Le vicomte de Bragelonne, Tome I.. Dumas Alexandre

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Le vicomte de Bragelonne, Tome I. - Dumas Alexandre

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poignard.

      Le roi, fort ignorant des choses d'histoire, connaissait le fait, mais sans en savoir ni les localités ni les détails.

      – Ah! fit-il tout frissonnant. Et il s'arrêta.

      Tout le monde s'arrêta devant et derrière lui.

      – Le duc, Sire, continua Gaston, était à peu près où je suis; il marchait dans le sens où marche Votre Majesté; M. de Loignac était à l'endroit où se trouve en ce moment votre lieutenant des mousquetaires; M. de Sainte-Maline et les ordinaires de Sa Majesté étaient derrière lui et autour de lui. C'est là qu'il fut frappé.

      Le roi se tourna du côté de son officier, et vit comme un nuage passer sur sa physionomie martiale et audacieuse.

      – Oui, par-derrière, murmura le lieutenant avec un geste de suprême dédain.

      Et il essaya de se remettre en marche, comme s'il eût été mal à l'aise entre ces murs visités autrefois par la trahison.

      Mais le roi, qui paraissait ne pas mieux demander que d'apprendre, parut disposé à donner encore un regard à ce funèbre lieu. Gaston comprit le désir de son neveu.

      – Voyez, Sire, dit-il en prenant un flambeau des mains de M. de Saint-Remy, voici où il est allé tomber. Il y avait là un lit dont il déchira les rideaux en s'y retenant.

      – Pourquoi le parquet semble-t-il creusé à cet endroit? demanda

      Louis.

      – Parce que c'est à cet endroit que coula le sang, répondit Gaston, que le sang pénétra profondément dans le chêne, et que ce n'est qu'à force de le creuser qu'on est parvenu à le faire disparaître, et encore, ajouta Gaston en approchant son flambeau de l'endroit désigné, et encore cette teinte rougeâtre a-t-elle résisté à toutes les tentatives qu'on a faites pour la détruire.

      Louis XIV releva le front. Peut-être pensait-il à cette trace sanglante qu'on lui avait un jour montrée au Louvre, et qui, comme pendant à celle de Blois, y avait été faite un jour par le roi son père avec le sang de Concini.

      – Allons! dit-il.

      On se remit aussitôt en marche, car l'émotion sans doute avait donné à la voix du jeune prince un ton de commandement auquel de sa part on n'était point accoutumé.

      Arrivé à l'appartement réservé au roi, et auquel on communiquait, non seulement par le petit passage que nous venons de suivre, mais encore par un grand escalier donnant sur la cour:

      – Que Votre Majesté, dit Gaston, veuille bien accepter cet appartement, tout indigne qu'il est de la recevoir.

      – Mon oncle, répondit le jeune prince, je vous rends grâce de votre cordiale hospitalité.

      Gaston salua son neveu, qui l'embrassa, puis il sortit. Des vingt mousquetaires qui avaient accompagné le roi, dix reconduisirent Monsieur jusqu'aux salles de réception, qui n'avaient point désempli malgré le départ de Sa Majesté.

      Les dix autres furent postés par l'officier, qui explora lui-même en cinq minutes toutes les localités avec ce coup d'oeil froid et dur que ne donne pas toujours l'habitude, attendu que ce coup d'oeil appartenait au génie.

      Puis, quand tout son monde fut placé, il choisit pour son quartier général l'antichambre dans laquelle il trouva un grand fauteuil, une lampe, du vin, de l'eau et du pain sec.

      Il raviva la lampe, but un demi-verre de vin, tordit ses lèvres sous un sourire plein d'expression, s'installa dans le grand fauteuil et prit toutes ses dispositions pour dormir.

