Le Cabinet des Fées. Anonyme
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--Est-ce vous, lui dit-il, qui logez au fond de cette allée obscure, dans la troisième basse-cour de la métairie?
--Oui, seigneur, répondit-elle.
--Montrez-moi votre main, dit-il en tremblant et poussant un profond soupir.
Dame! qui fut bien surpris? Ce furent le roi et la reine, ainsi que tous les chambellans et les grands de la cour, lorsque de dessous cette peau noire et crasseuse sortit une petite main délicate, blanche et couleur de rose, où la bague s'ajusta sans peine au plus joli petit doigt du monde; et, par un petit mouvement que l'infante se donna, la peau tomba: elle parut d'une beauté si ravissante, que le prince, tout faible qu'il était, se mit à ses genoux et les serra avec une ardeur qui la fit rougir; mais on ne s'en aperçut presque pas, parce que le roi et la reine vinrent l'embrasser de toute leur force, et lui demander si elle voulait bien épouser leur fils.
La princesse, confuse de tant de caresses et de l'amour que lui marquait ce beau jeune prince, allait cependant les en remercier, lorsque le plafond du salon s'ouvrit, et que la fée des Lilas, descendant dans un char fait de branches et de fleurs de son nom, conta, avec une grâce infinie, l'histoire de l'infante. Le roi et la reine, charmés de voir que Peau d'Ane était une grande princesse, redoublèrent leurs caresses; mais le prince fut encore plus sensible à la vertu de la princesse; et son amour s'accrut par cette connaissance.
L'impatience du prince pour épouser la princesse fut telle, qu'à peine donna-t-il le temps 13 de faire les préparatifs convenables pour cet auguste hyménée. Le roi et la reine, qui étaient affolés 14 de leur belle-fille, lui faisaient mille caresses et la tenaient incessamment dans leurs bras; elle avait déclaré qu'elle ne pouvait épouser le prince sans le consentement du roi son père: aussi fut-il le premier auquel on envoya une invitation, sans lui dire quelle était l'épousée; la fée des Lilas, qui présidait à tout, comme de raison, l'avait exigé, à cause des conséquences.
Il vint des rois de tous les pays: les uns en chaise à porteurs, d'autres en cabriolet; les plus éloignés montés sur des éléphants, sur des tigres, sur des aigles; mais le plus magnifique et le plus puissant fut le père de l'infante, qui heureusement avait oublié son amour déréglé, et avait épousé une reine veuve fort belle. L'infante courut au-devant de lui: il la reconnut aussitôt, et l'embrassa avec une grande tendresse avant qu'elle eût eu le temps de se jeter à ses genoux. Le roi et la reine lui présentèrent leur fils, qu'il combla d'amitié. Les noces se firent avec toute la pompe imaginable. Les jeunes époux, peu sensibles à ces magnificences, ne virent et ne regardèrent qu'eux.
Le roi, père du prince, fit couronner son fils ce même jour; et, lui baisant la main, le plaça sur son trône, malgré la résistance de ce fils bien né: mais il lui fallut obéir. Les fêtes de cet illustre mariage durèrent près de trois mois; mais l'amour de ces deux époux durerait encore, tant ils s'aimaient, s'ils n'étaient pas morts cent ans après.
Note 1: (retour) Trouvez bon, allow me.
Note 2: (retour) Vacarme, noise.
Note 3: (retour) traita de babiole, called a whim-wham.
Note 4: (retour) Une oeuvre pie, a godly act.
Note 5: (retour) Aveu, consent.
Note 6: (retour) entre ordonner et l'apporter, between the order and the delivering of the same.
Note 7: (retour) S'affubla, wrapped herself.
Note 8: (retour) à la quête, in search of.
Note 9: (retour) souillon, a scullion.
Note 10: (retour) valetaille, inferior servant.
Note 11: (retour) Vint y descendre, went there.
Note 12: (retour) Elles eurent beau toutes s'amenuiser les doigts, it was in vain they endeavored to put their fingers smaller.
Note 13: (retour) À peine donna-t-il le temps, scarcely did he give the time.
Note 14: (retour) affolés, extremely fond of.
L'OISEAU BLEU.
Il était une fois un roi fort riche en terres et en argent; sa femme mourut, il en fut inconsolable. Il s'enferma huit jours entiers dans un petit cabinet, où il se cassait la tête contre les murs, tant il était affligé. On craignit qu'il ne se tuât: on mit des matelas entre la tapisserie et la muraille; de sorte qu'il avait beau se frapper, il ne se faisait plus de mal. Tous ses sujets résolurent entre eux de l'aller voir, et de lui dire ce qu'ils pourraient de plus propre à soulager sa tristesse. Les uns préparaient des discours graves et sérieux, d'autres d'agréables, et même de réjouissants; mais cela ne faisait aucune impression sur son esprit: à peine entendait-il ce qu'on lui disait. Enfin, il se présenta devant lui une femme si couverte de crêpes noirs, de voiles, de longs habits de deuil, et qui pleurait et sanglotait si fort et si haut, qu'il en demeura surpris. Elle lui dit qu'elle n'entreprenait point comme les autres de diminuer sa douleur, qu'elle venait pour l'augmenter, parce que rien n'était plus juste que de pleurer une bonne femme; que pour elle, qui avait eu le meilleur de tous les maris, elle faisait bien son compte de pleurer tant qu'il lui resterait des yeux à la tête. La-dessus elle redoubla ses cris, et le roi, à son exemple, se mit à hurler. 1
Il la reçut mieux que les autres; il l'entretint 2 des belles qualités de sa chère défunte, et elle renchérit 3 sur celles de son cher défunt: ils causèrent tant et tant, qu'ils ne savaient plus que dire sur leur douleur. Quand la fine veuve vit la matière 4 presque épuisée, elle leva un peu ses voiles, et le roi affligé se récréa la vue à regarder cette pauvre affligée, qui tournait et retournait fort à propos deux grands yeux bleus, bordés de longues paupières noires: son teint était assez fleuri. Le roi la considéra avec beaucoup d'attention; peu à peu il parla