La vie de Rossini, tome II. Stendhal

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La vie de Rossini, tome II - Stendhal

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charmante passion a tout perdu si on lui ôte la pudeur.

      Anco al nemico in faccia,

      est assez bien, quoique fat. Il y a une joie douce et tendre, le contraire du feu et de la passion folle et française qui était nécessaire ici, dans

      Ma quel piacer che adesso,

      et surtout dans la ritournelle qui annonce ce vers. Ici Rossini aurait grand besoin de trouver, dans son chanteur, le feu, la passion et l'accent du cœur, qui manquent à sa partition. Il faudrait que madame Pasta pût se charger de ce rôle, et de tous les rôles passionnés de ce maître; elle leur rendrait le même service qu'à Tancrède.

      Avec les paroles,

      No, non m'inganno,

      que Galli prononce en descendant la colline, la tragédie paraît, et la gaieté s'évanouit pour toujours.

      Lorsque Rossini fit la Gazza ladra, il était brouillé avec Galli, son rival heureux auprès de la M***. Or, il faut savoir que Galli, au milieu d'une très-belle voix, a deux ou trois notes qu'il ne prend justes que lorsqu'il ne fait que passer, mais qu'il donne à faux lorsqu'il est obligé de s'y arrêter. Rossini ne manqua pas de lui faire un récitatif (celui dans lequel il raconte à sa fille sa dispute avec son capitaine) dans lequel il est forcé de s'arrêter précisément sur ces notes, qu'il ne peut donner justes. Il y a bien paru à Paris, lorsque Galli disait:

      Sciagurato

      Ei grida; e colla spada

      Già, già, m'è sopra23.

      Galli, sûr partout ailleurs de sa magnifique voix, se piqua, et ne voulut pas changer ces notes à la représentation; rien n'était cependant plus simple. Cette obstination lui a fait manquer cette entrée à Rome, à Naples, à Paris; et le goût sévère et un peu froid de cette capitale s'accommodant mieux de l'absence de toute faute24 que de la présence de beautés sublimes obscurcies par quelques imperfections, le succès de Galli n'a jamais été d'enthousiasme comme il aurait dû l'être.

      Galli s'est raidi contre les chut du public, il n'a pas voulu changer dix notes; et la timidité faisant effet sur son organe, en dépit de ses efforts, ce début d'un si beau rôle a toujours été gâté par trois ou quatre sons hasardés. A Naples, ce récitatif était le triomphe de Nozzari, qui le détaillait d'une manière inimitable.

      Galli est à la hauteur de la plus belle tragédie dès la fin de ce morceau:

      Amico mio,

      Ei disse, e dir non più poteva: Addio!

      Il est absurde que Galli, qui fuit son régiment où il a été condamné à mort, paraisse avec son habit de soldat à peine caché sous un grand manteau; c'est un moyen certain de se faire arrêter comme déserteur par le premier maire de village. Ceci est une question de mise en scène, art qui tient à la peinture. Si Galli paraissait couvert de haillons, comme dit le libretto,

      Il prode Ernesto

      Di questi cenci mi coperse,

      peut-être le rôle prendrait-il une teinte ignoble; il faut parler aux yeux à l'Opéra. Dans la nature, Galli, condamné à mort et retrouvant sa fille, lui eût adressé deux ou trois mille paroles; la musique en choisit une centaine, et leur fait exprimer le sentiment qui paraîtrait dans les trois mille. On sent bien qu'elle doit écarter d'abord toutes les paroles qui expriment des détails; donc il faut parler aux yeux.

      Le duetto qui suit le récitatif chanté par Galli,

      Come frenar il pianto?

      est un chef-d'œuvre dans le style magnifique25. Le petit morceau d'orchestre qui vient après:

      È certo il mio periglio;

      Solo un eterno esiglio,

      O Dio! mi può salvar26.

      produit un tremblement physique. Il y a un petit trait bien touchant après

      Più barbaro dolor.

      Vers la fin de la reprise du duetto,

      Tremendo destino

      est terrible. Il y a un peu de beau idéal, faisant repos par distraction du malheur, dans la ritournelle de la fin.

