Alcools. Guillaume Apollinaire

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Alcools - Guillaume Apollinaire

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mes tonneaux des Danaïdes

      Comment faire pour être heureux

      Comme un petit enfant candide

      Je ne veux jamais l'oublier

      Ma colombe ma blanche rade

      O marguerite exfoliée

      Mon île au loin ma Désirade

      Ma rose mon giroflier

      Les satyres et les pyraustes

      Les égypans les feux follets

      Et les destins damnés ou faustes

      La corde au cou comme à Calais

      Sur ma douleur quel holocauste

      Douleur qui doubles les destins

      La licorne et le capricorne

      Mon âme et mon corps incertains

      Te fuient ô bûcher divin qu'ornent

      Des astres des fleurs du matin

      Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire

      Tes prêtres fous t'ont-ils paré

      Tes victimes en robe noire

      Ont-elles vainement pleuré

      Malheur dieu qu'il ne faut pas croire

      Et toi qui me suis en rampant

      Dieu de mes dieux morts en automne

      Tu mesures combien d'empans

      J'ai droit que la terre me donne

      O mon ombre ô mon vieux serpent

      Au soleil parce que tu l'aimes

      Je t'ai menée souviens-t'en bien

      Ténébreuse épouse que j'aime

      Tu es à moi en n'étant rien

      O mon ombre en deuil de moi-même

      L'hiver est mort tout enneigé

      On a brûlé les ruches blanches

      Dans les jardins et les vergers

      Les oiseaux chantent sur les branches

      Le printemps clair l'Avril léger

      Mort d'immortels argyraspides

      La neige aux boucliers d'argent

      Fuit les dendrophores livides

      Du printemps cher aux pauvres gens

      Qui resourient les yeux humides

      Et moi j'ai le coeur aussi gros

      Qu'un cul de dame damascène

      O mon amour je t'aimais trop

      Et maintenant j'ai trop de peine

      Les sept épées hors du fourreau

      Sept épées de mélancolie

      Sans morfil ô claires douleurs

      Sont dans mon coeur et la folie

      Veut raisonner pour mon malheur

      Comment voulez-vous que j'oublie

Les sept épées

      La première est toute d'argent

      Et son nom tremblant c'est Pâline

      Sa lame un ciel d'hiver neigeant

      Son destin sanglant gibeline

      Vulcain mourut en la forgeant

      La seconde nommée Noubosse

      Est un bel arc-en-ciel joyeux

      Les dieux s'en servent à leurs noces

      Elle a tué trente Bé-Rieux

      Et fut douée par Carabosse

      La troisième bleu féminin

      N'en est pas moins un chibriape

      Appelé Lul de Faltenin

      Et que porte sur une nappe

      L'Hermès Ernest devenu nain

      La quatrième Malourène

      Est un fleuve vert et doré

      C'est le soir quand les riveraines

      Y baignent leurs corps adorés

      Et des chants de rameurs s'y trainent

      La cinquième Sainte-Fabeau

      C'est la plus belle des quenouilles

      C'est un cyprès sur un tombeau

      Où les quatre vents s'agenouillent

      Et chaque nuit c'est un flambeau

      La Sixième métal de gloire

      C'est l'ami aux si douces mains

      Dont chaque matin nous sépare

      Adieu voilà votre chemin

      Les coqs s'épuisaient en fanfares

      Et la septième s'exténue

      Une femme une rose morte

      Merci que le dernier venu

      Sur mon amour ferme la porte

      Je ne vous ai jamais connue

Voie lactée {2}

      Voie lactée ô soeur lumineuse

      Des blancs ruisseaux de Chanaan

      Et des corps blancs des amoureuses

      Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

      Ton cours vers d'autres nébuleuses

      Les démons du hasard selon

      Le chant du firmament nous mènent

      A sons perdus leurs violons

      Font danser notre race humaine

      Sur la descente à reculons

      Destins destins impénétrables

      Rois secoués par la folie

      Et ces grelottantes étoiles

      De fausses femmes dans vos lits

      Aux déserts que l'histoire accable

      Luitpold le vieux prince régent

      Tuteur de deux royautés folles

      Sanglote-t-il en y songeant

      Quand vacillent les lucioles

      Mouches dorées de la Saint-Jean

      Près d'un château sans châtelaine

      La barque aux barcarols chantants

      Sur un lac blanc et sous l'haleine

      Des vents qui tremblent au printemps

      Voguait cygne mourant sirène

      Un jour le roi dans l'eau d'argent

      Se noya puis la bouche ouverte

      Il s'en revint en surnageant

      Sur la rive dormir inerte

      Face tournée au ciel changeant

      Juin ton soleil ardente lyre

      Brûle mes doigts endoloris

      Triste et mélodieux délire

      J'erre à travers mon beau Paris

      Sans avoir le coeur d'y mourir

      Les dimanches s'y éternisent

      Et les orgues de Barbarie

      Y sanglotent dans les cours grises

      Les fleurs aux balcons de Paris

      Penchent comme la tour de Pise

      Soirs

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