Actes et Paroles, Volume 3. Victor Hugo
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C'est dit, n'est-ce pas? Je vous serre la main.
Quand vous verrez votre ami M. Cernuschi, dites-lui bien combien j'ai ete touche de sa visite. C'est un tres noble et tres genereux esprit. Il comprend qu'en ce moment ou la grande civilisation latine est menacee, les italiens doivent etre francais. De meme que demain, si Rome courait les dangers que court aujourd'hui Paris, les francais devraient etre italiens. D'ailleurs, de meme qu'il n'y a qu'une seule humanite, il n'y a qu'un seul peuple. Defendre partout le progres humain en peril, c'est l'unique devoir. Nous sommes les nationaux de la civilisation.
VI
M. Victor Hugo est elu par 214,169 suffrages
BORDEAUX
I
Le 14 fevrier, lendemain de son arrivee a Bordeaux, M. Victor Hugo, a sa sortie de l'Assemblee, invite a monter sur un balcon qui domine la grande place, pour parler a la foule qui l'entourait, s'y est refuse. Il a dit a ceux qui l'en pressaient:
A cette heure, je ne dois parler au peuple qu'a travers l'Assemblee. Vous me demandez ma pensee sur la question de paix ou de guerre. Je ne puis agiter cette question ici. La prudence fait partie du devouement. C'est la question meme de l'Europe qui est pendante en ce moment. La destinee de l'Europe adhere a la destinee de la France. Une redoutable alternative est devant nous, la guerre desesperee ou la paix plus desesperee encore. Ce grand choix, le desespoir avec la gloire ou le desespoir avec la honte, ce choix terrible ne peut se faire que du haut de la tribune. Je le ferai. Je ne manquerai, certes, pas au devoir. Mais ne me demandez pas de m'expliquer ici. Une parole de trop serait grave dans la place publique. Permettez-moi de garder le silence. J'aime le peuple, il le sait. Je me tais, il le comprendra.
Puis, se tournant vers la foule, Victor Hugo a jete ce cri: Vive la
Republique! Vive la France!
II
SEANCE DU 1er MARS 1871
Presidence de M. JULES GREVY
M. LE PRESIDENT. – La parole est a M. Victor Hugo. (Mouvement d'attention.)
M. VICTOR HUGO. – L'empire a commis deux parricides, le meurtre de la republique, en 1851, le meurtre de la France, en 1871. Pendant dix-neuf ans, nous avons subi – pas en silence – l'eloge officiel et public de l'affreux regime tombe; mais, au milieu des douleurs de cette discussion poignante, une stupeur nous etait reservee, c'etait d'entendre ici, dans cette assemblee, begayer la defense de l'empire, devant le corps agonisant de la France, assassinee. (Mouvement.)
Je ne prolongerai pas cet incident, qui est clos, et je me borne a constater l'unanimite de l'Assemblee…
Quelques voix. – Moins cinq!
M. VICTOR HUGO. – Messieurs, Paris, en ce moment, est sous le canon prussien; rien n'est termine et Paris attend; et nous, ses representants, qui avons pendant cinq mois vecu de la meme vie que lui, nous avons le devoir de vous apporter sa pensee.
Depuis cinq mois, Paris combattant fait l'etonnement du monde; Paris, en cinq mois de republique, a conquis plus d'honneur qu'il n'en avait perdu en dix-neuf ans d'empire. (Bravo! bravo!)
Ces cinq mois de republique ont ete cinq mois d'heroisme. Paris a fait face a toute l'Allemagne; une ville a tenu en echec une invasion; dix peuples coalises, ce flot des hommes du nord qui, plusieurs fois deja, a submerge la civilisation, Paris a combattu cela. Trois cent mille peres de famille se sont improvises soldats. Ce grand peuple parisien a cree des bataillons, fondu des canons, eleve des barricades, creuse des mines, multiplie ses forteresses, garde son rempart; et il a eu faim, et il a eu froid; en meme temps que tous les courages, il a eu toutes les souffrances. Les enumerer n'est pas inutile, l'histoire ecoute.
Plus de bois, plus de charbon, plus de gaz, plus de feu, plus de pain! Un hiver horrible, la Seine charriant, quinze degres de glace, la famine, le typhus, les epidemies, la devastation, la mitraille, le bombardement. Paris, a l'heure qu'il est, est cloue sur sa croix et saigne aux quatre membres. Eh bien, cette ville qu'aucune n'egalera dans l'histoire, cette ville majestueuse comme Rome et stoique comme Sparte, cette ville que les prussiens peuvent souiller, mais qu'ils n'ont pas prise (Tres bien! tres bien!), – cette cite auguste, Paris, nous a donne un mandat qui accroit son peril et qui ajoute a sa gloire, c'est de voter contre le demembrement de la patrie (bravos sur les bancs de la gauche); Paris a accepte pour lui les mutilations, mais il n'en veut pas pour la France.
Paris se resigne a sa mort, mais non a notre deshonneur (Tres bien! tres bien!), et, chose digne de remarque, c'est pour l'Europe en meme temps que pour la France que Paris nous a donne le mandat d'elever la voix. Paris fait sa fonction de capitale du continent.
Nous avons une double mission a remplir, qui est aussi la votre:
Relever la France, avertir l'Europe. Oui, la cause de l'Europe, a l'heure qu'il est, est identique a la cause de la France. Il s'agit pour l'Europe de savoir si elle va redevenir feodale; il s'agit de savoir si nous allons etre rejetes d'un ecueil a l'autre, du regime theocratique au regime militaire.
Car, dans cette fatale annee de concile et de carnage… (Oh! oh!)
Voix a gauche: Oui! oui! tres bien!
M. VICTOR HUGO. – Je ne croyais pas qu'on put nier l'effort du pontificat pour se declarer infaillible, et je ne crois pas qu'on puisse contester ce fait, qu'a cote du pape gothique, qui essaye de revivre, l'empereur gothique reparait. (Bruit a droite. – Approbation sur bancs de la gauche.)
Un membre a droite.– Ce n'est pas la question!
Un autre membre a droite.– Au nom des douleurs de la patrie, laissons tout cela de cote. (Interruption.)
M. LE PRESIDENT. – Vous n'avez pas la parole. Continuez, monsieur
Victor Hugo.
M. VICTOR HUGO. – Si l'oeuvre violente a laquelle on donne en ce moment le nom de traite s'accomplit, si cette paix inexorable se conclut, c'en est fait du repos de l'Europe; l'immense insomnie du monde va commencer. (Assentiment a gauche.)
Il y aura desormais en Europe deux nations qui seront redoutables; l'une parce qu'elle sera victorieuse, l'autre parce qu'elle sera vaincue. (Sensation.)
M. LE CHEF DU POUVOIR EXECUTIF. – C'est vrai!
M. DUFAURE, ministre de la justice. – C'est tres vrai!
M. VICTOR HUGO. – De ces deux nations, l'une, la victorieuse, l'Allemagne, aura l'empire, la servitude, le joug soldatesque, l'abrutissement de la caserne, la discipline jusque dans les esprits, un parlement tempere par l'incarceration des orateurs… (Mouvement.)
Cette nation, la nation victorieuse, aura un empereur de fabrique militaire en meme temps que de droit divin, le cesar byzantin double du cesar germain; elle aura la consigne a l'etat de dogme, le sabre fait sceptre, la parole muselee, la pensee garrottee, la conscience