      La cavatine du podestat,

      Il mio piano è preparato,

      est un morceau brillant pour une belle voix de basse. Ambrosi le chanta à Milan avec une énergie et une force qui avaient le défaut de tenir les yeux du spectateur fixés désagréablement sur le caractère atroce du podestat. Pellegrini, à Paris, sert beaucoup mieux les intérêts de la pièce, en déployant dans cette cavatine une grâce infinie et toute la légèreté de sa charmante voix. Ce morceau est d'ailleurs beaucoup trop long.

      La lecture du signalement du déserteur, confiée à Ninetta par le podestat, qui a perdu ses lunettes, est une scène qui a tout l'intérêt pressant et cruel du drame; c'est du malheur nullement adouci par le beau idéal: voilà ce qu'on aime en Allemagne. Ce moment est vif, mais il tue la gaieté pour toujours.

      Le terzetto qui suit:

      Respiro – partite,

      est sublime; c'est dès le début que se trouve l'admirable prière:

      Oh! nume benefico!

      Winter venait de donner à Milan, un Mahomet (c'est la tragédie de Voltaire) où se trouvait une prière magnifique formée par les voix réunies de Zopire, au fond du temple, qui prie, et de ses deux enfants, sur le devant de la scène, qui viennent lui donner la mort. Rossini ne manqua pas de demander une prière à l'auteur du libretto, et l'écrivit con impegno.

      Le podestat ayant vu partir le soldat et se croyant seul, dit à Ninette:

      Siamo soli. Amor seconda

      Le mie fiamme, i voti mici.

      Ah! se barbara non sei

      Fammi a parte nel tuo cor27.

      Voilà du superbe style tragique, en musique s'entend. Ce terzetto est au-dessus de tous les éloges: il établit à jamais la supériorité de Rossini sur tous les compositeurs ses contemporains.

      La rentrée de Fernand a tout le feu possible:

      Freme il nembo…

      Uom maturo e magistrato,

      Vi dovreste vergognar.

      Il y a toujours beaucoup plus de force et d'énergie que d'élégance et de sensibilité noble, et l'orchestre est bien bruyant:

      No so quel che farei,

      Smanio, deliro e fremo,

      est un volcan. Ici, la rapidité naturelle du style de Rossini semble encore augmenter son feu incroyable: ce terzetto est une des plus belles choses que ce maestro ait jamais écrites

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<p>23</p>

Malheureux! s'écrie le capitaine, et il se jette sur moi l'épée à la main.

<p>24</p>

Magis sine vitiis quam cum virtutibus. Un talent calculé pour les Parisiens de 1810, c'était celui de madame Barilli. Le public de Louvois a fait depuis des progrès immenses, ce qui ne veut point dire que l'excellente Barilli n'eût encore aujourd'hui un fort beau succès. Quatre ou cinq cents personnes de Paris ont fait l'éducation de leur oreille, et sont d'aussi bons juges que les dix mille spectateurs qui fréquentent les théâtres de San-Carlo ou de la Scala.

<p>25</p>

Plus pompeux que touchant. Le style de Paul Véronèse ou de Buffon. Ce style est le sublime des cœurs froids. Il fait beaucoup d'effet en province.

L'harmonie du commencement de ce duetto rappelle l'introduction du Barbier. On adresse le même reproche à quelques parties du finale du premier acte. Il y a des ressemblances entre l'air Mi manca la voce de Mosè et le quintetto

Un Padre, una figlia.

On dit que le morceau qui suit la condamnation de Ninetto rappelle un chœur de la Vestale: Détachez ces bandeaux.

<p>26</p>

Il ne fallait pas faire un soldat français si tremblant en paroles. L'auteur du Libretto n'a pas songé à la vanité du pays où il place la scène de son ouvrage; il a peint un malheureux avec vérité. Voilà la grossièreté que les connaisseurs français reprochent aux personnages du Guerchin.

<p>27</p>

«Nous voici seuls: amour seconde ma flamme et mes vœux. Belle Ninette, si vous n'êtes pas barbare, daignez m'accorder une place dans votre cœur.»