Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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47, et provenant d'un chapiteau de l'église de Saint-Sauveur de Nevers. La curieuse église de Thaon, près de Caen, nous montre une partie de ses parements extérieurs décorés d'écailles de forme carrée, rappelant ces revêtements en bardeaux si fort en usage dans les constructions privées construites en pans-de-bois. Ces écailles sont quelquefois superposées ou le plus souvent contrariées, c'est-à-dire pleins sur vides, ainsi que l'indique la fig. 1.

      En divisant l'eau de pluie qui fouette sur les parements, en éloignant l'humidité des joints et lui donnant un écoulement, ces écailles, outre leur effet décoratif, ont encore l'avantage de conserver les ravalements extérieurs. Si cet effet est sensible sur les parements verticaux, à plus forte raison l'est-il sur les surfaces inclinées, sur les talus directement exposés à la pluie. Sur les surfaces inclinées élevées en pierre, toute saillie propre, par sa forme, à diriger les eaux est éminemment favorable à la conservation de la maçonnerie, en évitant l'imbibition uniforme de la pluie. Que les architectes du XIIe siècle aient fait cette expérience ou qu'ils aient simplement eu en vue la décoration des surfaces inclinées (décoration logique d'ailleurs, puisqu'elle rappelait une couverture en tuiles ou en bardeaux), toujours est-il que ces architectes ont adopté les écailles sculptées sur la pierre pour toute surface en talus.

      Les formes les plus anciennes données à ces écailles présentent une suite de carrés ou de billettes, comme la figure ci-dessus, ou de petits arcs plein cintre et brisés, ainsi que l'indique la fig. 2 41. Il faut observer que chaque rang d'écailles est toujours pris dans une hauteur d'assises, les joints verticaux étant placés au milieu des vides laissés entre les écailles. L'eau pluviale tombant de A en B est conduite par la taille de la pierre le long des deux arêtes AC, BC; en C, elle s'égoutte, arrive à l'extrémité D, et ainsi successivement jusqu'à la corniche. Les parties les plus humectées sont donc toujours les arêtes des écailles; mais, par leur saillie même, ces arêtes sèchent plus facilement que les parements unis; l'humidité demeure donc moins longtemps sous les parements: c'est là tout le secret de la conservation de ces surfaces couvertes d'écailles. Les ombres fines et les lumières qui se jouent sur ces petites surfaces découpées donnent de la légèreté et de l'élégance aux couronnements; aussi les architectes ont-ils usé de ce moyen à l'époque de la renaissance. Nous ne pouvons prétendre donner tous les exemples d'écailles taillées sur parements; nous nous contenterons d'indiquer les principaux.

      À la fin du XIIe siècle, les écailles, particulièrement dans les édifices de la Normandie et de l'Île-de-France, affectent la forme de petits arcs brisés avec partie droite, ainsi que l'indique la fig. 3. Jusqu'alors les écailles sont peu saillantes et présentent un relief égal dans toute leur longueur. Mais dans les grands monuments construits au commencement du XIIIe siècle, il fallait obtenir des effets prononcés dans l'exécution de détails d'une aussi petite échelle; aussi voyons-nous, en Picardie, par exemple, sur les pyramides qui surmontent les escaliers des deux tours de la façade de la cathédrale d'Amiens, des écailles d'un puissant relief et d'une forme évidemment destinée à produire un grand effet à distance (4).

      Jamais, dans l'Île-de-France, les architectes n'ont ainsi exagéré l'importance de détails qui, après tout, ne doivent pas détruire la tranquilité de surfaces planes et ne sont pas faits pour lutter avec la sculpture. Cependant parfois les écailles taillées sur les édifices de la première moitié du XIIIe siècle, dans l'Île-de-France, présentent plus de saillie à leur extrémité inférieure qu'à leur sommet; leur forme la plus générale est celle présentée dans la fig. 5. Dans ce cas, les écailles sont évidées suivant le profil A ou suivant le profil B. Les écailles fortement détachées à leur extrémité inférieure, conformément au profil A, appartiennent plutôt aux flèches des clochers, c'est-à-dire qu'elles sont placées à une grande hauteur. Sur les rampants des contre-forts, leur saillie est égale dans toute leur longueur.

