Les contemplations. Aujourd'hui, 1843-1856. Виктор Мари Гюго

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Les contemplations. Aujourd'hui, 1843-1856 - Виктор Мари Гюго

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mais d'où je suis on peut parler aux morts.

      Ah! votre cercueil s'ouvre: – Où donc es-tu? – Dehors.

      Comme vous. – Es-tu mort? – Presque. J'habite l'ombre;

      Je suis sur un rocher qu'environne l'eau sombre,

      Écueil rongé des flots, de ténèbres chargé,

      Où s'assied, ruisselant, le blême naufragé.

      -Eh bien, me dites-vous, après? – La solitude

      Autour de moi toujours a la même attitude;

      Je ne vois que l'abîme, et la mer, et les cieux,

      Et les nuages noirs qui vont silencieux;

      Mon toit, la nuit, frissonne, et l'ouragan le mêle

      Aux souffles effrénés de l'onde et de la grêle;

      Quelqu'un semble clouer un crêpe à l'horizon;

      L'insulte bat de loin le seuil de ma maison;

      Le roc croule sous moi dès que mon pied s'y pose;

      Le vent semble avoir peur de m'approcher, et n'ose

      Me dire qu'en baissant la voix et qu'à demi

      L'adieu mystérieux que me jette un ami.

      La rumeur des vivants s'éteint diminuée.

      Tout ce que j'ai rêvé s'est envolé, nuée!

      Sur mes jours devenus fantômes, pâle et seul,

      Je regarde tomber l'infini, ce linceul. -

      Et vous dites: – Après? – Sous un mont qui surplombe,

      Près des flots, j'ai marqué la place de ma tombe;

      Ici, le bruit du gouffre est tout ce qu'on entend;

      Tout est horreur et nuit. – Après? – Je suis content.

Jersey, janvier 1855.

      IV

      La source tombait du rocher

      Goutte à goutte à la mer affreuse.

      L'Océan, fatal au nocher,

      Lui dit: «Que me veux-tu, pleureuse?

      «Je suis la tempête et l'effroi;

      Je finis où le ciel commence.

      Est-ce que j'ai besoin de toi,

      Petite, moi qui suis l'immense?»

      La source dit au gouffre amer:

      «Je te donne, sans bruit ni gloire,

      Ce qui te manque, ô vaste mer!

      Une goutte d'eau qu'on peut boire.»

Avril 1854.

      V

      À MADEMOISELLE LOUISE B

      Ô vous l'âme profonde! ô vous la sainte lyre!

      Vous souvient-il des temps d'extase et de délire,

      Et des jeux triomphants,

      Et du soir qui tombait des collines prochaines?

      Vous souvient-il des jours? Vous souvient-il des chênes

      Et des petits enfants?

      Et vous rappelez-vous les amis et la table,

      Et le rire éclatant du père respectable,

      Et nos cris querelleurs,

      Le pré, l'étang, la barque, et la lune, et la brise,

      Et les chants qui sortaient de votre coeur, Louise,

      En attendant les pleurs!

      Le parc avait des fleurs et n'avait pas de marbres.

      Oh! comme il était beau, le vieillard sous les arbres!

      Je le voyais parfois

      Dès l'aube sur un banc s'asseoir tenant un livre;

      Je sentais, j'entendais l'ombre autour de lui vivre

      Et chanter dans les bois!

      Il lisait, puis dormait au baiser de l'aurore;

      Et je le regardais dormir, plus calme encore

      Que ce paisible lieu,

      Avec son front serein d'où sortait une flamme,

      Son livre ouvert devant le soleil, et son âme

      Ouverte devant Dieu!

      Et du fond de leur nid, sous l'orme et sous l'érable,

      Les oiseaux admiraient sa tête vénérable,

      Et, gais chanteurs tremblants,

      Ils guettaient, s'approchaient, et souhaitaient dans l'ombre

      D'avoir, pour augmenter la douceur du nid sombre,

      Un de ses cheveux blancs!

      Puis il se réveillait, s'en allait vers la grille,

      S'arrêtait pour parler à ma petite fille,

      Et ces temps sont passés!

      Le vieillard et l'enfant jasaient de mille choses …

      Vous ne voyiez donc pas ces deux êtres, ô roses,

      Que vous refleurissez!

      Avez-vous bien le coeur, ô roses, de renaître

      Dans le même bosquet, sous la même fenêtre?

      Où sont-ils, ces fronts purs?

      N'était-ce pas vos soeurs, ces deux âmes perdues

      Qui vivaient, et se sont si vite confondues

      Aux éternels azurs!

      Est-ce que leur sourire, est-ce que leurs paroles,

      Ô roses, n'allaient pas réjouir vos corolles

      Dans l'air silencieux,

      Et ne s'ajoutaient pas à vos chastes délices,

      Et ne devenaient pas parfums dans vos calices,

      Et rayons dans vos cieux?

      Ingrates! vous n'avez ni regrets, ni mémoire.

      Vous vous réjouissez dans toute votre gloire;

      Vous n'avez point pâli.

      Ah! je ne suis qu'un homme et qu'un roseau qui ploie

      Mais je ne voudrais pas, quant à moi, d'une joie

      Faite de tant d'oubli!

      Oh! qu'est-ce que le sort a fait de tout ce rêve?

      Où donc a-t-il jeté l'humble coeur qui s'élève,

      Le foyer réchauffant,

      Ô Louise, et la vierge, et le vieillard prospère,

      Et tous ces voeux profonds, de moi pour votre père,

      De vous pour mon enfant!

      Où sont-ils, les amis de ce temps que j'adore?

      Ceux qu'a pris l'ombre, et ceux qui ne sont pas encore

      Tombés au flot sans bords;

      Eux, les évanouis, qu'un autre ciel réclame,

      Et vous, les demeurés, qui vivez dans mon âme,

      Mais pas plus que les morts!

      Quelquefois, je voyais, de la colline en face,

      Mes quatre enfants jouer, tableau que rien n'efface!

      Et j'entendais leurs chants;

      Ému, je contemplais ces aubes de moi-même

      Qui se levaient là-bas dans la douceur

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