Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794. Robespierre Maximilien

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794 - Robespierre Maximilien страница 15

Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794 - Robespierre Maximilien

Скачать книгу

à votre tribunal pour défendre celui de vos décrets qui, au jugement de la nation, a le plus honoré cette Assemblée; pour empêcher que dans un moment, et presque sans discussion, d'après des faits recueillis par des parties qui ne sont pas entièrement désintéressées dans cette affaire, d'après des déclamations plusieurs fois répétées, et toujours repoussées par vous dans cette affaire, on n'élève contre ce système, conforme aux droits de la justice, de la raison, de l'intérêt national, un système nouveau, fondé sur des principes absolument différents; alors le premier sentiment qu'on éprouve, c'est l'étonnement de discuter devant vous une pareille question: on est bien éloigné surtout de penser que cette question soit déjà préjugée avant d'avoir été discutée avec la profondeur qu'elle exige. Eh! fût-il vrai qu'on dût faire encore des efforts impuissants pour réclamer les droits de l'humanité, ce serait encore un devoir de les réclamer: c'est ce qui m'encouragera à vous parler encore, et de l'intérêt national, qui paraît si méconnu par les sentiments de ceux que je combats, et même de justice et de philosophie, La première question que l'on doit se faire, ce me semble, dans ce moment, c'est de demander si, pour attaquer les décrets que vous avez rendus, l'on vous présente des raisons qui n'aient été ni prévues ni discutées lorsque vous les avez portés. Or, je vois ici les mêmes moyens employés: d'une part, des maux infinis qu'on nous pronostique pour vous faire peur; de l'autre, des raisonnements qui ne pouvaient souffrir le plus léger examen, raisonnements démentis à la fois et par la raison et par les faits.

      Je commence par examiner, en très peu de mots, les raisonnements moraux et politiques, allégués par le rapporteur du comité colonial. Il vous a exposé sa théorie sur l'unique moyen, suivant lui, de conserver la tranquillité et la subordination des esclaves dans les colonies. Or, il nous a dit que cet ordre de chose tenait essentiellement et exclusivement à l'extrême distance que ces esclaves a percevaient entre les blancs et eux; que cette distance disparaîtrait à leurs yeux, si les hommes de couleur jouissaient des mêmes droits que les blancs.

      Voilà un raisonnement qui est absolument démenti par les faits et par les raisons d'analogie. Il ne faut pas perdre de vue qu'avant votre décret les hommes libres de couleur jouissaient des droits de citoyen, qu'ils ne jouissaient pas des droits politiques, parce qu'alors nul citoyen n'avait des droits politiques; mais ils étaient dans la classe des blancs sous le rapport des droits civils dont les citoyens jouissaient seuls alors; ainsi, alors, les esclaves voyaient des hommes de couleur à une distance infinie d'eux, et cette distance était celle de l'esclavage à la liberté, du néant à l'existence civile: or, je demande si ces nouveaux droits que vous avez accordés aux hommes libres de couleur, mettraient entre eux et les autres une distance plus grande que ne mettait entre eux et les esclaves l'acquisition de la liberté et de l'existence civile. Or, si cette distance n'a rien diminué de la subordination des esclaves, s'il est faux que ces idées parviennent jusqu'à leur esprit, n'est-il pas évident que le raisonnement qu'on vous fait pour égarer votre justice, est une pure illusion, et le résultat de l'imagination des partisans du projet que je combats. On n'a pas manqué d'appuyer ce système extravagant d'un fait très extraordinaire: on vous a dit que la déclaration des droits que vous avez reconnus dans les hommes libres de couleur, avait excité une insurrection parmi les esclaves; on vous a cité la Croix des Bouquets; j'affirme que ce fait est faux, et j'atteste tout homme raisonnable qui voudra réfléchir et sur les faits et sur la nature même de la chose, que quelques lettres que l'on peut se faire écrire, n'auront jamais autant de poids sur les personnes raisonnables que ce fait connu de tout le monde, que dans les colonies nulle lettre, depuis l'origine des contestations que la révolution a fait naître entre les blancs et les hommes libres de couleur, ne peut parvenir aux hommes de couleur sans avoir été décachetée; c'est un fait notoire connu de tout le monde, et qui est beaucoup plus certain que les fables que l'on nous débite pour appuyer le système du comité. On ne persuadera jamais à personne, je ne dis pas seulement que les décrets de l'Assemblée nationale, mais même les relations de ces décrets avec les droits de citoyens, puissent donner des idées assez nettes à des hommes abrutis par l'esclavage, qui ont très peu d'idées ou qui n'ont que des idées absolument étrangères à celles dont il s'agit en ce moment pour les engager à rompre tout à la fois, et leurs anciennes habitudes et leurs chaînes.

