Cadio. George Sand
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LOUISE. Vous avez sa parole... et la mienne! A demain, monsieur!
SAINT-GUELTAS, (tendrement.) A demain! (à part) ou à tout à l'heure!
LE COMTE, (le saluant.) Au revoir, monsieur le marquis!
SAINT-GUELTAS. Au revoir, monsieur le comte! (Il le salue profondément, regarde Louise avec passion, baise le brassard et se retire en faisant signe à Raboisson, qui le suit.)
LE COMTE, (à Mézières.) Fais tout préparer pour le départ. Il faut que nous soyons hors d'ici dans une heure. (Mézières sort.)
LA TESSONNIÈRE. Dans une heure! vous n'aurez pas le temps d'emporter vos meubles. Songez donc que les républicains viendront piller ici dès qu'ils sauront la folie que nous faisons!
LE COMTE. Ils feront peut-être pis!--Ah! ma fille! dis adieu à ton berceau!
LOUISE. Je suis résignée à tout, mon père! J'ai tout prévu; et pardonnez-moi la fièvre de joie que je ressens. Enfin vous voilà rendu à vous-même! (Elle l'embrasse.) Nous ne ferons plus qu'une âme et un coeur...
LE COMTE. Et Henri!... tu ne songes pas à lui?
LOUISE. Votre exemple le décidera. En apprenant vos dangers, il accourra pour vous couvrir de son corps... S'il ne le faisait pas, je le mépriserais!... Ah! c'est Dieu qui le veut, allez! Partons, partons! je vais donner des ordres.
LA TESSONNIÈRE. Songez à une voiture... On me permettra bien de marcher avec les femmes... pour les défendre?
LOUISE. Je monterai à cheval, mon ami; vous, vous irez en voiture avec ma tante.
ROXANE, (entrant.) Où donc?
LOUISE. A la guerre! Réjouissez-vous, nous servons le roi! nous nous sommes déclarés, nous partons!
ROXANE. Ah! vive-Dieu! embrassez-moi, mon frère! Oui, oui! la guerre, le mouvement, la poudre, le danger, le triomphe! Vous serez généralissime en Vendée, et maréchal de France quand le roi sera proclamé.
LE COMTE. Tâchez de garder vos illusions, ma soeur, et de ne pas perdre la tête au premier revers!
ROXANE. Bah! le courage n'est pas nécessaire quand tant de braves gens en ont à notre place! La France entière va se lever. Toute l'Europe est avec nous. Dans un mois, dans six semaines peut-être, le jeune roi sera aux Tuileries,--et nous aussi.--Quand partons-nous?
LE COMTE. Sachons d'abord où vous irez. En Bretagne, on est redevenu tranquille...
LA TESSONNIÈRE. Ah! on est tranquille par là?
ROXANE. Mais je ne veux pas être tranquille, moi! Je veux me battre, je serai Jeanne d'Arc, et Saint-Gueltas sera mon Dunois, mon aide de camp.
LE COMTE. Prenez garde que Saint-Gueltas ne devienne trop votre général, ma soeur, et songez à gagner Guérande, où nous avons des parents.
ROXANE, (Mézières rentre.) Guérande? Soit! C'est une bonne ville, une place de guerre imprenable, où tout le monde pense bien. On se voit beaucoup; Louise, il faudra emporter de la toilette.
LE COMTE. N'emportez rien. Vos femmes vous rejoindront avec vos effets. Vous partez sans bruit dans cinq minutes.
ROXANE. Dans cinq minutes! faite comme me voilà!
LE COMTE. Croyez-vous aller à une partie de plaisir?
ROXANE. Mais...
LE COMTE. Il le faut, et je le veux!
ROXANE. Allons! pour le roi, je suis prête à tous les sacrifices. Je sortirai en robe d'indienne!
LE COMTE, (bas.) Prenez de l'argent. (A la Tessonnière, qui reste comme hébété.) Allons, préparez-vous, mon ami! (Roxane sort.)
LA TESSONNIÈRE. Oui, oui, certainement! mais... où coucherons-nous ce soir?
LE COMTE. Où vous pourrez. Vous gagnerez vite le pays insurgé. Mézières saura vous diriger.
LA TESSONNIÈRE. Mais souper! où soupera-t-on?
LE COMTE. Nulle part; vous achèterez du pain en courant.
LA TESSONNIÈRE. Oh! mon Dieu, c'est le martyre, je le vois bien!
LOUISE. Allons, allons, du courage, mon ami!
LA TESSONNIÈRE, (sortant.) C'est le martyre, je vous dis que c'est le martyre! (Il sort.)
LE COMTE. Toi, Louise...
LOUISE. Moi, je ne vous quitte pas.
LE COMTE. Tu le veux! Aurais-je du courage en te voyant partager mes souffrances?
LOUISE. Je ne souffrirai de rien, pourvu que je ne vous quitte pas.
LE COMTE. Ah! si Henri était là!... Mais je ne puis te confier à ma soeur et à la Tessonnière; ce sont deux enfants!... (A Mézières, qui entre.) Tout est prêt?
MÉZIÈRES. Oui, monsieur le comte, mais je crains qu'aucun de nous ne soit libre d'aller où vous le souhaitez.
LE COMTE. Comment cela?
MÉZIÈRES. Vos paysans sont comme des septembriseurs! Ils veulent marcher à Puy-la-Guerche; ils disent que vous n'irez pas ailleurs aujourd'hui.
LE COMTE. En vérité? Ils sont fous! Mais qui vient là? (Il fait signe à Louise, qui rentre dans son appartement.)
SCÈNE IX.--Les Mêmes, le Moreau, entrant; MÉZIÈRES, sortant.
LE MOREAU. C'est moi, monsieur! D'où vient que, depuis une heure, nous sommes retenus prisonniers dans la cour de votre donjon?
LE COMTE. C'était pour votre sûreté, messieurs. Ignorez-vous ce qui se passe?
LE MOREAU. J'ignore ce qui s'est passé entre les brigands et vous; mais je sais que, quand ils sont entrés ils n'étaient qu'une vingtaine, et qu'avec vos gens vous pouviez les écraser. Vous les avez laissés se réunir chez vous, et ils en sont sortis en criant: «Vive Sauvières et Saint-Gueltas!»
LE COMTE, (blessé.) Que ne leur imposiez-vous silence, vous?
LE MOREAU. Entouré de gens à demi morts de peur, certain d'être trahi par vous, que pouvais-je faire?
LE COMTE. Trahi? Vous ai-je livré?
LE MOREAU. Alors, expliquez-vous, monsieur; je ne me contenterai pas de réponses évasives.
LE COMTE. Vous le prenez bien haut, monsieur; vous oubliez...
LE MOREAU. Je n'oublie pas que je suis chez vous, et que vous pouvez me faire jeter par les fenêtres comme faisaient vos bons aïeux quand les petits gens de ma sorte se permettaient de raisonner. Ce n'est pas Rebec