Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449. Anonyme

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Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449 - Anonyme

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en leur chemise; povres prebstres qui n'avoient que leur chemise ou ung seurpeliz vestu, la teste toute descouverte, et en venant faisoient si grans pleurs, criz et lamentacions, en disant: «Dieu, gardez nous par vostre grace de desespoir, car huy au matin estions en nos maisons aises [et manans], et à medy ensuivant sommes comme gens en exil querans nostre pain.» Et en ce disant, les aucuns se pasmoient, les autres s'asseoient à terre si las et si doloreus que plus ne povoient; car moult avoient perdu aucuns de sang, les autres estoient moult affebliz de porter leurs enfans, car la journée estoit tres chaude et vaine. Et eussiez trouvé entre Paris et le Landit quelque iiic ou iiiic ainsi assiz, qui recordoient leurs grans douleurs et leurs grans pertes de chevances et d'amys, car pou y avoit personne qu'il neust aucun amy ou amye ou enffant demouré à Pontoyse. Si leur croissoit leur douleur tellement, quant il leur souvenoit de leurs amis qui estoient demourez entre ces crueulx tirans Angloys, que le povre cueur ne les povoit soustenir, car foibles estoient moult pour ce que encore n'avoit le plus beu ne mangé, et aucunes femmes grosses acoucherent en la fuite, qui tost après moururent; et n'est nul si dur cueur qui eust veu leur grant desconfort qui se fust tenu de plourer ou larmoier. Et [toute] la sepmaine ensuivant ne finerent que de ainsi venir, [que] de Pontoise [que] des villaiges d'entour, et estoient parmy Paris moult esbahiz à grans tropeaulx. Car [toute] vitaille estoit moult chere, especialment pain et vin, [car on n'avoit point de vin] qui riens vaulsist, pour moins de viii deniers la pinte; ung petit pain blanc viii deniers parisis; les autres choses de quoy homme povoit vivre, par cas pareil.

      257. Item, le peuple de Paris estoit moult esmerveillé du roy et du duc de Bourgongne, que, quant Pontoise fut prinse, comme dit est, ilz estoient à Sainct-Denis bien acompaignez de gens d'armes [561], et ne firent aucun secours à ceulx de Pontoise, ains vuyderent l'endemain le bagaige et allerent au pont de Charenthon, et de là à Laingny, et passerent au plus pres de Paris sans entrer ens, dont [tout] le peuple [de Paris] fut moult esbahi [562] et se tint pour mal comptent; car il sembloit proprement que tous s'en fouissent devant les Angloys, qu'ilz eussent grant haine à ceulx de Paris et du royaulme; car en ce temps n'avoyt chevalier de renon d'armes à Paris, ne cappitaine nul [563], non plus que le prevost de Paris et cellui des marchans, qui n'avoient pas acoustumé à mener fait de guerre. Et pour ce les Anglois, qui savoient bien que à Paris n'avoit que la commune, car touzjours avoient-ilz des amys à Paris et ailleurs, vindrent la vigille Sainct Laurens [564] ensuivant devant Paris jusques auprès de Paris [565], sans ce que nulz leur contredeist; mais assaillir n'oserent Paris pour la commune, qui tantost se misdrent sur les murs pour deffendre la ville, et fussent voulentiers ladicte commune aux champs yssue, mais les gouverneurs ne voldrent laisser homme yssir. Quant ce virent les Angloys, ilz s'en allerent pillant, tuant, robant, prenant gens à rançon, et le lendemain, jour Sainct Laurens, revindrent faire une cource jusques devant Paris, et s'en retournerent vers Pontoise.

      258. Item, ce jour Sainct Laurens, tonna et esparty le plus terriblement et le plus longuement que on eust veu d'aage de homme, et plut à la value, car celle tempeste dura plus de quatre heures sans cesser. Ainsi estoit le monde en doubte de la guerre Nostre Seigneur et de celle de l'ennemy.

      259. Item, [environ] XII jours après, commencerent [les bouchers] derechief à refaire la grant boucherie. En ce temps n'estoit nouvelle fors que du mal que les Angloys faisoient en France, car de jour en jour gangnoient villes et chasteaux, et minoient tout le royaume de France de chevance et gens, et tout envoyoient en Engleterre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . [566]

