Eureka. Edgar Allan Poe
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Eureka - Edgar Allan Poe страница 7
IV
Comme point de départ, adoptons donc la Divinité. Relativement à cette Divinité, considérée en elle-même, celui-là seul n'est pas un imbécile, celui-là seul n'est pas un impie, qui n'affirme absolument rien. «Nous ne connaissons rien, dit le baron de Bielfeld, nous ne connaissons rien de la nature ou de l'essence de Dieu; – pour savoir ce qu'il est, il faut être Dieu même.»
Il faut être Dieu même! Malgré cette phrase effrayante, vibrant encore dans mon oreille, j'ose toutefois demander si notre ignorance actuelle de la Divinité est une ignorance à laquelle l'âme est éternellement condamnée.
Enfin, contentons-nous aujourd'hui de supposer que c'est Lui, – Lui, l'Incompréhensible (pour le présent du moins), – Lui, que nous considérerons comme Esprit, c'est-à-dire comme non-Matière (distinction qui, pour tout ce que nous voulons atteindre, suppléera parfaitement à une définition), – Lui, existant comme Esprit, qui nous a créés, ou faits de Rien, par la force de sa Volonté, – dans un certain point de l'Espace que nous prendrons comme centre, à une certaine époque dont nous n'avons pas la prétention de nous enquérir, mais en tout cas immensément éloignée; – supposons, dis-je,'que c'est lui qui nous a faits, – mais faits … quoi? Ceci est, dans nos considérations, un point d'une importance vitale. Qu'étions-nous, que pouvons-nous supposer légitimement avoir été, quand nous fûmes créés, nous, univers, primitivement et individuellement?
Nous sommes arrivés à un point où l'Intuition seule peut venir à notre aide. Mais qu'il me soit permis de rappeler l'idée que j'ai déjà suggérée comme la seule qui puisse convenablement définir l'intuition. Elle n'est que la conviction naissant de certaines inductions ou déductions dont la marche a été assez secrète pour échapper à notre conscience, éluder notre raison, ou défier notre puissance d'expression. Ceci étant entendu, j'affirme qu'une intuition absolument irrésistible, quoique indéfinissable, me pousse à conclure que [ce que] Dieu a originairement créé, – que cette Matière qu'il a, par la force de sa Volonté, tirée de son Esprit, ou de Rien, ne peut avoir été autre chose que la Matière dans son état le plus pur, le plus parfait, de … de quoi? – de Simplicité.
Ce sera là la seule supposition absolue dans mon discours. Je me sers du mot supposition dans son sens ordinaire; cependant je maintiens que ma proposition primordiale, ainsi formulée, est loin, bien loin d'être une pure supposition. Rien n'a été, en effet, plus régulièrement, plus rigoureusement déduit; – aucune conclusion humaine n'a été, en effet, plus régulièrement, plus rigoureusement déduite; – mais, hélas! le procédé de cette déduction échappe à l'analyse humaine; – en tout cas, il se dérobe à la puissance expressive de toute langue humaine.
Efforçons-nous maintenant de concevoir ce qu'a pu et ce qu'a dû être la Matière dans sa condition absolue de simplicité. Ici, la Raison vole d'un seul coup vers l'Imparticularité, – vers une particule, – une particule unique,– une particule une dans son espèce, —une dans son caractère, —une dans sa nature, —une par son volume, – une par sa forme, – une particule qui soit particule à tous égards, donc, une particule amorphe et idéale, – particule absolument unique, individuelle, non divisée, mais non pas indivisible, simplement parce que Celui qui la créa par la force de sa Volonté peut très-naturellement la diviser par un exercice infiniment moins énergique de la même Volonté.
Donc, l'Unité est tout ce que j'affirme de la Matière originairement créée; mais je me propose de démontrer que cette Unité est un principe largement suffisant pour expliquer la constitution, les phénomènes actuels et l'anéantissement absolument inévitable au moins de l'Univers matériel.
Le Vouloir spontané, ayant pris corps dans la particule primordiale, a complété l'acte, ou, plus proprement, la conception de la Création. Nous nous dirigerons maintenant vers le but final pour lequel nous supposons que cette particule a été créée; – quand je dis but final, je veux dire tout ce que nos considérations jusqu'ici nous permettent d'en saisir, – à savoir, la constitution de l'Univers tirée de cette Particule unique.
Cette constitution s'est effectuée par la transformation forcée de l'Unité, originelle et normale, en Pluralité, condition anormale. Une action de cette nature implique réaction. Une diffusion de l'Unité n'a lieu que conditionnellement, c'est-à-dire qu'elle implique une tendance au retour vers l'Unité, – tendance indestructible jusqu'à parfaite satisfaction. Mais je m'étendrai par la suite plus amplement sur ce sujet.
La supposition de l'Unité absolue dans la Particule primordiale renferme celle de la divisibilité infinie. Concevons donc simplement la Particule comme non absolument épuisée par sa diffusion à travers l'Espace. De cette Particule considérée comme centre, supposons, irradié sphériquement, dans toutes les directions, à des distances non mesurables, mais cependant définies, dans l'espace vide jusqu'alors, un certain nombre innombrable, quoique limité, d'atomes inconcevablement mais non infiniment petits.
Or, de ces atomes, ainsi éparpillés ou à l'état de diffusion, que nous est-il permis, non pas de supposer, mais de conclure, en considérant la source d'où ils émanent et le but apparent de leur diffusion? L'Unité étant leur source, et la différence d'avec l'Unité le caractère du but manifesté par leur diffusion, nous avons tout droit de supposer que ce caractère persiste généralement dans toute l'étendue du plan et forme une partie du plan lui-même; – c'est-à-dire que nous avons tout droit de concevoir des différences continues, sur tous les points, d'avec l'unité et la simplicité du point originel. Mais, pour ces raisons, sommes-nous autorisés à imaginer les atomes comme hétérogènes, dissemblables, inégaux et inégalement distants? Pour parler plus explicitement, devons-nous croire qu'il n'y a pas eu, au moment de leur diffusion, deux atomes de même nature, de même forme ou de même grosseur? et que, leur diffusion étant opérée à travers l'Espace, ils doivent être tous, sans exception, inégalement distants l'un de l'autre? Un pareil arrangement, dans de telles conditions, nous permet de concevoir aisément, immédiatement, le procédé d'opération le plus exécutable pour un dessein tel que celui dont j'ai parlé, – le dessein de tirer la variété de l'unité, – la diversité de la similarité, – l'hétérogénéité de l'homogénéité, – la complexité de la simplicité, – en un mot, la plus grande multiplicité possible de rapports de l'Unité expressément absolue. Incontestablement nous aurions le droit de supposer tout ce que j'ai dit, si nous n'étions pas arrêtés par deux réflexions: – la première, c'est que la superfluité et la surérogation ne sont jamais admissibles dans l'Action Divine; et la seconde, c'est que le but poursuivi apparaît comme tout aussi facile à atteindre quand quelques-unes des conditions requises sont obtenues dans le principe, que quand toutes existent visiblement et immédiatement. Je veux dire que celles-ci sont contenues dans les autres, ou qu'elles en sont une