Mémoires sur la vie publique et privée de Fouquet. Divers Auteurs
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«M. le duc d'Orléans a souhaité de me voir; j'ai été une bonne heure avec lui; j'ai trouvé seulement qu'il a un peu insisté sur les troupes[306], disant qu'il ne voulait que sortir honorablement de cette affaire. Je lui ai dit que, quand même on les accorderait, elles seraient cassées au premier jour. Il a ajouté que, si l'on en réformait d'autres, il consentait que celles-là le fussent aussi. Il m'a dit qu'il n'était point d'avis que l'on mit par un article séparé, que M. de Beaufort sortirait de Paris; qu'il lui ferait faire ce qu'il trouverait juste; que, pour le parlement, il serait bien aise que la réunion[307] se fit de manière qu'elle ne blessât point l'autorité[T.I pag.169] du roi; mais qu'il serait bien aise que le parlement ne fût pas mal satisfait de lui. Et par-dessus, M. de Chavigny m'a assuré que, quand M. le Prince ne s'accommoderait point, Monsieur s'accommoderait. J'ai vu qu'il voulait être médiateur entre la cour et M. le Prince, ayant voulu entrer dans le détail de tous les articles. Nous aurons contentement, pourvu qu'il ne vienne point de faux jours à travers qui détournent M. le duc d'Orléans. Tous les amis de M. le Prince approuvent les propositions de la manière dont la cour souhaite qu'elles passent. J'espère une trêve dès demain. Il y a une chose que M. de Chavigny me propose: c'est que M. le duc d'Orléans aurait peine à consentir que M. le cardinal fût nommé dans l'amnistie; qu'il était bon que l'on cassât tous les arrêts qui ont été donnés, et que M. le cardinal fût justifié par une déclaration particulière, et la raison de cela est qu'il fallait que Monsieur reçût l'amnistie, et qu'il aimait mieux solliciter secrètement la justification.
«Autant que je puis conjecturer, les affaires réussiront bien. Peut-être demandera-t-on quelque argent pour le rétablissement de Taillebourg[308]. Quant à Jarzé[309], n'ayant ordre de rien accorder, je me tiendrai ferme là-dessus. M. de Broussel s'est démis de la prévoie des marchands et s'en est repenti deux heures après, et, sur ce repentir, M. le duc d'Orléans demanda à M. de[T.I pag.170] Chavigny ce qu'il, avait à faire. Il lui répondit: Il s'en est démis, sans vous en parler; parlez-lui en, sans le rétablir. Si les affaires s'échauffent un peu, c'est un homme que je vois bien qu'on pourra accabler.
«Le cardinal de Retz fut hier deux heures avec M. de Lorraine, et lui fit espérer de grands avantages, s'il se voulait lier avec lui, et dit en même temps qu'il a fait avertir les têtes de papier (c'est ainsi que l'on nomme la nouvelle union), qu'il gouvernait tout à la cour, et qu'ils ne réussiraient jamais s'ils ne le demandaient pour leur chef[310]. Sur ce, la plupart me sont venus demander avis; je leur ai dit qu'il était bon d'avoir des gens de guerre à leur tôle; qu'il fallait faire beaucoup de civilités au cardinal de Retz, et même, s'il a des amis, lui demander secours; mais que, pour suivre ses ordres, cela n'était pas nécessaire. Demain, à dix heures du matin, j'aurai la dernière résolution de toutes choses. M. le Prince, si la paix ne se conclut point, ne voyant plus de sûreté pour lui dans Paris, emmènera son armée. Il est nécessaire que l'on nous envoie des placards imprimés.»
Le lendemain, 26 septembre, l'abbé Fouquet, après être resté trois heures en conférence avec Goulas et avoir pris les derniers arrangements, se mit en route pour rejoindre la cour[311].
