Couscous Crème fraîche. Iris Maria vom Hof

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Couscous Crème fraîche - Iris Maria vom Hof

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n’arrête pas de se débattre. Un jour, Katy en a tellement ras le bol qu’elle hurle à sa mère : « Ça t’arrive jamais de t’occuper de quelque chose ? T’appelles même pas quand cette espèce de taré fait une crise en pleine nuit ! « Non mais qu’est-ce que tu me veux, là ? », rétorque la mère, en boule elle aussi. « Arrête de faire ta dramaqueen ! C’est encore moi qui commande dans cette baraque, compris ? Maintenant, fais-moi à manger, j’ai faim ! » « Tu vas le laisser crever à petit feu, hein, c’est ça ?! » « Toi, fais plutôt ton boulot ! Non mais regarde-moi ce bordel ! » +++ Oh oui. Katy frotte, fait la cuisine, range, et pendant ce temps la grosse larve s’enfile ses romans d’amour devant la télé. Cette mère est pire que tout. Fermer sa gueule quand le vieux tape sur tout ce qui bouge. Et toujours sagement écarter les jambes quand il arrive. Evidemment que Katy entend tout. Quand le vieux a la gaule le matin et qu’il grimpe sur la grosse larve. Et que je te rentre, et que je te sorte, et que je te rentre, et que je te sorte, beau temps aujourd’hui. Et quand ça ne marche pas comme il veut, le père lui fait danser le twist à la mère, il lui en colle une ou deux, oh oui. Katy a rarement le droit d’aller à l’école, il faut bien que quelqu’un s’occupe du ménage. La grosse larve n’a jamais rien fait, oh non. Le seul moment où la mère bouge son cul, c’est pour aller à l’assistance chercher des nouvelles fringues. Sinon, adieu les allocs ! +++ « Ouah, les pauvres ! » Les autres élèves sont sans pitié quand la meute Ben Ali arrive, tous avec les mêmes chaussures, qui viennent de l’assistance. Ce qui se voit tout de suite. « Sales melons ! » C’est nul ! Ces sales godasses ne sont pas seulement moches, elles n’ont jamais la bonne taille. Jamais. Pareil pour les fringues. Toujours trop petites ou trop grandes. Katy a les pieds dans un état épouvantable quand elle arrive à l’école. « Boiteux ! Pieds bots ! » Les frères s’en tapent, mais Katy, ça la gonfle, quelque chose de bien. Comme le fait qu’elle n’ait pas de culotte. C’est la honte. Et puis, le stress quand elle va au tableau, si jamais on voyait ses fesses ! Alors elle se met à voler des sous-vêtements. Quand elle rentre seule à la maison, elle passe sous les fils à linge des HLM, et hop, hop, hop, Katy fait le plein de culottes et de chemisettes. C’est un mal nécessaire. La vie est déjà assez dure comme ça pour elle. Ils sont exclus, ils vivent dans la merde, âmes sensibles s’abstenir. Les frères cognent tout de suite, celui qui essaie de leur marcher sur les pieds se prend un sacré savon. Et leur apparence, ils n’en ont rien à foutre. Mais Katy, elle est censée faire comment ? Ça ne lui fait pas rien à elle, d’arriver toute sale ou pleine de poux. Ça ne lui fait pas rien, que les autres lui tombent dessus, se foutent de sa gueule. +++ Katy aimerait tellement faire quelque chose de sa vie. Un jour, en signe de protestation, elle refuse la corvée de cuisine. « Laisse-moi aller à l’école, maman, et je recommencerai à te faire à manger ! » « Tu fais grève ? » rétorque la larve, mais tu es folle ! C’est les communistes qui t’ont mis ça dans le crâne, je le savais qu’avec un maire de gauche, ce serait la révolution ! » Elle empêche Katy de sortir de la maison. « L’école, ça sert à rien, lui crie-t-elle. Et la prochaine fois que tu te révoltes, je te réduis en miettes ! » En tout, Katy va peut-être à l’école six mois dans l’année. Pas moyen d’y aller plus souvent. Logique qu’elle n’arrive pas à suivre. Et l’obligation scolaire ? Peuh ! Aucune valeur pour la mère. La grosse larve appelle le médecin et lui raconte que Katy a encore dégueulé toute la nuit. Et hop, elle a son certificat médical.

