Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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La niche sous laquelle est placé le sarcophage est divisée par une pilette contre laquelle est adossée une statue 22. Deux petites voûtes d'arêtes couvrent cet enfoncement de 0m,97 de profondeur. Au-dessus de l'arcature sont placées trois statues: la Vierge, et deux figures agenouillées, un homme et une femme, qui ne peuvent être que les personnages pour lesquels le tombeau a été fait. Ces trois statues sont abritées sous une triple arcature couronnée par un gâble très-obtus. On retrouve encore les traces des peintures qui recouvraient entièrement l'architecture et la statuaire. Des anges remplissaient les deux tympans de la niche inférieure au-dessus du sarcophage, et nous ne pensons pas que l'homme et la femme en adoration des deux côtés de la Vierge aient été représentés sur la dalle recouvrant leur sépulture. La pilette engagée A (voyez le plan) formait une croix se détachant sur les deux tympans (voyez le détail B, fig. 6). Un petit bénitier est engagé dans la muraille du côté droit.
Sur les flancs des églises collégiales et paroissiales, il existait habituellement des cloîtres, et ces cloîtres servaient de lieu de sépulture, non-seulement pour les clercs, mais aussi pour les laïques qui payaient fort cher l'avantage d'être enterrés près de l'église 23. La place préférée était toujours le mur de l'église même. Aussi, le long de nos monuments religieux, entre les contre-forts qui donnaient sur l'une des galeries du cloître, trouve-t-on encore des traces nombreuses de ces sépultures.
Au XIIIe siècle, les lois ecclésiastiques qui défendaient d'enterrer des laïques dans l'enceinte même des églises tombèrent en désuétude. Les chapitres des cathédrales seuls continuèrent généralement d'observer ces règles, mais les paroisses, les collégiales, les églises abbatiales mêmes, tirèrent un profit considérable de la vente du droit de sépulture dans les églises, et bientôt les murs et les pavés des nefs furent couverts de monuments, d'inscriptions et d'effigies. Les choeurs étaient réservés pour les membres du clergé ou pour de très-hauts personnages. De même que dans les cathédrales les évêques étaient ensevelis sous le pavé du choeur ou entre les piliers du sanctuaire, par exception des princes profitaient du même privilége. En fouillant le choeur de Notre-Dame de Paris pour y établir le caveau actuel des archevêques, nous avons trouvé la tombe d'Isabelle de Hainaut, première femme de Philippe-Auguste, qui dut être enterrée sous ce pavé, l'église à peine élevée jusqu'aux voûtes 24.
C'était principalement dans les églises abbatiales que les princes se faisaient ensevelir. Les fondateurs d'abbayes se réservaient la faculté d'être enterrés, eux et leurs successeurs, dans l'église érigée avec leurs dons. C'est ainsi que beaucoup de monuments remarquables ont pu être conservés jusqu'à la fin du dernier siècle, et même jusqu'à nos jours. Les abbayes de Saint-Denis, en France, de Sainte-Geneviève, de Saint-Germain des Prés à Paris, de Braisne, de Vendôme, de Jumiéges, de Fécamp, de Longpont, de Royaumont, d'Eu, des Célestins à Paris, de Poissy, renfermaient des sépultures splendides de princes et seigneurs, et quelques-uns de ces monuments nous sont restés. L'abbaye de Saint-Denis, fondée par Dagobert, fut particulièrement destinée à la sépulture des rois français, et reçut en effet les dépouilles de la plupart de ces princes, depuis le fondateur jusqu'à Louis XV. L'église ayant été rebâtie par Suger, il est à croire que les monuments anciens (si tant est qu'il y ait eu des mausolées élevés sur les tombes des princes) furent détruits ou fort endommagés. Quand, plus tard, vers le milieu du XIIIe siècle, on remplaça la plus grande partie des constructions du XIIe siècle, que l'on reconstruisit la nef, le transsept et tout le haut choeur, les derniers restes des tombeaux antérieurs à Louis IX furent dispersés; si bien que pour ne pas laisser perdre la mémoire de ces vénérables sépultures, saint Louis résolut de rétablir tous ces tombeaux, à commencer par celui de Dagobert. Les ossements que l'on put retrouver dans les anciens cercueils furent replacés dans les nouvelles tombes. Parmi les tombeaux antérieurs à saint Louis, un seul fut conservé et replacé au milieu du choeur des religieux: c'était celui de Charles le Chauve, qui était de bronze, avec parties émaillées, et qui dut probablement à la solidité du métal de ne pas être détruit, comme les autres. Du tombeau de Dagobert il restait, sous le cloître de l'église de Suger, un fragment dont parle dom Doublet 25, et que M. Percier a dessiné en 1797. C'était une statue colossale, assise, couronnée, vêtue d'une tunique longue et d'un pallium.