      Chapitre IX – Où l'inconnu de l'hôtellerie des Médicis perd son incognito

      Cet officier qui dormait ou qui s'apprêtait à dormir était cependant, malgré son air insouciant, chargé d'une grave responsabilité. Lieutenant des mousquetaires du roi, il commandait toute la compagnie qui était venue de Paris, et cette compagnie était de cent vingt hommes; mais, excepté les vingt dont nous avons parlé, les cent autres étaient occupés de la garde de la reine mère et surtout de M. le cardinal. M. Giulio Mazarini économisait sur les frais de voyage de ses gardes, il usait en conséquence de ceux du roi, et largement, puisqu'il en prenait cinquante pour lui, particularité qui n'eût pas manqué de paraître bien inconvenante à tout homme étranger aux usages de cette cour. Ce qui n'eût pas manqué non plus de paraître, sinon inconvenant, du moins extraordinaire à cet étranger, c'est que le côté du château destiné à M. le cardinal était brillant, éclairé, mouvementé. Les mousquetaires y montaient des factions devant chaque porte et ne laissaient entrer personne, sinon les courriers qui, même en voyage, suivaient le cardinal pour ses correspondances.

      Vingt hommes étaient de service chez la reine mère; trente se reposaient pour relayer leurs compagnons le lendemain. Du côté du roi, au contraire, obscurité, silence et solitude. Une fois les portes fermées, plus d'apparence de royauté. Tous les gens du service s'étaient retirés peu à peu.

      M. le prince avait envoyé savoir si Sa Majesté requérait ses bons offices et sur le non banal du lieutenant des mousquetaires, qui avait l'habitude de la question et de la réponse, tout commençait à s'endormir, ainsi que chez un bon bourgeois. Et cependant il était aisé d'entendre, du corps de logis habité par le jeune roi, les musiques de la fête et de voir les fenêtres richement illuminées de la grande salle.

      Dix minutes après son installation chez lui, Louis XIV avait pu reconnaître, à un certain mouvement plus marqué que celui de sa sortie, la sortie du cardinal, lequel, à son tour, gagnait son lit avec grande escorte des gentilshommes et des dames.

      D'ailleurs, il n'eut, pour apercevoir tout ce mouvement, qu'à regarder par la fenêtre, dont les volets n'avaient pas été fermés. Son Éminence traversa la cour, reconduite par Monsieur lui-même, qui lui tenait un flambeau; ensuite passa la reine mère, à qui Madame donnait familièrement le bras, et toutes deux s'en allaient chuchotant comme deux vieilles amies. Derrière ces deux couples tout défila, grandes dames, pages, officiers; les flambeaux embrasèrent toute la cour comme d'un incendie aux reflets mouvants; puis le bruit des pas et des voix se perdit dans les étages supérieurs.

      Alors personne ne songeait plus au roi, accoudé à sa fenêtre et qui avait tristement regardé s'écouler toute cette lumière, qui avait écouté s'éloigner tout ce bruit; personne, si ce n'est toutefois cet inconnu de l'hôtellerie des Médicis, que nous avons vu sortir enveloppé dans son manteau noir.

      Il était monté droit au château et était venu rôder, avec sa figure mélancolique, aux environs du palais, que le peuple entourait encore, et voyant que nul ne gardait la grande porte ni le porche, attendu que les soldats de Monsieur fraternisaient avec les soldats royaux, c'est-à-dire sablaient le Beaugency à discrétions, ou plutôt à indiscrétion, l'inconnu traversa la foule, puis franchit la cour, puis vint jusqu'au palier de l'escalier qui conduisait chez le cardinal.

      Ce qui, selon toute probabilité, l'engageait à se diriger de ce côté, c'était l'éclat des flambeaux et l'air affairé des pages et des hommes de service.

      Mais il fut arrêté net par une évolution de mousquet et par le cri de la sentinelle.

      – Où allez-vous, l'ami? lui demanda le factionnaire.

      – Je vais chez le roi, répondit tranquillement et fièrement l'inconnu.

      Le soldat appela un des officiers de Son Éminence, qui, du ton

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