Meurtre au Manoir. Фиона Грейс
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C'était la tendance à New York – le divorce par consentement mutuel est bien plus simple, n’est-ce pas ? – mais ce “consentement mutuel” était un peu fort de café, du moins pour Lacey. Elle était la seule à blâmer d'après David. Trente-neuf ans, sans enfant et pas la moindre envie d'en avoir. Son horloge biologique ne l'avait jamais titillée malgré les bébés de leurs amis – le flot intarissable d’adorables poupons roses ne lui évoquaient strictement rien.
“T'es une vraie bombe,” avait lancé David un soir, en sirotant un verre de merlot.
En d'autres termes “Je ne donne pas cher de notre mariage”.
Lacey laissa échapper un profond soupir. Si elle avait su, en l'épousant à vingt-cinq ans, dans un tourbillon de confetti blancs et de bulles de champagne, que faire passer sa carrière avant la maternité lui reviendrait en plein visage …
Par consentement mutuel. Ha !
Elle se leva et prit un stylo dans le pot à crayons – elle avait l'impression de peser une tonne. Les choses avaient le mérite d'être claires. Envolé le David à la recherche perpétuelle de ses chaussures, ses clés, son portefeuille ou ses lunettes de soleil. Chaque chose était désormais à sa place. Tu parles d'une consolation.
Lacey se rassit sur son canapé, stylo en main, prête à signer sur la ligne pointillée mais resta le stylo en l'air, comme si une barrière invisible empêchait le stylo d’entrer en contact avec le papier. La “clause de pension alimentaire pour conjoint” attira son attention.
Perplexe, Lacey chercha la page en question et parcourut la clause. Disposant de revenus supérieurs à ceux de David et en tant que propriétaire de l'appartement qu'elle habitait dans l'Upper Eastside, elle devrait lui verser “une somme forfaitaire” pour “une durée de deux ans maximum,” afin qu'il “refasse” sa vie et “conserve un train de vie comparable.”
Lacey éclata de rire. C'était cocasse, David profitait de son poste, de cette carrière qui avait justement brisé leur mariage ! Tel n'était certes pas son point de vue. David voyait ça comme une “compensation”. Il prônait l’objectivité, l'équité, l'équilibre mais Lacey connaissait la valeur de l'argent. Châtiment. Vengeance. Représailles.
Et prends-toi ça dans la gueule.
La vue de Lacey se brouilla soudainement et une tache apparut sur son nom, diluant l'encre et gondolant le document. Une grosse larme qu'elle essuya rageusement d'un revers de main roula sur sa joue.
Je vais devoir changer de nom, pensa-t-elle devant le nom désormais illisible. Reprendre mon nom de jeune fille.
Adieu Lacey Fay Bishop. Terminé. Elle ne serait plus l'épouse de David Bishop une fois les documents signés. Elle redeviendrait Lacey Fay Doyle, une jeune femme de vingt ans dont elle se souvenait à peine.
Lacey avait été une Bishop durant les quatorze années de son mariage avec David, cela n'avait plus aucun sens. Son père avait quitté le foyer familial lorsqu'elle avait sept ans, au retour de charmantes vacances en famille, dans la ville balnéaire paradisiaque de Wilfordshire, en Angleterre. Elle ne l’avait plus jamais revu. Elle se revoyait manger une glace sur une plage sauvage et escarpée, balayée par le vent – et le lendemain, volatilisé.
Et voilà qu'elle vivait le même échec que ses parents ! Malgré toutes les larmes versées sur son père disparu, toutes ces insultes d’ado en colère contre sa mère, voilà qu'elle répétait les mêmes erreurs ! Elle avait foiré son mariage, comme ses parents avant elle. Seule différence, Lacey s'en tirait sans dommages collatéraux. Son divorce ne laisserait pas derrière elle deux petites filles désemparées et brisées.
Elle fixa de nouveau la fichue ligne pointillée qui attendait sa signature. Lacey hésitait, faisant un blocage sur son nouveau nom.
Je pourrais peut-être carrément laisser tomber mon nom de famille, pensa-t-elle, désabusée. Je pourrais m'appeler Lacey Fay, comme une pop star. Elle se sentit soudainement euphorique. Pourquoi m'arrêter en si bon chemin ? Je peux changer de nom pour quelques dollars. Je m'appellerai – elle scruta la pièce des yeux en quête d'inspiration et s'arrêta sur le café intact sur la table basse – Lacey Fay Cappuccino. Pourquoi pas ? Princesse Lacey Fay Cappuccino !
Elle rit à gorge déployée, les boucles noires et brillantes de son opulente chevelure cascadant dans son dos. Sa joie fut de courte durée, son rire s'arrêta comme il avait commencé. Le silence retomba dans l'appartement vide.
Lacey griffonna hâtivement sa signature au bas des documents. Alea jacta est.
Elle but une gorgée du cappuccino. Il était froid.
*
Lacey prit comme d'habitude le métro bondé pour se rendre au bureau, elle exerçait en tant qu’assistante décoratrice. Talons, sac à main, éviter tout contact visuel, Lacey ressemblait à n'importe quelle autre banlieusarde. Sauf que ce n’était pas le cas. Parmi les cinq-cents mille personnes qui empruntaient le métro new-yorkais à l’heure de pointe, elle était la seule, ce matin-là, à avoir reçu les documents notifiant son divorce—c'est ce qu’elle ressentait du moins. Bienvenue au Club des Divorcées.
Lacey sentaient les larmes monter. Elle secoua la tête et se força à penser à des moments agréables. Elle songea à Wilfordshire, la plage sauvage et paisible, l'air iodé de l'océan, du camion de glaces avec son horrible carillon, les frites toutes chaudes – des chips, avait dit Papa – servies dans une barquette en polystyrène avec une mini-fourchette en bois, les goélands essayaient de les lui piquer dès qu'elle tournait le dos. Elle repensa à ses parents, à ces jours heureux en vacances.
Etait-ce un mirage ? Elle n’avait que sept ans, sa sœur Naomi, quatre, et n’était pas en âge de mesurer les émotions tout en subtilité des adultes. Ses parents avaient manifestement bien caché leur jeu, tout se déroulait parfaitement bien jusqu'à ce que, du jour au lendemain, tout vole en éclats.
Ils avaient vraiment l’air heureux à l'époque, songea Lacey, il avait dû en être de même entre David et elle, vus de l'extérieur. C'était le cas : un bel appartement, des postes intéressants et bien payés, en bonne santé. Seul grand absent, ce désir d'enfant, devenu si important aux yeux de David. Le déclic s'était avéré presque aussi brutal que le départ de son père. C'était peut-être un problème typiquement masculin. Un éclair de lucidité, plus de retour arrière possible une fois la décision prise. Et puis le jeu de massacre avait commencé, et si on foutait tout en l'air, après tout ?
Lacey sortit du métro et se joignit à la foule qui se bousculait dans les rues de New York. Elle s’était toujours sentie chez elle à New York mais elle suffoquait. Elle avait toujours aimé cette effervescence, sans parler de son travail. New York était ses racines mais elle ressentait un désir impérieux de changement, un nouveau départ.
Elle prit son téléphone et appela Naomi avant d'arriver au bureau. Sa sœur répondit à la première sonnerie.
“Tout va bien, ma belle ?”
Naomi attendait avec anxiété les papiers du divorce, elle décrochât rapidement malgré l'heure matinale. Mais Lacey ne comptait pas parler divorce.
“Tu te souviens de Wilfordshire ?”
“Hein ?”
Naomi