      260. .....comment, et [567] les grans [568] signeurs de France prins des Angloys tout par orgueil, faire sacrilege c foys le jour, violer eglises, menger char au vendredi [à cuire], efforcer filles et femmes et dames de religion, rostir hommes et enfans; brief, je croy que les tyrans de Romme, comme Neron, Dio(c)lecian, Dacien et les autres ne firent oncques la tyrannie qu'ilz font et ont fait. Tous ces fais devantdiz de pardurable perdicion que chascun scet, estoient tous mis à nyant, quant à la justice corporelle, de la divine je me teys, quant la deesse de Discorde et son pere Sathan, à qui ilz sont, leur fist la faulce traïson doloreuse faire, dont tout le royaulme est à perdicion, se Dieu n'en a pitié [ou] y vueille de sa grace [ouvrer], qu'ilz soient en tel estat qu'ilz le veullent cognoistre et qu'ilz ne puissent nuire à nulli, comme ilz ont fait le temps passé, car par leurs [faiz] oultraigeux devantdiz meurent de fain les gens aux champs et à la ville, et de froit. Car aussitost qu'ilz orent fait leur dampnable voulenté du bon duc [569], tous ceulx des garnisons coururent çà et là, pillant, robant, rançonnant, boutant feus, par quoy tout enchery tellement [570] que le blé, qui ne valloit que XL solz [571] parisis, valu tantost après VI ou VII frans; [ung sextier de pois ou de febves X ou XII frans]; frommaige, œufs, beurre, aulx, ongnons, buche, char, bref toutes choses de quoy gens et bestes [et enffans] povoient vivre, encherirent tellement que tres petite buche valloit III frans le cent [572]. Et pour celle charté fut ordonné le boys de Vicennes à estre coppé, et costoit le molle XVI ou XVIII solz parisis, et n'en avoit on que XXXII pour molle; une somme de charbon, III frans, que on avoit eue autres foys [aussi bonne] pour V ou pour VI solz.

      261. Item, les petis enfens ne mengeoient point de lait, car pinte coustoit X deniers ou XII. Certes, en ycellui temps pouvres gens ne mengeoient ne char ne gresse, car ung petit enffant eust bien mengé pour III blans de char à son repas. La pinte de bon sain doulx, IIII ou V solz parisis; ung pié de mouton, IIII deniers; ung pié de beuf, VII blans, et les trippes à la vallue; beurre sallé, IIII solz; ung œuf, VIII deniers; ung petit frommaige, VII solz parisis; une paire de soulliers à homme, VIII solz parisis; ungs patins, VIII blans; brief et toutes autres choses quelxconques estoient [encheries] pour la mort du bon duc, et se ne gaignoit on denier. Et si ne valloit rien la monnoye blanche [573], car ung blanc de XVI deniers ne valloit pas plus de III deniers parisis en argent, et ung escu d'or du temps passé valloit XXXVIII solz parisis [574]; [pour] ung marc d'argent, XIIII frans [575]. Et pour ce point, pour la feible monnoye, ne venoit point de marchandise à Paris, et si estoient les Angloys tous les jours jusques aux portes de Paris, s'ilz vouloient, et les Arminaz d'autre costé, qui estoient aussi mauvays; et alloit chascun II ou III foys la sepmaine au guet, une foys parmy la ville, l'autre foys sur les eschifflez [576]; et si estoit le fin cueur de l'yver, et touzjours plevoyt et faisoit tres froit [577]. Et furent les vendenges celle année, l'an mil IIIIc XIX, les plus ordes [et pluvieuses], les raisins pouris, les plus feibles vins que on eust oncques veu d'aage de homme, et si cousta celle année IIII foys plus qu'ilz n'avoient fait d'aage de homme qui fust en vie, et tout par les maulx qu'ilz faisoient partout; car, pour certain qui avoit à V ou VI lieues près de Paris, la queue lui coustoit V ou VI frans tant seullement à admener, et en convoy de gens d'armes à une lieue pres de Paris, XVI ou XX solz parisis, sans vendenger, labourer, reloyer, autre despence. Et quant tout ot esté vendengé et recuilli, ilz n'orent ne force ne vertu, ne couleur, et n'en estoit gueres ou pou qui sentissent se non le pourry; car le plus n'avoient point esté ordonnez en vendenges à leur droit, pour la paour que on avoit des dessusdiz, et pour la doubte que on avoit tout temps de leur traïson. La nuyt de la saincte feste de Toussaint, oncques [on] ne sonna à Paris pour les trespassez, comme coustume est, se non guare-feu; et neantmoins toutes ces pouvretez, miseres et doleurs, oncques à pape ne à emperiere, n'à roy, n'à duc, si comme je croy, on ne fist autant de service après leur trespassement, n'aussi solempnel en une cité, comme on a fait pour le bon duc de Bourgongne, à qui Dieu pardoint.

      262. Item, à Nostre-Dame de Paris fut fait le jour Sainct Michel le plus piteusement que faire se pot, et y avoit ou moustier iii mil libvres de cire, toutes en cierges et en torches; et là ot ung moult piteux sermon que fist le recteur de l'Université, nommé maistre Jehan l'Archer [578]. Et après ce le firent toutes les parroisses de Paris [et toutes les confraries de Paris] l'une après l'autre, et partout faisoit-on la presentacion de grans cierges et de grans torches, et estoient les moustiers encourtinez de noyres sarges. Et chantoit on le Subvenite des Mors et vigilles à neuf pseaulmes, et par tous les moustiers estoient après mis [les armes] [579] du bon duc trespassé et du sire de Novaille [580] qui fut mort avec luy, dont Dieu vueille avoir les ames et de tous les autres trespassez, et vueille donner grace à nous et à toute ceste gent de le congnoistre, comme nous devons,

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