Le Tour du Monde; Scandinavie. Various
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À Kopsland, une dernière barrière ouvre sur de magnifiques prairies, arrosées par le Maan Elv, le même fleuve qui, après être tombé de neuf cents pieds au Rjukan, a traversé le lac Tinn, puis va se jeter, à Skien, dans la mer du Nord. Le Maan à cet endroit est fort large, toujours rapide et blanc d'écume. D'énormes sapins sont emportés avec une vitesse effrayante. Du reste, les bords du fleuve n'ont rien qui participe de la nature sévère et presque furieuse de ses eaux. Des massifs d'aulnes et de frênes s'étagent sur les dernières pentes des montagnes. Les prairies sont couvertes d'orchidées et de géraniums. Des bestiaux errent dans ces riches solitudes, conduits par quelque enfant à demi nu.
Deux petits chevaux commandés par les forbuds du matin nous attendaient dans le pré. Pendant qu'on les attelle, une misérable vieille en haillons nous adresse en chantant quelques paroles aiguës. Une poignée de shillings a peine à l'éloigner. Elle a l'œil hagard et l'on ne sait si les refrains qu'elle grince sont des malédictions ou des souhaits.
Interrogé sur cette apparition insolite, le skydskarl répond que c'est une sorcière. L'heure malheureusement ne prêtait point au fantastique. Le soleil brillait dans toute sa gloire; sans quoi, on eût pu se croire transporté au temps des anciennes «sagor» et des évocations nocturnes jetées aux quatre vents.
Après avoir côtoyé quelque temps le Maan, la route le traverse. Les carrioles descendent à pic sur une petite plage de sable.
Cinq ou six sapins bruts, liés en radeau par des cordes d'écorce attendent au rivage et deux vieux Télémarkiens, coiffés d'un bonnet rond, viennent prendre les carrioles. On en met une sur le radeau; puis, l'un de l'aviron, l'autre du croc, dirigent tant bien que mal, à travers les rapides et les bois flottés, l'édifice chancelant de ce bac improvisé.
Vient ensuite le tour de la deuxième carriole, puis enfin celui des voyageurs eux-mêmes et des skydskarls. On vacille en route, on a les pieds mouillés par l'écume du torrent, mais on passe. (De l'autre côté du fleuve est la blanche petite église de Grandherred, coquettement posée sur la rive.)
À l'autre bord, un coup de fouet au cheval: animal et voiture passent par-dessus le petit banc des rameurs, tombent dans l'eau, se relèvent, partent, et tout est dit.
Après deux heures de trot sur une belle route le long du fleuve, on arrive au lac Tinn où toute voie de communication cesse. À peine y a-t-il au pied des hautes falaises du lac la place du petit gaard de Tinoset et du jardin mal soigné qui l'entoure. Un vieillard en enfance, deux femmes d'une saleté repoussante habitent la chaumière. Leur faire entendre qu'on veut une barque pour traverser le lac et des chevaux pour le surlendemain à quatre heures du matin est tout un travail. Ils comprennent, mais font comme s'ils ne l'avaient point compris, et, comme les bateaux ne viennent point, nous en sommes réduits à nous coucher sur l'herbe, à l'ombre d'un magnifique pin, en vue du lac.
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