Le parti royaliste introduisit dans Paris une centaine d'hommes résolus, soldats déguisés, qui devaient se[T.I pag.171] porter aux dernières violences contre les frondeurs obstinés[312]. Si l'on ajoute à ces négociations et à ces agitations intérieures les succès de l'armée de Turenne campée à Villeneuve-Saint-Georges, l'approche de la cour, qui s'établit à Pontoise, la maladie et le découragement du prince de Condé, on comprendra que la Fronde expirait, et qu'il ne s'agissait plus que de lui porter les derniers coups. Un incident en retarda la ruine. La lettre de l'abbé Fouquet, que nous venons de citer, fut interceptée[313], et le duc d'Orléans, pour ne pas rompre ouvertement avec le prince de Condé, suspendit pendant quelque temps les négociations avec Mazarin.[T.I pag.172]
CHAPITRE X
—OCTOBRE 1652—
L'abbé Fouquet s'obstine à continuer les négociations avec les princes.—Sa passion pour la duchesse de Châtillon.—Mazarin l'avertit vainement que le prince de Condé ne veut pas traiter sérieusement avec la cour (5 octobre).—Il lui conseille de s'attacher à séparer le duc d'Orléans de Condé.—L'intérêt véritable du roi conseille de repousser les demandes de ce dernier.—Mazarin revient avec plus d'insistance sur les mêmes idées (9 octobre); il sait positivement que Condé est entré dans de nouveaux engagements avec les Espagnols et leur a promis de ne pas traiter avec la France.—Madame de Châtillon est également dévouée aux Espagnols.—Plaintes de Mazarin sur la prolongation de son exil; il espère que le procureur général, Nicolas Fouquet, déterminera le parlement de Pontoise à proclamer son innocence.—Il engage l'abbé Fouquet à profiter de la rupture entre le prince de Condé et Chavigny pour assurer le succès des négociations avec le duc d'Orléans.—Violence de Condé envers Chavigny; maladie et mort de ce dernier (11 octobre).—Erreurs de Saint-Simon dans le récit de ces faits.—Attaques dirigées à la cour contre l'abbé Fouquet; on lui enlève la direction des négociations avec les princes.—Le procureur-général, Nicolas Fouquet, se plaint vivement à Mazarin de la conduite des ministres qui entourent la reine et de la rupture des négociations.—Il pense que l'on devrait profiter de la bonne disposition des Parisiens pour ramener le roi dans son Louvre.—Le parlement siégeant à Pontoise est tout entier de cet avis, et c'est en son nom qu'écrit le procureur général.
Lorsque l'abbé Fouquet, qui s'était rendu à Compiègne avec les dernières conditions des princes, fut de retour à Paris, il trouva le duc d'Orléans plus froid. Les[T.I pag.173] princes exigeaient de nouvelles garanties, et il était facile de reconnaître que le traité était ajourné. Cependant l'abbé, qui portait dans la conduite des affaires plus d'ardeur que de prudence, ne se découragea pas. Il était d'ailleurs entraîné dans cette circonstance par un autre sentiment. La duchesse de Châtillon, qui était toujours chargée de soutenir les intérêts de Condé, avait un charme irrésistible pour l'abbé Fouquet, et cette passion ne lui laissait plus toute sa liberté d'esprit pour discerner la vérité. Mazarin lui répétait vainement que le prince de Coudé ne voulait pas traiter sérieusement, et qu'il en donnait aux Espagnols des assurances positives. «Il est aisé à voir, lui écrivait-il encore le 5 octobre, que M. le Prince se moque de nous et n'a nulle envie de conclure. Vous vous étiez très-bien conduit à l'égard de S.A.R. (Gaston d'Orléans), et vous aviez mis les choses au point que nous pouvions souhaiter, pour nous assurer de S.A.R., de ceux qui étaient de la conférence et des autres, en cas que M. le Prince ne se fut pus satisfait des conditions que vous lui portiez, comme son Altesse Royale et les autres vous témoignent de croire qu'il le devrait être. Mais je crains que le malheur de votre dépêche, qui a été interceptée, n'empêche que nous ne recevions pas du côté de S.A.R. tous les avantages que nous pouvions raisonnablement attendre. «Je veux croire néanmoins que l'on trouvera quelque expédient pour tout réparer, et que vous n'oublierez rien auprès de M. de Choisy[314] et de M. Goulas, qui témoignent[T.I