LIS EN FRANÇAIS (ЧИТАЙ ПО-ФРАНЦУЗСКИ). Учебное пособие по самостоятельной работе для студентов филологического профиля. Т. И. Скоробогатова
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– Et alors, quelles nouvelles?
– Ben… voilà…
Il triturait son bonnet comme s’il s’agissait de l’essorer. Il se frotta le nez morveux d’un coup de manche qu’il regretta aussitôt, c’était très mal élevé.
– Quoi donc?
– Les enfants…
– Quels enfants?
– Mais… Edmond. Et sa femme… Adrienne…
Lombet se souvenait fort bien du jour où la rumeur avait enfiévré le bourg. Edmond Beffe épousait Adrienne de Mongin. Un événement dans Landerneau! On disait les Mongin de haute volée. Ils ne roulaient pas sur l’or, mais ils avaient de la classe.
Le père Beffe, c’était connu, les détestait. Tout riche qu’il fût, en face d’eux, il se sentait rustre jusqu’au bout des ongles. À seulement penser à leur particule, il lui venait de l’urticaire. Il avait besoin de les haïr pour s’estimer.
Et puis il n’entendait ouvrir sa famille qu’à un parti pourvu d’un solide pécule et d’un caractère souple. Or, Adrienne de Mongin avait la bourse plate et la volonté impérieuse. Qui sait si l’envie ne lui viendrait pas de prendre les rênes de l’entreprise par mari interposé? Edmond tenant de sa mère une propension à la rêverie et une évidente mollesse de caractère, ce n’était pas lui qui y ferait obstacle.
Chez les de Mongin non plus, on n’avait pas tué le veau gras. Sans doute était-il urgent de redorer le blason. Mais on eût souhaité que la dorure eût de l’éclat. Adrienne était jolie. Elle aurait pu s’autoriser quelque ambition, et le canton ne manquait pas de jeunes gens parés pour joindre l’agréable à l’utile.
Les amours d’Adrienne et d’Edmond, ç’avait donc été Roméo et Juliette au petit pied. Pour échapper aux grandes orgues dont on jouait dans les deux familles, les amoureux se réfugiaient volontiers dans une taverne qui offrait à leurs bécotées des coins discrets. Il y avait là un juke-box auquel Edmond faisait jouer à chaque visite la Sérénadede Schubert roucoulée par Tino Rossi. Le patron trouvait cela très romantique.
– Et alors, cette nouvelle?
– Voilà… J’ai vu du rouge, en contrebas de la route, une carrosserie, on aurait dit. Je suis descendu, pas facile, dans ce fouillis de ronces et de branchages, j’avais de la neige plein les bottes.
– Mais enfin?…
– L’auto a dû déraper. Par ce temps… Et puis les jeunes, c’est imprudent. La roule est en talus, deux mètres de pente raide, et en bas, il y a des sapins. Dans le Bois du Bonner, si tu vois, à trois kilomètres environ, et en plus c’est un virage difficile…
– Ils sont blessés?
Lombet gardait les yeux fixés sur les flammes qui buissonnaient. Le bas de son pantalon fumait.
– Ça a dû arriver la nuit. Mais comment savoir, avec ce temps qui efface tout?
– Est-ce qu’ils sont…
Victor n’acheva pas sa question. Il venait de comprendre. Un moment, il se tint dans un silence glacé. Une bûche s’écroula dans le foyer avec un crépitement d’étincelles. Une braise sauta sur le tapis. Ils ne firent pas un geste pour l’étouffer. Elle s’éteignit doucement.
– Ils sont?…
Lombet haussa les épaules. La réponse était superflue. Beffe ne bougeait pas. Une artère battait à sa tempe. Il se tordait les doigts.
– Il faudrait peut-être… avança Lombet.
– Quoi?
– La police.
Victor se leva, fit quelques pas dans la pièce. Il déplaça un vase sur la commode. Il réaligna d’un coup de pied une bûche qui émergeait de la réserve flanquant la cheminée. Aux crispations de son visage, on devinait qu’il travaillait rudement à rassembler ses idées.
– La police? Oui… tout à l’heure. Allons-y d’abord. On verra ensuite.
Ils prirent la 4 x 4, qui tiendrait bien le cap sur le sol glissant. Le vent s’était levé. Aux passages en remblai, il donnait de grands coups de balai qui ne laissaient sur la route qu’une peau gelée piquée de noir. Dans les creux, il entassait des congères que la voiture ouvrait d’un front buté. Le véhicule effaré dérivait, et il fallait manœuvrer sans cesse pour le ramener dans sa trajectoire. Victor se concentrait dans son office. Il y avait de l’âpreté dans son profil, un mélange d’entêtement et de fureur rentrée qui durcissait encore des traits naturellement durs.
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