Le comte de Monte Cristo. Alexandre Dumas
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Читать онлайн книгу Le comte de Monte Cristo - Alexandre Dumas страница 14
– Tu ne l’as pas déchiré, dit Caderousse; tu l’as jeté dans un coin, voilà tout.
– Tais-toi, tu n’as rien vu, tu étais ivre.
– Où est Fernand? demanda Caderousse.
– Le sais-je, moi! répondit Danglars, à ses affaires probablement: mais, au lieu de nous occuper de cela, allons donc porter du secours à ces pauvres affligés.»
En effet, pendant cette conversation, Dantès avait en souriant, serré la main à tous ses amis, et s’était constitué prisonnier en disant:
«Soyez tranquilles, l’erreur va s’expliquer, et probablement que je n’irai même pas jusqu’à la prison.
– Oh! bien certainement, j’en répondrais», dit Danglars qui, en ce moment, s’approchait, comme nous l’avons dit, du groupe principal.
Dantès descendit l’escalier, précédé du commissaire de police et entouré par les soldats. Une voiture, dont la portière était tout ouverte, attendait à la porte, il y monta, deux soldats et le commissaire montèrent après lui; la portière se referma, et la voiture reprit le chemin de Marseille.
«Adieu, Dantès! adieu, Edmond!» s’écria Mercédès en s’élançant sur la balustrade.
Le prisonnier entendit ce dernier cri, sorti comme un sanglot du cœur déchiré de sa fiancée; il passa la tête par la portière, cria: «Au revoir, Mercédès!» et disparut à l’un des angles du fort Saint-Nicolas.
«Attendez-moi ici, dit l’armateur, je prends la première voiture que je rencontre, je cours à Marseille, et je vous rapporte des nouvelles.
– Allez! crièrent toutes les voix, allez! et revenez bien vite!»
Il y eut, après ce double départ, un moment de stupeur terrible parmi tous ceux qui étaient restés.
Le vieillard et Mercédès restèrent quelque temps isolés, chacun dans sa propre douleur; mais enfin leurs yeux se rencontrèrent; ils se reconnurent comme deux victimes frappées du même coup, et se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.
Pendant ce temps, Fernand rentra, se versa un verre d’eau qu’il but, et alla s’asseoir sur une chaise.
Le hasard fit que ce fut sur une chaise voisine que vint tomber Mercédès en sortant des bras du vieillard.
Fernand, par un mouvement instinctif, recula sa chaise.
«C’est lui, dit à Danglars Caderousse, qui n’avait pas perdu de vue le Catalan.
– Je ne crois pas, répondit Danglars, il était trop bête; en tout cas, que le coup retombe sur celui qui l’a fait.
– Tu ne me parles pas de celui qui l’a conseillé, dit Caderousse.
– Ah! ma foi, dit Danglars, si l’on était responsable de tout ce que l’on dit en l’air!
– Oui, lorsque ce que l’on dit en l’air retombe par la pointe.»
Pendant ce temps, les groupes commentaient l’arrestation de toutes les manières.
«Et vous, Danglars, dit une voix, que pensez-vous de cet événement?
– Moi, dit Danglars, je crois qu’il aura rapporté quelques ballots de marchandises prohibées.
– Mais si c’était cela, vous devriez le savoir, Danglars, vous qui étiez agent comptable.
– Oui, c’est vrai; mais l’agent comptable ne connaît que les colis qu’on lui déclare: je sais que nous sommes chargés de coton, voilà tout; que nous avons pris le chargement à Alexandrie, chez M. Pastret, et à Smyrne, chez M. Pascal; ne m’en demandez pas davantage.
– Oh! je me rappelle maintenant, murmura le pauvre père, se rattachant à ce débris, qu’il m’a dit hier qu’il avait pour moi une caisse de café et une caisse de tabac.
– Voyez-vous, dit Danglars, c’est cela: en notre absence, la douane aura fait une visite à bord du Pharaon, et elle aura découvert le pot aux roses.»
Mercédès ne croyait point à tout cela; car, comprimée jusqu’à ce moment, sa douleur éclata tout à coup en sanglots.
«Allons, allons, espoir! dit, sans trop savoir ce qu’il disait, le père Dantès.
– Espoir! répéta Danglars.
– Espoir», essaya de murmurer Fernand.
Mais ce mot l’étouffait; ses lèvres s’agitèrent, aucun son ne sortit de sa bouche.
«Messieurs, cria un des convives resté en vedette sur la balustrade; messieurs, une voiture! Ah! c’est M. Morrel! courage, courage! sans doute qu’il nous apporte de bonnes nouvelles.»
Mercédès et le vieux père coururent au-devant de l’armateur, qu’ils rencontrèrent à la porte. M. Morrel était fort pâle.
«Eh bien? s’écrièrent-ils d’une même voix.
– Eh bien, mes amis! répondit l’armateur en secouant la tête, la chose est plus grave que nous ne le pensions.
– Oh! monsieur, s’écria Mercédès, il est innocent!
– Je le crois, répondit M. Morrel, mais on l’accuse…
– De quoi donc? demanda le vieux Dantès.
– D’être un agent bonapartiste.»
Ceux de mes lecteurs qui ont vécu dans l’époque où se passe cette histoire se rappelleront quelle terrible accusation c’était alors, que celle que venait de formuler M. Morrel. Mercédès poussa un cri; le vieillard se laissa tomber sur une chaise.
«Ah! murmura Caderousse, vous m’avez trompé, Danglars, et la plaisanterie a été faite; mais je ne veux pas laisser mourir de douleur ce vieillard et cette jeune fille, et je vais tout leur dire.
– Tais-toi, malheureux! s’écria Danglars en saisissant la main de Caderousse, ou je ne réponds pas de toi-même; qui te dit que Dantès n’est pas véritablement coupable? Le bâtiment a touché à l’île d’Elbe, il y est descendu, il est resté tout un jour à Porto-Ferrajo; si l’on trouvait sur lui quelque lettre qui le compromette, ceux qui l’auraient soutenu passeraient pour ses complices.»
Caderousse, avec l’instinct rapide de l’égoïsme, comprit toute la solidité de ce raisonnement; il regarda Danglars avec des yeux hébétés par la crainte et la douleur, et, pour un pas qu’il avait fait en avant, il en fit deux en arrière.
«Attendons, alors, murmura-t-il.
– Oui, attendons, dit Danglars; s’il est innocent, on le mettra en liberté; s’il est coupable, il est inutile de se compromettre pour un conspirateur.
– Alors, partons, je ne puis rester plus longtemps ici.
– Oui,