Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794. Robespierre Maximilien

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Discours par Maximilien Robespierre — 21 octobre 1789-1er juillet 1794 - Robespierre Maximilien

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des législateurs; tout le reste n'est que préjugés, ignorance, intrigues, mauvaise foi. Partisans de ces funestes systèmes, cessez de calomnier le peuple et de blasphémer contre votre souverain, en le représentant sans cesse indigne de jouir de ses droits, méchant, barbare, corrompu! C'est vous qui êtes injustes et corrompus, ce sont les castes fortunées auxquelles vous voulez transférer sa puissance: c'est le peuple qui est bon, patient, généreux; notre révolution, les crimes de ses ennemis l'attestent; mille traits récents et héroïques qui ne sont chez lui que naturels en déposent; le peuple ne demande que tranquillité, justice, que le droit de vivre, les hommes puissants, les riches sont affamés de distinctions, de trésors, de voluptés; l'intérêt, le voeu du peuple est celui de la nature, de l'humanité; c'est l'intérêt général; l'intérêt, le voeu des riches et des hommes puissants, est celui de l'ambition, de l'orgueil, de la cupidité, des fantaisies les plus extravagantes, des passions les plus funestes au bonheur de la société; les abus qui l'ont désolée furent toujours leur ouvrage; ils furent toujours les fléaux du peuple. Aussi qui a fait notre glorieuse révolution? Sont-ce les riches, sont-ce les hommes puissants? Le peuple seul pouvait la désirer et la faire; le peuple seul peut la soutenir par la même raison... Et l'on ose nous propose de lui ravir les droits qu'il a reconquis! On veut diviser la nation en deux classes, dont l'une ne semblerait armée que pour contenir l'autre, comme un ramas d'esclaves toujours prêts à se mutiner! Et la première renfermerait tous les tyrans, tous les oppresseurs, toutes les sangsues publiques, et l'autre le peuple! Vous direz après cela que le peuple est dangereux à la liberté! Ah! il en sera le plus ferme appui si vous la lui laissez! Cruels et ambitieux sophistes, c'est vous qui à force d'injustices voudriez le contraindre en quelque sorte à trahir sa propre cause par son désespoir! Cessez donc de vouloir accuser ceux qui ne cesseront jamais de réclamer les droits sacrés de l'humanité? Qui êtes-vous pour dire à la raison et à la liberté: Vous irez jusque-là; vous arrêterez vos progrès au point où ils ne s'accorderaient plus avec les calculs de notre ambition ou de notre intérêt personnel? Pensez-vous que l'univers sera assez aveugle pour préférer à ces lois éternelles de la justice, qui l'appellent au bonheur, ces déplorables subtilités d'un esprit étroit et dépravé, qui n'ont produit jusqu'ici que la puissance, les crimes de quelques tyrans, et les malheurs des nations! C'est en vain que vous prétendez diriger par les petits manèges du charlatanisme et des intrigues de cour une révolution dont vous n'êtes pas dignes; vous serez entraînés comme de faibles insectes dans son cours irrésistible; vos succès seront passagers comme le mensonge, et votre honte immortelle comme la vérité! Mais, au contraire, supposons qu'à la place de cet injuste système, on adopte les principes que nous avons établis, et nous voyons d'abord l'organisation des gardes nationales en sortir pour ainsi dire naturellement avec tous ses avantages, sans aucune espèce d'inconvénient.

      D'un côté, il est impossible que le pouvoir exécutif et la force militaire dont il est armé puissent renverser la Constitution, puisqu'il n'est point de puissance capable de balancer celle de la nation armée.

      D'un autre côté, il est impossible que les gardes nationales deviennent elles-mêmes dangereuses à la liberté, puisqu'il est contradictoire que la nation veuille s'opprimer elle-même. Voyez comme partout à la place de l'esprit de domination ou de servitude naissent les sentiments de l'égalité, de la fraternité, de la confiance, et toutes les vertus douces et généreuses qu'ils doivent nécessairement enfanter!

      Voyez encore combien, dans ce système, les moyens d'exécution sont simples et faciles!

      On sent assez que pour être en état d'en imposer aux ennemis du dedans, tant de millions de citoyens armés répandus sur toute la surface de l'empire, n'ont pas besoin d'être soumis au service assidu, à la discipline savante d'un corps d'armée destiné à porter au loin la guerre; qu'ils aient toujours à leur disposition des provisions et des armes, qu'ils se rassemblent et s'exercent à certains intervalles, et qu'ils volent à la défense de la liberté lorsqu'elle sera menacée, voilà tout ce qu'exigé l'objet de leur institution.

