L'Espion. Dr. Juan Moisés De La Serna
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу L'Espion - Dr. Juan Moisés De La Serna страница 2
C’était l’habitude, peut-être, mais on ne se voyait que pour prendre le petit-déjeuner et le dîner. Elle organisait des activités différentes chaque après-midi: elle voyait ses amies, ou visitait la famille, ou… Moi, d’autre part, j’adorais rester tranquillement à la maison entre mes annotations et mes calculs. Je ne me rendait même pas compte qu’elle était sortie mais… après son décès…
Tout était différent. J’avais maintenant beaucoup plus de temps pour moi, il n’y avait personne pour me dire que je passais trop de temps à faire ceci ou cela, plus personne pour me rappeler que je devais arrêter et me reposer, plus personne… Tout ce que je croyais d’être si important et dont je consacrait la plupart du temps, n’avait plus de sens.
Petit à petit la maison devint un mausolée. Je ne sais pas pourquoi! Mais au cours des années, elle avait rempli chaque mur avec des photos de ses enfants et de ses grands-enfants. Ces photos que nous recevions de temps en temps quand il y avait un nouveau-né ou une certaine festivité.
Du coup, je ne reconnais plus les personnes dans les photos. Et pas à cause de ma presbytie! J’ai mes lunettes pour voir tout en détaille! Mais c’est que les têtes ne me disent plus rien.
Combien de fois je me suis arrêté sur un photo pour en parler avec ma femme du bonheur qu’ils montrent, de l’envie de les revoir bientôt… Maintenant, par contre, les photos sont là, figées dans le temps, comme si elles appartenaient à une autre vie dont je ne fait plus partie.
J’imagine pas mon passé sans elle. Chaque endroit que nous visitâmes, chaque fête à la quelle nous allâmes. Elle était là. Dans toutes ces photos, c’était nous deux. Mais en ce moment, sauf elle, j’ai du mal à reconnaître le reste… En outre, je n’ai plus personne à qui demander sur les photos ou à qui en parler.
Maintenant elles font partie du mur comme du papier peint. Je ne les regarde plus, car ce sont des inconnus qui, à un moment donné, partageaient ma vie. Néanmoins, aujourd’hui je n’ai plus le sentiment qu’ils soient éloignés parce que, de fait, je ne les ressens plus.
Quand je marche dans le couloir, il y a des fois que je regarde les photos. Je vois des endroits et des personnes complètement inconnues et c’est intéressant, à chaque fois je cherche de deviner qui sont ou ce qu’ils font, mais jamais je n’y arriveà me rappeler!
Parfois, la femme de ménage qui vient nettoyer un peu la maison me demandait à propos de mes grands-enfants et je lui montrais les photos. Mais je ne sais plus où se trouvent toutes ces photos ni le nombre de grands-enfants que j’ai.
Je n’ai même pas trop envie de parler, je n’ai rien à raconter, mes mémoires son douloureuses. Ce n’est pas que j’aie peu vécu ou que j’aie eu peu d’expériences, au contraire, mes les souvenirs les plus importants pour moi sont justement ceux de mes grands amours et, malheureusement, elles ne sont plus là.
Je me souviens de mon premier amour comme si c’était hier. Elle travaillait dans un relais routier à la sortie du village, à côté de la station-service.
Je mettais toujours le minimum d’essence nécessaire pour rouler et revenir le lendemain. De cette façon, j’avais une excuse pour entrer au bar prendre mon petit-déjeuner.
Au début je ne l’avais pas remarquée, elle venait d’arriver au village, ou peut-être elle était de passage. Son sourire doux et ses cheveux foncés et bouclés me rendirent dingue! Je ne savais pas si elle m’avait aussi repéré, habituée à écouter tout genre d’éloges des clients qui venaient prendre un verre. Mais apparemment mon insistance donna des résultats. Après quelques mois de passer par là-bas au quotidien, un jour me dit-elle:
–Voilà! Dites-moi, qu’est-ce que vous voulezen réalité ?
–Oh, aujourd’hui j’aimerais «Le Spécial Maison» ! Je répondis.
–Je le dis sérieusement! Nous avons plein de clients et vous êtes le seul à venir tous les jours, qu’il fasse froid ou chaud, même quand la station-service est fermée! Alors, qu’est-ce que vous voulez?
Étonné, je restai sans savoir quoi dire et, faisant de nécessité vertu j’arrivai à prononcer :
–Toi!
–Comment? demanda-t-elle stupéfiée.
– Si, pendant tous ces jours, toutes ces semaines et tous ces mois, c’est toi que j’ai voulu ! C’est pourquoi je viens te voir. Un jour sans toi c’est comme un jour sans soleil!
Elle s’enfuit en cuisine, désorientée par ces mots apparemment et, quelques instants plus tard, elle rentra et me dit:
– Je pars! C’est mon dernier jour de travail! J’étais là pour faire un peu d’argent avant de continuer mon parcours. Vous avez été très gentil pendant tout ce temps, merci beaucoup.
–Mais… Je viens de vous déclarer ma flamme.
–Je sais, c’était des très jolis mots, mais c’est trop tard. Si j’avais su avant, nous aurions pu profiter du temps, mais là… c’est trop tard – Ceci dit, elle fit demi-tour et continua à travailler.
Malgré l’aspect délicieux de tout ce que j’avais devant moi, je ne pouvais rien avaler. Je restai pendant cinq minutes de plus et je partis presque en courant. Je ne pouvait pas y croire! J’étais déjà habitué à la voir tous les jours, à voir son beau sourire et ses cheveux noirs et, là… elle m’abandonnait!
Je pensai à parler avec son patron pour lui dire d’augmenter son salaire. Je pensai même à payer la différence du salaire à son patron. Je pensai à parler avec elle pour lui demander de ne pas partir… Je pensai… Le lendemain, quand je rentrai au bar convaincu d’avoir subi un cauchemar, elle n’était pas là, ni le lendemain, ni le jour après celui-là… Au moment donné, je compris que je n’allais plus la revoir, je sus que mon grand amour était sorti de ma vie et jamais je ne rencontrerai personne comme elle, car elle était unique.
Ces souvenirs me font du mal… J’arrive toujours à me rappeler de ses cheveux et de son sourire, surtout de ses cheveux. Je les adorais, c’est comme si je la voyais en ce moment, comme si c’était hier qu’elle les repoussait de son visage quand cette petite mèche maligne lui échappait et elle la mettait avec ses doigts derrière l’oreille.
Bien qu’il s’agisse d’un amour sans retour, je ne l’ai jamais oublié. Elle fut mon premier amour.
Je n’ai aucune photo d’elle. J’en ai beaucoup par tout dans la maison, mais aucune de cette époque de ma vie.
Je n’ai non plus d’amis, de voisins ou de connaissances. Ils sont tous décédés ou partis dans des maisons de retraites.
Ce quartier n’est plus ce qu’il était auparavant. Maintenant, tout le monde est pressé, les gens ne tondent pas la pelouse le matin, ni ne jouent avec les enfants le week-end. Parfois, c’est bizarre d’être ici. Tout est tellement différent!
Je connais chaque maison, chaque arbre… mais les gens? Ils sont tous des complètes