LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан

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du vent qu’il faut recourir pour expliquer ce nouveau miracle.

      Ainsi, les premières heures, nous sentîmesnous suivis, escortés, précédés même par cette voix lointaine qui, de temps en temps, chuchotait à l’un de nous quelques paroles de là-bas. Deux amis me parlèrent. Dix autres, vingt autres nous envoyèrent à tous, à travers l’espace, leurs adieux attristés ou souriants.

      Or, le second jour, à cinq cents milles des côtes françaises, par un après-midi orageux, le télégraphe sans fil nous transmettait une dépêche dont voici la teneur :

      « Arsène Lupin à votre bord, première classe, cheveux blonds, blessure avant-bras droit, voyage seul, sous le nom de R… »

      À ce moment précis, un coup de tonnerre violent éclata dans le ciel sombre. Les ondes électriques furent interrompues. Le reste de la dépêche ne nous parvint pas. Du nom sous lequel se cachait Arsène Lupin, on ne sut que l’initiale.

      S’il se fût agi de toute autre nouvelle, je ne doute point que le secret en eût été scrupuleusement gardé par les employés du poste télégraphique, ainsi que par le commissaire du bord et par le commandant. Mais il est de ces événements qui semblent forcer la discrétion la plus rigoureuse. Le jour même, sans qu’on pût dire comment la chose avait été ébruitée, nous savions tous que le fameux Arsène Lupin se cachait parmi nous.

      Arsène Lupin parmi nous ! L’insaisissable cambrioleur dont on racontait les prouesses dans tous les journaux depuis des mois ! L’énigmatique personnage avec qui le vieux Ganimard, notre meilleur policier, avait engagé ce duel à mort dont les péripéties se déroulaient de façon si pittoresque ! Arsène Lupin, le fantaisiste gentleman qui n’opère que dans les châteaux et les salons, et qui, une nuit, où il avait pénétré chez le baron Schormann, en était parti les mains vides et avait laissé sa carte, ornée de cette formule : « Arsène Lupin, gentlemancambrioleur, reviendra quand les meubles seront authentiques. » Arsène Lupin, l’homme aux mille déguisements : tour à tour chauffeur, ténor, bookmaker, fils de famille, adolescent, vieillard, commis-voyageur marseillais, médecin russe, torero espagnol !

      Qu’on se rende bien compte de ceci : Arsène Lupin allant et venant dans le cadre relativement restreint d’un transatlantique, que dis-je ! Dans ce petit coin des premières où l’on se retrouvait à tout instant, dans cette salle à manger, dans ce salon, dans ce fumoir ! Arsène Lupin, c’était peut-être ce monsieur… ou celui-là… mon voisin de table… mon compagnon de cabine…

      – Et cela va durer encore cinq fois vingt-quatre heures ! s’écria le lendemain miss Nelly Underdown, mais c’est intolérable ! J’espère bien qu’on va l’arrêter.

      Et s’adressant à moi :

      – Voyons, vous, monsieur d’Andrésy, qui êtes déjà au mieux avec le commandant, vous ne savez rien ?

      J’aurais bien voulu savoir quelque chose pour plaire à miss Nelly ! C’était une de ces magnifiques créatures qui, partout où elles sont, occupent aussitôt la place la plus en vue. Leur beauté autant que leur fortune éblouit. Elles ont une cour, des fervents, des enthousiastes.

      Élevée à Paris par une mère française, elle rejoignait son père, le richissime Underdown, de Chicago. Une de ses amies, lady Jerland, l’accompagnait.

      Dès la première heure, j’avais posé ma candidature de flirt. Mais dans l’intimité rapide du voyage, tout de suite son charme m’avait troublé, et je me sentais un peu trop ému pour un flirt quand ses grands yeux noirs rencontraient les miens. Cependant, elle accueillait mes hommages avec une certaine faveur. Elle daignait rire de mes bons mots et s’intéresser à mes anecdotes. Une vague sympathie semblait répondre à l’empressement que je lui témoignais.

      Un seul rival peut-être m’eût inquiété, un assez beau garçon, élégant, réservé, dont elle paraissait quelquefois préférer l’humeur taciturne à mes façons plus « en dehors » de Parisien.

      Il faisait justement partie du groupe d’admirateurs qui entourait miss Nelly, lorsqu’elle m’interrogea. Nous étions sur le pont, agréablement installés dans des rocking-chairs. L’orage de la veille avait éclairci le ciel. L’heure était délicieuse.

      – Je ne sais rien de précis, mademoiselle, lui répondis-je, mais est-il impossible de conduire nous-mêmes notre enquête, tout aussi bien que le ferait le vieux Ganimard, l’ennemi personnel d’Arsène Lupin ?

      – Oh ! Oh ! Vous vous avancez beaucoup !

      – En quoi donc ? Le problème est-il si compliqué ?

      – Très compliqué.

      – C’est que vous oubliez les éléments que nous avons pour le résoudre.

      – Quels éléments ?

      – 1. Lupin se fait appeler monsieur R…

      – Signalement un peu vague.

      – 2. Il voyage seul.

      – Si cette particularité vous suffit.

      – 3. Il est blond.

      – Et alors ?

      – Alors nous n’avons plus qu’à consulter la liste des passagers et à procéder par élimination.

      J’avais cette liste dans ma poche. Je la pris et la parcourus.

      – Je note d’abord qu’il n’y a que treize personnes que leur initiale désigne à notre attention.

      – Treize seulement ?

      – En première classe, oui. Sur ces treize messieurs R…, comme vous pouvez vous en assurer, neuf sont accompagnés de femmes, d’enfants ou de domestiques. Restent quatre personnages isolés : le marquis de Raverdan…

      – Secrétaire d’ambassade, interrompit miss Nelly, je le connais.

      – Le major Rawson…

      – C’est mon oncle, dit quelqu’un.

      – M. Rivolta…

      – Présent, s’écria l’un de nous, un Italien dont la figure disparaissait sous une barbe du plus beau noir.

      Miss Nelly éclata de rire.

      – Monsieur n’est pas précisément blond.

      – Alors, repris-je, nous sommes obligés de conclure que le coupable est le dernier de la liste.

      – C’est-à-dire ?

      – C’est-à-dire M. Rozaine. Quelqu’un connaît-il M. Rozaine ?

      On se tut. Mais miss Nelly, interpellant le jeune homme taciturne dont l’assiduité près d’elle me tourmentait, lui dit :

      – Eh bien, monsieur Rozaine, vous ne répondez pas ?

      On tourna les yeux vers lui. Il était blond.

      Avouons-le, je sentis comme un petit choc au fond de moi. Et le silence gêné qui pesa sur nous m’indiqua

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