      Les cantons libres de la Suisse nous offrent des exemples de ce genre, quoique leur milice ait une destination plus étendue que nos gardes nationales, et qu'ils n'aient point d'autre force pour combattre les ennemis du dehors.

      Là tout habitant est soldat, mais seulement quand il faut l'être, pour me servir de l'expression de J. — J. Rousseau; les jours de dimanche et de fête, on exerce ces milices selon l'ordre de leur rôle; tant qu'ils ne sortent point de leurs demeures, peu ou point détournés de leurs travaux, ils n'ont aucune paie; mais sitôt qu'ils marchent en campagne, ils sont à la solde de l'Etat. Quelles qu'aient été nos moeurs et nos idées avant la révolution, il est peu de Français, même parmi les moins fortunés, qui ne pussent ou qui ne voulussent se prêter à un service de cette espèce, qu'on pourrait rendre parmi nous encore moins onéreux qu'en Suisse. Le maniement des armes a pour les hommes un attrait nature! qui redouble lorsque l'idée de cet exercice se lie à celle de la liberté et à l'intérêt de défendre ce qu'on a de plus cher et de plus sacré.

      Il me semble que ce que j'ai dit jusqu'ici a dû prévenir une difficulté rebattue qu'on sera peut-être tenté d'opposer à mon système; elle consiste à objecter qu'un très grand nombre de citoyens n'a pas les moyens d'acheter des armes ni de suffire aux dépenses que le service peut exiger. Que concluez-vous de là? que tous ceux que vous appelez citoyens non actifs, qui ne paient point une certaine quotité d'imposition, sont déchus de ce droit essentiel du citoyen? Non; en général l'obstacle particulier qui empêcherait ou qui dispenserait tels individus de l'exercer, ne peut empêcher qu'il appartienne à tous sans aucune distinction de fortune, et, quelle que soit sa cotisation, tout citoyen qui a pu se procurer les moyens, ou qui veut faire tous les sacrifices nécessaires pour en user, ne peut jamais être repoussé... Cet homme n'est pas assez riche pour donner quelques jours de son temps aux assemblées publiques; je lui défendrai d'y paraître!.. Cet homme n'est point assez riche pour faire le service des citoyens soldats; je le lui interdis! Ce n'est pas là le langage de la raison et de la liberté; au lieu de condamner ainsi la plus grande partie des citoyens à une espèce d'esclavage, il faudrait au contraire écarter les obstacles qui pourraient les éloigner des fonctions publiques: payez ceux qui les remplissent; indemnisez ceux que l'intérêt public appelle aux assemblées; équipez, armez les citoyens soldats: pour établir la liberté, ce n'est pas même assez que les citoyens aient la faculté oisive de s'occuper de la chose publique, il faut encore qu'ils puissent l'exercer en effet.

      Pour moi, je l'avoue, mes idées sur ce point sont bien éloignées de celle de beaucoup d'autres: loin de regarder la disproportion énorme des fortunes qui place la plus grande partie des richesses dans quelques mains comme un motif de dépouiller le reste de la nation de sa souveraineté inaliénable, je ne vois là pour le législateur et pour la société qu'un devoir sacré de lui fournir les moyens de recouvrer l'égalité essentielle des droits au milieu de l'inégalité inévitable des biens. Hé quoi! ce petit nombre d'hommes excessivement opulents, cette multitude infinie d'indigents n'est-elle pas en grande partie le crime des lois tyranniques et des gouvernements corrompus! Quelle manière de l'expier que d'ajouter à la privation des avantages de la fortune l'opprobre de l'exhérédation politique, afin d'accumuler sur quelques têtes privilégiées toutes les richesses et tout le pouvoir, et sur le reste des hommes toutes les humiliations et toute la misère! Certes il faut ou soutenir que l'humanité, la justice, les droits du peuple sont de vains noms, ou convenir que ce système n'est point si absurde.

      Au reste, pour me renfermer dans l'objet de cette discussion, je conclus de ce que j'ai dit que l'Etat doit faire les dépenses nécessaires pour mettre les citoyens en état de remplir les fonctions de gardes nationales, qu'il doit les armer., qu'il doit, comme en Suisse, les salarier lorsqu'ils abandonnent leurs foyers pour le défendre! Eh! quelle dépense publique fut jamais plus nécessaire et plus sacrée! Quelle serait cette étrange économie qui, prodiguant tout au luxe funeste et corrupteur des cours ou au faste des suppôts du despotisme, refuserait tout au besoin des fonctionnaires publics et aux défenseurs de la liberté! Que pourrait-elle annoncer, si ce n'est qu'on préfère

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