotwood Copperfield. Il ne faut pas qu'il y ait d'erreurs dans la vie de cette Betsy- là. Il ne faut pas qu'on se joue de ses affections, pauvre enfant. Elle sera très-bien élevée, et soigneusement prémunie contre le danger de mettre sa sotte confiance en quelqu'un qui ne la mérite pas. Pour ce qui est de ça, je m'en charge.»
Miss Betsy hochait la tête, à la fin de chaque phrase, comme si le souvenir de ses anciens griefs la poursuivait et qu'elle eût de la peine à
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