Nous reproduisons ici (fig. 7) le fragment conservé par le dessin de Percier, et qui ferait croire que ce monument n'était pas antérieur au commencement du XIIe siècle. Quoi qu'il en fût, nous n'avons pu trouver trace de cette figure, non plus que de celles des deux princes Clovis et Sigebert, qui faisaient partie du même monument. Saint Louis n'en éleva pas moins un nouveau tombeau au fondateur de l'abbaye, et le fit placer à l'entrée du sanctuaire, côté de l'épître 26. Ce tombeau, qui date par conséquent du milieu du XIIIe siècle, est un des plus curieux monuments funéraires de cette époque.
Il se compose (fig. 8) d'une grande niche surmontée d'un gâble; au bas de la niche est déposé un sarcophage 27, dont le couvercle sert de lit à l'effigie du roi, couchée sur le côté gauche. Au fond de la niche se développe, par bandes superposées, la légende relative à la mort de Dagobert.
Debout, des deux côtés de l'effigie royale, sont les statues de Nantilde, seconde femme de Dagobert, et de Sigebert, son fils aîné, qui furent enterrés près de lui. Dans les voussures qui forment la niche, sont sculptés des anges thuriféraires, et, dans le tympan du gâble, le Christ et deux évêques, saint Denis et saint Martin, lesquels, en compagnie de saint Maurice, au dire de la légende, délivrèrent l'âme du roi des mains des démons, et la conduisirent en paradis. Le devant du sarcophage est fleurdelisé, ainsi que le socle 28. Tout ce monument était peint; outre les traces encore visibles de ces peintures, les dessins-minutes de Percier fournissent tous les détails de la coloration. Ce tombeau, n'étant pas adossé, laisse voir sa partie postérieure dans le bas côté. Celle-ci est de même surmontée d'un gâble avec figures, crochets et fleurons, la partie inférieure restant unie, sans sculpture.
Certaines parties de la statuaire du tombeau de Dagobert sont très-remarquablement traitées. La statue de Nantilde, à laquelle, au musée des Petits-Augustins, M. Lenoir avait fait adapter une tête d'homme 29, les groupes des évêques dans les zones légendaires, les anges des voussures et la sculpture du tympan, sous le gâble, sont d'un style excellent et d'une exécution parfaite. Ce tombeau n'est point dans les données des monuments placés dans l'intérieur des églises: c'est une chapelle, un de ces édicules comme on en élevait dans les cloîtres, entre les contre-forts des églises, et c'est pourquoi nous l'avons présenté ici; cependant l'effigie du mort est sculptée sur le sarcophage vrai ou feint, tandis que ni le tombeau de Toulouse, ni celui de Saint-Salvy d'Alby, n'avaient de statues couchées.
Voici encore un de ces monuments en forme de niche dépourvue d'effigies: c'est celui des deux prélats Beaudoin II et Beaudoin III, évêques de Noyon, qui était placé contre la muraille de l'église abbatiale d'Ourscamp, côté de l'évangile (fig. 9) 30. Beaudoin II mourut en 1167. Les épitaphes étaient peintes sur les parois de la niche, et avaient été remplacées cent ans avant Gaignères, auquel nous empruntons ce dessin, par des inscriptions sur vélin posées dans des cadres attachés avec des chaînettes. Ici, comme à Saint-Salvy,
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Cette statue, mutilée, est celle de saint Paul, patron du défunt probablement.
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Le sceau d'argent de cette princesse était déposé dans le cercueil. Conservé pendant quelques années dans le trésor de la cathédrale, il a été volé.
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«À l'entrée de cette porte» (celle du transsept donnant au midi, dans le cloître des religieux), «entrant en iceux cloistres, à main droite, se voit l'effigie du très chrestien Roy Dagobert, d'une grandeur extraordinaire, assise en une chaire, la couronne sur la teste et une pomme en la main droite; ayant à ses deux costez les effigies de ses deux enfans Clovis et Sigebert, de pierre de liais...» (Dom Doublet,
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Ce tombeau est aujourd'hui replacé en ce même endroit, après avoir été transporté au musée des monuments français, puis de là rendu à l'église, où les deux faces, séparées pour faire
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Ce sarcophage était feint, car le corps du roi Dagobert avait été déposé sous le maître autel de l'église primitive; peut-être était-il enfermé dans le cercueil dont nous avons donné le couvercle et un bout, ornés de croix pattées (fig. 1, A). Cependant la pierre replacée sous le règne de saint Louis avait été creusée comme pour y déposer un corps, et des restes d'ossements y furent trouvés lors de la violation des sépultures en 1793.
28
Ce sarcophage a dû être refait, ainsi que la statue couchée et celle de Sigebert, qui, dans les transports successifs qu'avait subis ce monument, furent perdues. D'ailleurs le sarcophage et les deux statues ont été copiés aussi fidèlement que possible sur les dessins (minutes) que Percier avait faits de ce tombeau avant sa translation au musée des Petits-Augustins. Le sarcophage primitif était, au dire de dom Doublet, de
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Il faut noter que cette statue, ainsi ridiculement défigurée, a été moulée, réduite, vendue partout comme une des oeuvres remarquables du moyen âge.
30
Ce tombeau datait des premières années du XIIIe siècle.