Comte du Pape. Hector Malot

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Comte du Pape - Hector Malot

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qu'avait prise le jeune prince ne rendait pas la tâche facile.

      Il s'était assis sur un fauteuil, et les jambes allongées, la tête renversée, il promenait tout autour du salon un regard dédaigneux et ennuyé.

      Comment aller à lui? Sous quel prétexte?

      Cependant Aurélien, venant à la fenêtre près de laquelle Michel s'était installé, se rapprocha peu à peu du siége que celui-ci occupait.

      Il importait de ne pas s'exposer à une rebuffade et de procéder sagement.

      Comme il cherchait cette façon de procéder, le prêtre qui tournait si légèrement sur ses talons vint à son tour dans l'embrasure de la fenêtre et se mit à regarder au loin par-dessus la ville, dans la direction où les yeux d'Aurélien semblaient dirigés.

      Puis se tournant vers celui-ci:

      —Est-ce que ces montagnes là-bas, tout au loin, ne sont pas les montagnes des Abruzzes? dit-il.

      —Je le pense, dit Aurélien.

      Il se fit un silence; puis bientôt le prêtre reprit:

      —Cette longue galerie qui paraît se diriger vers le château Saint-Ange, c'est le corridor d'Alexandre VI, n'est-ce pas?

      —Je le crois, dit Aurélien.

      —C'était là une utile précaution.

      Mais Aurélien ne répondit pas et colla son nez contre la vitre.

      Après avoir regardé un moment la ville et la campagne, comme s'il les voyait pour la première fois, le prêtre tourna de nouveau sur ses talons et rejoignit ses deux compagnons.

      Alors Aurélien abandonna sa contemplation pour se rapprocher un peu plus de Michel, il avait trouvé son entrée en matière, et il pouvait l'aborder. Mais Michel qui s'était levé, le prévint.

      —Pardon, monsieur, dit-il à voix basse, est-ce que cet abbé ne vous demandait pas si cette galerie n'était pas le corridor d'Alexandre VI?

      —Oui, monsieur.

      —Ah! elle est bien bonne!

      —Pourquoi donc?

      —Parce que ce monsieur, qui paraît ne pas connaître Rome, est un chanoine de Saint-Pierre.

      Et Michel se mit à rire à mi-voix.

      —Mais vous n'avez pas répondu, et il en a été pour ses frais d'amabilité.

      Puis, riant toujours, il allait regagner son siége, lorsque Aurélien l'arrêta.

      —Voulez-vous me permettre, prince, d'aller au devant d'une formalité qui s'accomplirait dans quelques jours?

      —Vous me connaissez, monsieur.

      —Et je vous demande la permission de me faire connaître moi-même: ma mère a eu l'honneur de vous rencontrer dernièrement chez madame votre mère: Aurélien Prétavoine.

      —Ah! oui, dit Michel après avoir cherché un moment; madame Prétavoine, de Condé-le-Châtel; je me rappelle parfaitement. Alors, monsieur, vous êtes un ami de ma petite soeur?

      —J'ai cet honneur.

      —Enchanté de faire votre connaissance, monsieur.

      Et il tendit la main à Aurélien.

       Table des matières

      Enfin la connaissance était faite.

      Mais cette banale poignée de main n'était pas pour Aurélien un engagement suffisant, et il importait qu'en cette première rencontre des relations plus solides s'établissent entre lui et le frère de Bérengère.

      —Est-ce que le Saint-Père reçoit à l'heure précise fixée par la lettre d'audience? demanda-t-il.

      —Ma foi, je n'en sais rien, c'est la première fois que je viens ici.

      —Ah! vraiment.

      —Cela vous paraît drôle que je n'aie pas encore vu le pape; cela est, cependant. D'ailleurs, il me semble que c'est souvent ainsi que les choses se passent; les habitants d'une ville n'ont jamais vu les curiosités de leur pays que tous les étrangers connaissent. Enfin ça devenait ridicule de n'être pas encore venu au Vatican. J'ai fini par faire demander une lettre d'audience, et me voilà.

      —Alors vous ne connaissez pas les habitudes pontificales?

      —Pas plus que vous; seulement il me semble que l'exactitude est la politesse des souverains; c'est comme cela qu'on dit, n'est-ce pas? Et pour le moment je voudrais bien qu'il en fût ainsi, car je n'ai pas déjeuné.

      Aurélien arrêta ce mot au passage.

      —Il est de fait que moi aussi je commence à avoir faim.

      Cela n'était peut-être pas très-exact, car il avait déjeuné avant de monter en voiture; mais c'était un jalon qu'il pouvait être utile de planter dès maintenant.

      —Enfin, continua Michel, espérons que le pape va bientôt nous recevoir.

      Aurélien ne répondit pas, mais tout bas il fit des voeux pour que ce moment n'arrivât pas de si tôt.

      Tout en parlant, Michel avait atteint sa lettre d'audience pour voir de nouveau l'heure qu'elle fixait.

      —Elle porte bien onze heures, dit-il.

      Puis, du corps de la lettre, ses yeux allèrent à une note imprimée en marge.

      Alors, montrant cette note à Aurélien, il lut en traduisant:

      «Les dames seront reçues en robe noire, avec un voile sur la tête, et les hommes en uniforme ou en frac noir et en cravate blanche.»

      Et se mettant à rire:

      —Est-ce que ces exigences ne sont pas étranges chez le vicaire de celui qui a voulu naître dans une étable? dit-il.

      Avec tout autre, Aurélien aurait vertement relevé cette observation inconvenante, mais avec Michel, il garda un silence prudent; à quoi bon engager une discussion qu'il n'aurait pas la liberté de mener à bonne fin?

      —Pendant qu'on prenait ces précautions d'étiquette, continua Michel, on aurait bien dû parler des gants: voilà deux Français, là-bas, qui vont s'attirer des observations de quelque majordome, parce qu'ils sont irréprochablement gantés; pourquoi n'avoir pas dit qu'on ne paraît plus ganté devant le Saint-Père depuis que Colonna mit sa main gantée sur la joue d'un pape, lequel gant, au lieu d'être en chevreau, était en fer.

      Cette fois

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