      Le Havre, août 1967 +++++ Depuis ses trente-cinq ans, le père Ben Ali n’a plus de travail régulier – s’il en a eu un jour. Au Havre, en tout cas, il ne travaillait déjà plus. Quand il était beaucoup plus jeune peut-être, avant de se marier. En tout cas il continue à voler, encore plus depuis qu’il fait des petits boulots, qu’il arrive à un endroit un jour et se casse le lendemain. Quoi ? Il s’est passé un truc ? Sur son dernier lieu de travail, une menuiserie, le vieil escroc a eu un accident, et l’invalidité à 100% lui est tombée du ciel. Super. Depuis, il peut aller tranquillement jouer au tiercé tous les jours. +++ Dans le HLM où ils crèchent maintenant, il y a un bout de jardin et une petite baraque en béton, chaque appartement a ça à la place de la cave. Le père de Katy élève des lapins et fait pousser des légumes. C’est comme ça qu’il tue le temps quand il n’est pas en train de jouer. Et puis, évidemment, son hobby permet d’améliorer l’ordinaire de la famille - enfin, surtout le sien. Logique. Katy a huit ans et demi et elle s’est prise d’affection pour Poupette, le petit lapin gris. Un vrai nounours, qu’elle prend toujours dans ses bras quand elle lui donne à manger, il est tellement doux et câlin. Et puis c’est trop mignon de le voir froncer son petit nez quand il sent quelque chose ! Elle adore lui donner une feuille de salade et regarder Poupette la broyer avec délices dans ses joues. Un vrai goinfre, ce lapin. +++ « Maman, est-ce que Poupette peut dormir avec moi ce soir ? Oh s’il te plaît ! » Katy aimerait tant avoir un animal domestique. « Pas question, piaille la grosse larve, indignée. Cette sale bête va nous ramener des allergies à la maison ! » « Mais elle est tellement mignonne ! », proteste Katy avant de se barrer dans le jardin. Si Poupette n’a pas le droit de venir chez elle, c’est elle qui ira la voir. Et toc ! Quelques jours plus tard, lorsque le père apparaît avec Poupette dans l’encadrement de la porte, Katy croit à un miracle. Wow. Il va lui donner Poupette ! Elle va en faire une tête, la grosse larve ! Le père approche, il regarde Katy sans comprendre. Katy pousse des petits cris enthousiastes, elle bat des mains tellement elle est contente. Elle tend les bras vers son père, ravie. « Oui, oui, donne-la moi, donne-la moi ! » « Quel enthousiasme ! », gronde le père. Puis : « Pourquoi je l’ai amenée ici, à ton avis, petit crapaud ? » Et il donne à Poupette un bon coup de karaté sur la nuque avant de la pendre la tête en bas dans l’encadrement de la fenêtre. Katy hurle, elle se jette sur le père en le bourrant de coups de poing. Il lui en retourne une. « Espèce d’assassin !!! » +++ Complètement indifférente, la larve continue à tourner les pages de son roman d’amour ; Katy éclate en sanglots, elle n’arrive presque plus à respirer. Katy voit son père mettre un seau par terre. Puis il arrache un œil à la pauvre bête, et Poupette se met à pisser le sang. Pas une goutte ne vient souiller sa fourrure. Après quoi il écorche Poupette et la coupe en morceaux. La nuit, Katy rêve de Poupette et de son œil. Le père a une façon bien cruelle de tuer les animaux. Il lui arrive de ramener un hérisson pour le manger. Oh oui. Et ce n’est pas facile à tuer, un hérisson, les piquants empêchent de bien viser. Le père de Katy enfonce son couteau de chasse dans le corps de l’animal et le retourne dans la plaie jusqu’à ce qu’il meure. Une fois qu’on a ôté les piquants, il ne reste presque rien. Une tradition kabyle. Katy déteste les Kabyles de tuer les animaux comme ça. Son père est un vrai sauvage. +++ Pourtant, il arrive à Katy de vouloir l’imiter. Elle se badigeonne le visage de mousse à raser. Elle sait qu’il ne faut pas se faire pincer. Katy n’est pas débile. Un jour elle s’en prend en douce à sa bouteille de Ricard, ça fait tout un sketch. Trop con ! Katy se sert deux bonnes tasses de la liqueur jaunâtre avant de se rendre compte qu’il y a des marques sur la bouteille. Bordel ! Katy en reverse un peu dans la bouteille et rajoute de l’eau jusqu’à la marque. Merde. Merde. Merde. Le Ricard devient presque blanc ! La poisse ! Madre moi, madre moi, et maintenant ? Evidemment, ce qui devait arriver arrive. « Qui m’a piqué mon Ricard, braille le père, qui a osé faire ça ? « C’est la mère, c’est la mère ! », dénonce Katy avec un petit ricanement. Elle est pompette. « Espèce de sale bête ! Misérable salope ! Voler son propre mari ! » Le père se prépare à frapper, mais juste avant que son poing s’abatte sur la mère, une petite voix tremblante s’élève : « C’est pas elle, c’est moi, c’est moi… » Et vlan ! Le père prend Katy par les cheveux et l’envoie à toute blinde contre le mur, boum. Puis il l’envoie valdinguer dans la chambre, comme une merde, plaf, Katy racle le sol, bouffe la poussière. Il faut que elle se remette. Putain de bordel. +++ « Ça va aller, ma petite, ça va aller. » Katy, la belle âme, le petit trésor. Pour se consoler, elle se prend dans ses bras. Aïe. Aïe. Elle repense à la fois où – encore toute petite – elle avait creusé un trou à la petite cuillère sous la fenêtre pour se barrer de cette famille de merde. Elle voulait se sauver par là. La poignée de la fenêtre était trop haute pour elle. J’étais maligne, mais encore pas assez. La grosse larve s’en est rendue compte, bien sûr, et Katy a passé deux jours dans

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