Michel Strogoff. Jules Verne

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Michel Strogoff - Jules  Verne

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traverser un pays soulevé par des rebelles, envahi par des Tartares, qui auront intérêt à intercepter cette lettre.

      – Je le traverserai.

      – Tu te défieras surtout d’un traître, Ivan Ogareff, qui se rencontrera peut-être sur ta route.

      – Je m’en défierai.

      – Passeras-tu par Omsk ?

      – C’est mon chemin, Sire.

      – Si tu vois ta mère, tu risques d’être reconnu. Il ne faut pas que tu voies ta mère !

      Michel Strogoff eut une seconde d’hésitation.

      – Je ne la verrai pas, dit-il.

      – Jure-moi que rien ne pourra te faire avouer ni qui tu es ni où tu vas !

      – Je le jure.

      – Michel Strogoff, reprit alors le czar, en remettant le pli au jeune courrier, prends donc cette lettre, de laquelle dépend le salut de toute la Sibérie et peut-être la vie du grand-duc mon frère.

      – Cette lettre sera remise à Son Altesse le grand-duc.

      – Ainsi tu passeras quand même ?

      – Je passerai, ou l’on me tuera.

      – J’ai besoin que tu vives !

      – Je vivrai et je passerai, répondit Michel Strogoff.

      Le czar parut satisfait de l’assurance simple et calme avec laquelle Michel Strogoff lui avait répondu.

      – Va donc, Michel Strogoff, dit-il, va pour Dieu, pour la Russie, pour mon frère et pour moi !

      Michel Strogoff salua militairement, quitta aussitôt le cabinet impérial, et, quelques instants après, le Palais-Neuf.

      – Je crois que tu as eu la main heureuse, général, dit le czar.

      – Je le crois, Sire, répondit le général Kissoff, et Votre Majesté peut être assurée que Michel Strogoff fera tout ce que peut faire un homme.

      – C’est un homme, en effet, dit le czar.

      IV. De Moscou à Nijni-Novgorod

      La distance que Michel Strogoff allait franchir entre Moscou et Irkoutsk était de cinq mille deux cents verstes (5523 kilomètres). Lorsque le fil télégraphique n’était pas encore tendu entre les monts Ourals et la frontière orientale de la Sibérie, le service des dépêches se faisait par des courriers dont les plus rapides employaient dix-huit jours à se rendre de Moscou à Irkoutsk. Mais c’était là l’exception, et cette traversée de la Russie asiatique durait ordinairement de quatre à cinq semaines, bien que tous les moyens de transport fussent mis à la disposition de ces envoyés du czar.

      En homme qui ne craint ni le froid ni la neige, Michel Strogoff eût préféré voyager par la rude saison d’hiver, qui permet d’organiser le traînage sur toute l’étendue du parcours. Alors les difficultés inhérentes aux divers genres de locomotion sont en partie diminuées sur ces immenses steppes nivelées par la neige. Plus de cours d’eau à franchir. Partout la nappe glacée sur laquelle le traîneau glisse facilement et rapidement. Peut-être certains phénomènes naturels sont-ils à redouter, à cette époque, tels que permanence et intensité des brouillards, froids excessifs, chasse-neige longs et redoutables, dont les tourbillons enveloppent quelquefois et font périr des caravanes entières. Il arrive bien aussi que des loups, poussés par la faim, couvrent la plaine par milliers. Mais mieux eût valu courir ces risques, car, avec ce dur hiver, les envahisseurs tartares se fussent de préférence cantonnés dans les villes, leurs maraudeurs n’auraient pas couru la steppe, tout mouvement de troupes eût été impraticable, et Michel Strogoff eût plus facilement passé. Mais il n’avait à choisir ni son temps ni son heure. Quelles que fussent les circonstances, il devait les accepter et partir.

      Telle était donc la situation, que Michel Strogoff envisagea nettement, et il se prépara à lui faire face.

      D’abord, il ne se trouvait plus dans les conditions ordinaires d’un courrier du czar. Cette qualité, il fallait même que personne ne pût la soupçonner sur son passage. Dans un pays envahi, les espions fourmillent. Lui reconnu, sa mission était compromise. Aussi, en lui remettant une somme importante, qui devait suffire à son voyage et le faciliter dans une certaine mesure, le général Kissoff ne lui donna-t-il aucun ordre écrit portant cette mention : service de l’empereur, qui est le Sésame par excellence. Il se contenta de le munir d’un « podaroshna ».

      Ce podaroshna était fait au nom de Nicolas Korpanoff, négociant, demeurant à Irkoutsk. Il autorisait Nicolas Korpanoff à se faire accompagner, le cas échéant, d’une ou plusieurs personnes, et, en outre, il était, par mention spéciale, valable même pour le cas où le gouvernement moscovite interdirait à tous autres nationaux de quitter la Russie.

      Le podaroshna n’est autre chose qu’un permis de prendre les chevaux de poste ; mais Michel Strogoff ne devait s’en servir que dans le cas où ce permis ne risquerait pas de faire suspecter sa qualité, c’est-à-dire tant qu’il serait sur le territoire européen. Il résultait donc, de cette circonstance, qu’en Sibérie, c’est-à-dire lorsqu’il traverserait les provinces soulevées, il ne pourrait ni agir en maître dans les relais de poste, ni se faire délivrer des chevaux de préférence à tous autres, ni réquisitionner les moyens de transport pour son usage personnel. Michel Strogoff ne devait pas l’oublier : il n’était plus un courrier, mais un simple marchand, Nicolas Korpanoff, qui allait de Moscou à Irkoutsk, et, comme tel, soumis à toutes les éventualités d’un voyage ordinaire.

      Passer inaperçu, – plus ou moins rapidement, – mais passer, tel devait être son programme.

      Il y a trente ans, l’escorte d’un voyageur de qualité ne comprenait pas moins de deux cents Cosaques montés, deux cents fantassins, vingt-cinq cavaliers baskirs, trois cents chameaux, quatre cents chevaux, vingt-cinq chariots, deux bateaux portatifs et deux pièces de canon. Tel était le matériel nécessité par un voyage en Sibérie.

      Lui, Michel Strogoff, n’aurait ni canons, ni cavaliers, ni fantassins, ni bêtes de somme. Il irait en voiture ou à cheval, quand il le pourrait ; à pied, s’il fallait aller à pied.

      Les quatorze cents premières verstes (1493 kilomètres), mesurant la distance comprise entre Moscou et la frontière russe, ne devaient offrir aucune difficulté. Chemin de fer, voitures de poste, bateaux à vapeur, chevaux des divers relais, étaient à la disposition de tous, et, par conséquent, à la disposition du courrier du czar.

      Donc, ce matin même du 16 juillet, n’ayant plus rien de son uniforme, muni d’un sac de voyage qu’il portait sur son dos, vêtu d’un simple costume russe, tunique serrée à la taille, ceinture traditionnelle du moujik, larges culottes, bottes sanglées à la jarretière, Michel Strogoff se rendit à la gare pour y prendre le premier train. Il ne portait point d’armes, ostensiblement du moins ; mais sous sa ceinture se dissimulait un revolver, et, dans sa poche, un de ces larges coutelas qui tiennent du couteau et du yatagan, avec lesquels un chasseur sibérien sait éventrer proprement un ours, sans détériorer sa précieuse fourrure.

      Il y avait un assez grand concours de voyageurs à la gare de Moscou. Les gares des chemins de fer russes sont des lieux de réunion très fréquentés, autant au moins de ceux qui regardent partir que de ceux qui partent. Il se tient là comme

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