Le fauteuil hanté. Гастон Леру

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Le fauteuil hanté - Гастон Леру

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fauteuil.

      M. Hippolyte Patard déclara:

      –Je m'assiérai si je veux! Je n'ai d'ordres à recevoir de personne!… D'abord, messieurs, permettez-moi de vous faire remarquer que l'heure d'ouvrir le scrutin est sonnée depuis cinq minutes…

      Et il regagna sa place, ayant recouvré soudain une grande dignité.

      Il n'arriva point cependant à son pupitre sans que quelques sourires l'accompagnassent.

      Il les vit, et comme chacun prenait un siège pour la séance qui allait commencer… et que le Fauteuil hanté restait vide, il dit, de son petit air pincé, l'air du Patard citron:

      –Les règlements ne s'opposent pas à ce que celui de mes collègues qui désire s'asseoir dans le fauteuil de Mgr d'Abbeville y prenne place.

      Nul ne bougea. L'un de ces messieurs, qui avait de l'esprit, soulagea la conscience de tout le monde par cette explication:

      –Il vaut mieux ne pas s'y asseoir par respect pour la mémoire de Mgr d'Abbeville.

      Au premier tour, l'unique candidat, Martin Latouche, fut élu à l'unanimité.

      Alors M. Hippolyte Patard ouvrit son courrier. Et il eut la joie, qui le consola de bien des choses, de ne pas y trouver des nouvelles de M. Martin Latouche.

      Servilement, il reçut de l'Académie la mission exceptionnelle d'aller annoncer lui-même à M. Martin Latouche l'heureux événement.

      Ça ne s'était jamais vu.

      –Qu'est-ce que vous allez lui dire? demanda le chancelier à M. Hippolyte Patard.

      M. le secrétaire perpétuel, dont la tête se troublait un peu à la suite de toutes ces ridicules histoires, répondit vaguement:

      –Qu'est-ce que vous voulez que je lui dise?… Je lui dirai:

      «Du courage, mon ami…» Et c'est ainsi que ce soir-là, sur le coup de dix heures, une ombre qui semblait prendre les plus grandes précautions pour n'être point suivie se glissait sur les trottoirs déserts de la vieille place Dauphine, et s'arrêtait devant une petite maison basse, dont elle fit résonner le marteau assez lugubrement dans cette solitude.

      III. La boîte qui marche

      M. Hippolyte Patard ne sortait jamais après son dîner. Il ne savait pas ce que c'était que de se promener la nuit dans les rues de Paris. Il avait entendu dire, et il avait lu dans les journaux, que c'était très dangereux. Quand il rêvait de Paris, la nuit, il apercevait des rues sombres et tortueuses qu'éclairait çà et là une lanterne, et que traversaient des ombres louches, à l'affût des bourgeois, comme au temps de Louis XV. Or comme M. le secrétaire perpétuel continuait d'habiter au vilain carrefour Buci, un petit appartement qu'aucun triomphe littéraire, qu'aucune situation académique n'avaient pu lui faire quitter M. Hippolyte Patard, cette nuit-là où il se rendit à la silencieuse place Dauphine par d'antiques rues étroites, les quais déserts, et l'inquiétant Pont-Neuf, ne trouva aucune différence entre son imagination et la lugubre réalité.

      Aussi avait-il peur.

      Avait-il peur des voleurs…

      Et des journalistes… surtout.

      Il tremblait à l'idée que quelque gazetier le surprît, lui, M. le secrétaire perpétuel, faisant une démarche nocturne chez le nouvel académicien, Martin Latouche.

      Mais il avait préféré, pour une aussi exceptionnelle besogne, l'ombre propice à l'éclat du jour Et puis, pour tout dire, M. Hippolyte Patard se dérangeait moins, cette nuit-là, pour annoncer officiellement, malgré tous les usages, à Martin Latouche, qu'il était élu (événement, du reste, que Martin Latouche ne devait plus ignorer), que pour prendre de Martin Latouche lui-même s'il était vrai qu'il eût déclaré qu'il ne s'était pas «représenté», et qu'il refusait le fauteuil de Mgr d'Abbeville.

      Car telle était la version des journaux du soir.

      Si elle était exacte, la situation de l'Académie française devenait terrible… et ridicule.

      M. Hippolyte Patard n'avait pas hésité. Ayant lu l'affreuse nouvelle après son dîner, il avait mis son pardessus et son chapeau, pris son parapluie, et il était descendu dans la rue…

      Dans la rue toute noire…

      Et maintenant, il tremblait sur la place Dauphine, devant la porte de Martin Latouche dont il avait soulevé le marteau.

      Le marteau avait frappé, mais la porte ne s'était pas ouverte…

      Et il sembla bien à M. le secrétaire perpétuel qu'il avait aperçu sur sa gauche, à la lueur vacillante d'un réverbère, une ombre bizarre, étonnante, inexplicable.

      Certainement, il avait vu comme une boîte qui marchait.

      C'était une boîte carrée qui avait de petites jambes et qui s'était enfuie dans la nuit, sans bruit.

      Au-dessus de la boîte, M. Patard n'avait rien vu, rien distingué. Une boîte qui marche! la nuit! place Dauphine! M. le secrétaire perpétuel frappa du marteau sur la porte, avec frénésie.

      Et c'est à peine s'il osa jeter un nouveau coup d'œil du côté où s'était produite cette étrange apparition.

      Un petit judas venait de s'ouvrir et de s'éclairer dans la porte vétuste de l'immeuble habité par Martin Latouche. Un jet de lumière vint frapper en plein, le visage effaré de M. le secrétaire perpétuel.

      –Qui êtes-vous? Que voulez-vous? demanda une voix rude.

      –C'est moi, M. Hippolyte Patard.

      –Patard?

      –Secrétaire perpétuel… Académie…

      A ce mot «Académie» le judas se referma avec fracas, et M. le secrétaire perpétuel se trouva à nouveau isolé sur la silencieuse place.

      Puis, tout à coup, sur sa droite, cette fois, il revit passer l'ombre de la boîte qui marche.

      La sueur coulait maintenant tout au long des joues maigres du délégué extraordinaire de l'illustre Compagnie, et il est juste de dire, à la louange de M. Hippolyte Patard, que l'émotion à laquelle il était prêt à succomber, dans cette minute cruelle, lui venait moins de la vision inouïe de la boîte qui marche, et de la peur des voleurs, que de l'affront que l'Académie française tout entière venait de subir dans la personne de son secrétaire perpétuel.

      La boîte, aussitôt apparue, avait redisparu.

      Défaillant, le malheureux jetait autour de lui des regards vagues.

      Ah! la vieille, vieille place, avec ses trottoirs exhaussés, à escaliers, ses façades mornes, trouées de fenêtres immenses, dont les carreaux noirs et nus semblaient garder inutilement des courants d'air les vastes pièces abandonnées depuis des années sans nombre.

      Les yeux éplorés de M. Hippolyte Patard fixèrent un moment, par-delà les toits aigus, la voûte céleste où glissaient les nuées lourdes, et puis redescendirent sur la terre, tout juste pour revoir dans l'espace qui s'étend devant le Palais de Justice éclairé par un bref rayon de lune, la boîte

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