Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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Читать онлайн книгу Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 9
Voici (fig. 1) une vue de ce curieux pan de bois, compris entre deux murs formant tête avec encorbellements. Les sablières basses et hautes, les poteaux, étaient des bois de 7 pouces environ (19 centimètres); les jambages des fenêtres, des bois de 15 + 18 centimètres.
Le cintre de la porte se composait de deux gros morceaux de charpente assemblés à mi-bois entre eux et avec les deux jambes. Les solives des planchers reposaient, comme les sablières basses des pans de bois, sur les murs latéraux et sur une poutre posée, parallèlement à ces murs, environ au milieu de la façade. Toute cette charpente était coupée avec soin, ornée de quelques moulures très simples et de gravures d'un faible creux. On voyait, sous les appuis des fenêtres des galetas, des restes de panneaux épais également décorés par des gravures. La figure 2 présente la coupe de ce pan de bois, elle indique le poteau intermédiaire A, renforçant la face du rez-de-chaussée et portant, au moyen d'un lien B, la poutre transversale C, laquelle soulage d'autant la portée de la sablière basse D du pan de bois supérieur. Au-dessus de ce lien B se dresse le poteau E jusque dessous la sablière haute F, portant une autre poutre G transversale sous comble. L'about de cette poutre est soulagé par un lien I. Une semelle H reçoit l'extrémité des chevrons et les blochets K. La poutre L s'assemble par un tenon dans le poteau E, lequel, sous cet assemblage, possède un repos M (voy. le détail O). Cette poutre est de plus portée par une décharge P, dont le pied est assemblé à tenon dans la première solive R du plancher du premier étage. La vue (fig. 1) fait voir comment les faces du pan de bois reportent les pesanteurs sur le poteau intermédiaire et sur les murs latéraux, au moyen de décharges courbes, lesquelles s'assemblent sous les sablières et dans les extrémités des linteaux évidés des fenêtres.
La figure 3 fera saisir les assemblages des potelets formant jambages des fenêtres, et des décharges courbes. Nous montrons le linteau A d'une de ces fenêtres à l'intérieur. Les potelets intermédiaires B, formant meneaux, s'assemblent à mi-bois dans ces linteaux, et portent, à leur extrémité supérieure b, un tenon qui entre dans une mortaise c, ménagée sous la sablière. Une petite languette e s'embrève en outre dans le linteau, et empêche celui-ci de désaffleurer le poteau. Les linteaux A possèdent eux-mêmes des languettes f qui s'embrèvent sous les sablières en g. La coupe C donne le géométral de ces assemblages, l'intérieur du pan de bois étant en h. Le potelet G, formant jambage, s'assemble de même à mi-bois dans l'extrémité du linteau, et porte son tenon i tombant dans une mortaise j; mais la décharge E porte une coupe biaise l, qui bute le linteau, et un tenon m qui s'engage dans la mortaise n. Ce tenon forme aussi languette s'embrevant dans l'extrémité du linteau en p.
Les assemblages de cette charpente rappellent ceux employés dans la menuiserie, et ceux aussi adoptés pour les constructions navales. La main-d'oeuvre est considérable, comme dans toute structure primitive; mais on observera que les ferrements ne sont admis nulle part. D'ailleurs le cube de bois employé est énorme, eu égard à la petite dimension de ce pan de bois de face; les remplissages en maçonnerie ou en torchis, à peu près nuls. Au XIIIe siècle déjà, on élevait des pans de bois beaucoup plus légers, mieux combinés, dans lesquels la main-d'oeuvre était économisée, et qui présentaient une parfaite solidité. Souvent, à cette époque, les solives des planchers portent sur les pans de bois de face, et servent à les relier avec les pans de bois intérieurs de refend.
Nous traçons (fig. 4) un de ces pans de bois, qui appartient, autant qu'on en peut juger par les profils, à la fin du XIIIe siècle 41. Ici pas de murs pignons en maçonnerie, comme dans l'exemple précédent; la construction est entièrement de charpente, et les mitoyennetés sont des pans de bois composés de sablières, de poteaux, de décharges et de tournisses. Les deux étages de pans de bois de face sont posés en encorbellement l'un sur l'autre, ainsi que l'indique le profil A. Les poteaux d'angle et d'axe de la façade B ont 22 et 24 centimètres d'équarrissage; tous les autres, ainsi que les sablières et solives, n'ont que 17 à 19 centimètres. Les solives C des planchers posant sur les sablières hautes assemblées sur la tête des poteaux, sont soulagées par des goussets et liens D à l'intérieur et à l'extérieur, et peuvent ainsi recevoir à leur extrémité la sablière basse de l'étage au-dessus. Ces solives étant espacées de près d'un mètre, elles reçoivent de plus faibles solives, ou plutôt des lambourdes, sur lesquelles sont posés les bardeaux avec entrevous, aire et carrelage. Le roulement du pan de bois est maintenu par des décharges E assez fortes, et des croix de Saint-André sous les appuis des fenêtres.
Un détail (fig. 5) explique l'assemblage des sablières a sur les poteaux b, des goussets et liens c, soit dans ces poteaux; soit dans les solives e. On voit en g comment s'embrèvent les sablières basses h aux abouts des solives, et comment, entre chacune de ces solives, on a posé des entretoises mouluréesi. Le tracé perspectif f montre l'une des solives désassemblée avec ses mortaises; le tracé perspectif l figure le linteau m de la porte et son assemblage avec le poteau p, formant jambage. Quant au tracé géométral B, il explique l'assemblage marqué d'un b dans la figure 4.
Ce pan de bois est bien tracé; les bois sont parfaitement équarris, les moulures nettement coupées, les assemblages faits avec soin. Il était, bien entendu, apparent; les remplissages étaient hourdés en mortier et petit moellon enduits.
Nous avons signalé ailleurs 42 l'habileté des charpentiers du moyen âge, principalement pendant les XIIIe, XIVe et XVe siècles. Il ne faudrait pas croire que les constructions se bornaient alors à employer les pans de bois pour les maisons de bourgeois: le pan de bois était, au contraire, un genre de construction fréquemment adopté, même dans les édifices publics, les palais et châteaux. Dans beaucoup de résidences seigneuriales, des logis avaient à l'intérieur, ou en guise de murs de refend, des pans de bois. Nous avons souvent constaté la présence de ces ouvrages de charpenterie, détruits par des incendies, dans des châteaux d'une certaine importance. On employait aussi les pans de bois comme moyen provisoire de clore des édifices que l'on n'avait pas le temps d'achever, ou dont la construction demeurait suspendue. C'est ainsi qu'on voit, au sommet du mur septentrional de la cathédrale d'Amiens, un pignon en pan de bois qui date du XIVe siècle.
Dans certaines contrées où le bois était abondant et la pierre rare, on bâtissait même des églises tout entières en bois. On voit encore dans un des faubourgs de la ville de Troyes 43 une chapelle, placée sous le vocable de saint-Gilles, qui est bâtie en pans de bois et date de la seconde moitié du XIVe siècle. Cet édifice, auquel des adjonctions plus récentes ont enlevé une partie de son caractère, se composait d'une seule nef, encore
41
D'une maison de Châteaudun.
42
Voyez l'article CHARPENTE.
43
Faubourg Cronceus.