      Les colons sont indignés, dit-on, de ce que vous avez violé la foi que vous leur aviez donnée!.. Mais quel homme de bonne foi peut soutenir ici que, par aucun de vos décrets, vous ayez pris avec les colons blancs l'engagement de dépouiller les hommes libres de couleur de la qualité de citoyens actifs; que vous ayez promis de ne rien décréter à cet égard sans le consentement et l'initiative des colons blancs? Qu'on me le cite ce décret: est ce celui du 28 mars? Eh! c'est celui que j'invoque pour réclamer la foi qui avait été donnée à tous les membres de celle Assemblée.

      Je rappelle à l'Assemblée qu'alors en effet quelques personnes eurent des inquiétudes, non pas sur le fond de la chose, qui ne pouvait présenter aucune difficulté, mais sur les intentions de ceux qui auraient pu désirer favoriser les colons blancs aux dépens des hommes libres de couleur. Ils manifestèrent ces inquiétudes, et demandèrent que l'Assemblée déclarât que ces mots ne renfermaient point les esclaves; on répondit: cela n'est point nécessaire; il est bien entendu que les hommes libres de couleur sont seuls compris: et c'est sur la foi de cette explication, qui n'était pas même nécessaire, que tous les membres acquiescèrent au décret qui vous fut présenté par le même rapporteur qui vous présente celui-ci.

      (Barnave: Ce fait est absolument faux. Grégoire: Je demande la parole. Je ne conçois pas comment M. Barnave ose nier ce fait. Le 28 mars, ce fut moi qui demandai que nominativement les gens de couleur fussent dénommés dans ce décret. Il est de fait que M. Barnave me dit-lui-même qu'il ne les avait pas exclus; et il est de fait qu'au mois de mai dernier, après bien des interpellations, M. Barnave a été obligé d'en faire l'aveu lui- même. Barnave: Quoique le fait dont il s'agit n'intéresse pas la délibération actuelle, attendu que c'est un fait purement particulier, et qui n'intéresse pas l'Assemblée, je dois dire ce qui est véritable, et ce pour quoi j'ai interrompu l'opinant. Il est deux circonstances qu'il faut absolument distinguer. Il est vrai que sur l'interpellation de M. Grégoire, qui me demanda si l'article excluait les hommes de couleur, je lai dis en particulier, comme je le dirais encore, que l'article n'entendait établir aucune espèce de préjugé pour ou contre. En effet, nous n'avions envoyé un mode de convocation, déclaré provisoire par notre décret, que dans le cas où les Assemblées coloniales actuellement existantes ne seraient pas maintenues. Par le même décret, nous avons dit que le mode de convocation, pris de celui de la Martinique, n'était que provisoire, et, pour cette première fois, dans le cas où l'Assemblée ne serait pas maintenue; et que, pour le définitif et pour l'avenir, ces mêmes Assemblées feraient leurs propositions sur la totalité de la constitution, et notamment sur les droits de citoyen actif et d'éligibilité. Lucas: Je conclus au moins de là qu'on ne viole pas, comme on le prétend, le décret du 8 mars.)

      Ce qui vient d'être dit prouve la vérité de ce que j'ai avancé; car dès qu'une fois ces mots toute personne ne préjugent rien contre les bommes libres de couleur, il s'ensuit que vous n'avez fait aucune promesse aux colons blancs, relativement aux gens de couleur. C'est à tort, par conséquent, qu'on vous objecte la prétendue foi donnée aux colons blancs, comme une raison de leur sacrifier les droits des hommes de couleur libres, et comme un motif qui peut les exciter à la révolté contre vos décrets; et si j'avais besoin de restituer dans toute son intégrité le fait que j'avais posé, je vous rappellerais un autre fait certain qui vous a été rappelé par M. Tracy, savoir: qu'à l'époque de ces décrets, toutes les prétentions que les colons blancs annonçaient n'étaient que celle de garantir leurs propriétés de la crainte de voir toujours les esclaves parvenir à la liberté; c'est que ces mots toute personne, c'est que les clauses qu'ils renferment ne leur furent données que pour calmer leurs inquiétudes. Elles leur furent même alors vivement disputées, parce que nous avions une extrême répugnance à consacrer formellement l'esclavage. Ces temps devaient-ils changer?

      Je passe maintenant à l'examen des faits préparés, présentés avec beaucoup de chaleur et

Скачать книгу