      Au XIVe siècle, les écailles se rapprochent davantage de la forme des bardeaux; elles se touchent presque, ont leurs deux côtés parallèles, sont allongées et terminées par des angles abattus (6). Les pinacles des contre-forts du choeur de la cathédrale de Paris (XIVe siècle) et ceux du choeur de l'église d'Eu (XVe siècle) sont couverts d'écailles taillées suivant cette forme.

      Les écailles appartenant aux monuments construits dans des provinces où les couvertures en pierre ont été adoptées dès l'époque romane, comme dans le midi de la France et dans l'ouest, ne sont pas disposées comme des bardeaux de couvertures en bois; elles sont retournées, de façon à laisser entre chacune d'elles comme autant de petits canaux propres à éloigner les eaux des joints verticaux (voyez ce que nous disons à propos de ces sortes d'écailles, à l'article CLOCHER, fig. 14 et 15).

       ÉCHAFAUD, s. m. Chaffaud. Dans l'art de bâtir on entend par échafaud l'oeuvre de charpente provisoirement établie pour permettre d'élever les maçonneries. Les échafauds sont adhérents à la construction qu'on élève ou en sont indépendants. Les constructions du moyen âge, ainsi que les constructions romaines, étaient montées au moyen d'échafauds tenant à la maçonnerie, et qu'on posait en élevant celle-ci. À cet effet, on réservait dans les murs soit en brique, soit en moellon, soit en pierre, des trous de 0,15 c. de côté environ, profonds, et dans lesquels on engageait des chevrons ou des rondins en bascule que l'on soulageait à leur extrémité opposée par des pièces de bois verticales. Ces chevrons ou rondins engagés sont les boulins, et les trous réservés pour les recevoir s'appellent trous de boulins; les pièces de bois verticales sont désignées sous le nom d'échasses. Les architectes du moyen âge élevaient ainsi leurs plus grands édifices au moyen de boulins et d'échasses d'un médiocre équarrissage. Sur ces boulins, placés à des distances assez rapprochées, on posait des planches, plateaux, plabords, sur lesquels se tenaient les ouvriers; ces planchers, plus ou moins larges, suivant le besoin, se répétaient de six pieds en six pieds au plus; afin de rendre chaque partie de la construction accessible aux travailleurs. Les matériaux de gros volume n'étaient jamais montés sur ces planchers ou ponts, mais sur les murs eux-mêmes, au moyen d'engins placés sur le sol correspondant à des grues ou chèvres haubannées sur la construction même. D'ailleurs, presque toujours, les matériaux étaient montés par l'intérieur, bardés sur les murs, posés et jointoyés par les ouvriers circulant sur ces murs mêmes ou sur les échafauds.

      L'échafaud d'un édifice romain ou du moyen âge montait donc en même temps que la construction. Les constructeurs de ces temps reculés ne faisaient certainement pas de grands frais d'échafaudages. Ils laissaient les trous de boulins apparents sur les parements, ne se donnant pas la peine de les boucher à mesure qu'ils démontaient les échafauds lorsque la construction était terminée. Alors on ne ravalait pas les édifices; chaque pierre était posée toute taillée, et il n'y avait plus à y toucher; donc le jour où la dernière pierre était mise en place, l'édifice était achevé, et l'échafaud pouvait être enlevé. Il faut observer aussi que les grands édifices gothiques présentent des retraites prononcées à différentes hauteurs, ce qui permettait de reprendre sur chacune de ces retraites un système d'échafaudage, sans qu'il fût nécessaire de porter les échafauds de fond. Cependant il est tels édifices, comme les tours de défense, par exemple, qui s'élèvent verticalement à une grande hauteur sans ressauts, sans retraite aucune. Il est intéressant d'étudier comment ont été montées ces énormes bâtisses.

      La construction du donjon de Coucy, qui présente un cylindre dont les parois verticales ont 60 mètres d'élévation, n'a exigé qu'un échafaudage extrêmement simple, échafaudage qui avait encore le mérite d'éviter les montages lents obtenus

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<p>41</p>

Tour de l'escalier du XIIe siècle de l'église d'Eu.