Andromaque. Jean Racine

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Andromaque - Jean Racine

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Seigneur, votre ambassade.

      Vous attendez le roi : parlez, et lui montrez

      Contre le fils d’Hector tous les Grecs conjurés.

      Loin de leur accorder ce fils de sa maîtresse,

      Leur haine ne fera qu’irriter sa tendresse.

      Plus on les veut brouiller, plus on va les unir.

      Pressez, demandez tout, pour ne rien obtenir.

      Il vient.

      Oreste

      Eh bien ! va donc disposer la cruelle

      À revoir un amant qui ne vient que pour elle.

      Scène II

      Pyrrhus, Oreste, Phœnix

      Oreste

      Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix,

      Souffrez que j’ose ici me flatter de leur choix,

      Et qu’à vos yeux, Seigneur, je montre quelque joie

      De voir le fils d’Achille et le vainqueur de Troie.

      Oui, comme ses exploits nous admirons vos coups :

      Hector tomba sous lui, Troie expira sous vous ;

      Et vous avez montré, par une heureuse audace,

      Que le fils seul d’Achille a pu remplir sa place.

      Mais, ce qu’il n’eût point fait, la Grèce avec douleur

      Vous voit du sang troyen relever le malheur,

      Et vous laissant toucher d’une pitié funeste,

      D’une guerre si longue entretenir le reste.

      Ne vous souvient-il plus, Seigneur, quel fut Hector ?

      Nos peuples affaiblis s’en souviennent encor.

      Son nom seul fait frémir nos veuves et nos filles,

      Et dans toute la Grèce il n’est point de familles

      Qui ne demandent compte à ce malheureux fils

      D’un père ou d’un époux qu’Hector leur a ravis.

      Et qui sait ce qu’un jour ce fils peut entreprendre ?

      Peut-être dans nos ports nous le verrons descendre,

      Tel qu’on a vu son père embraser nos vaisseaux,

      Et, la flamme à la main, les suivre sur les eaux.

      Oserai-je, Seigneur, dire ce que je pense ?

      Vous-même de vos soins craignez la récompense,

      Et que dans votre sein ce serpent élevé

      Ne vous punisse un jour de l’avoir conservé.

      Enfin de tous les Grecs satisfaites l’envie,

      Assurez leur vengeance, assurez votre vie ;

      Perdez un ennemi d’autant plus dangereux

      Qu’il s’essaiera sur vous à combattre contre eux.

      Pyrrhus

      La Grèce en ma faveur est trop inquiétée.

      De soins plus importants je l’ai crue agitée,

      Seigneur, et sur le nom de son ambassadeur,

      J’avais dans ses projets conçu plus de grandeur.

      Qui croirait en effet qu’une telle entreprise

      Du fils d’Agamemnon méritât l’entremise ;

      Qu’un peuple tout entier, tant de fois triomphant,

      N’eût daigné conspirer que la mort d’un enfant ?

      Mais à qui prétend-on que je le sacrifie ?

      La Grèce a-t-elle encor quelque droit sur sa vie ?

      Et seul de tous les Grecs ne m’est-il pas permis

      D’ordonner d’un captif que le sort m’a soumis ?

      Oui, Seigneur, lorsqu’au pied des murs fumants de Troie

      Les vainqueurs tout sanglants partagèrent leur proie,

      Le sort, dont les arrêts furent alors suivis,

      Fit tomber en mes mains Andromaque et son fils.

      Hécube près d’Ulysse acheva sa misère ;

      Cassandre dans Argos a suivi votre père ;

      Sur eux, sur leurs captifs, ai-je étendu mes droits ?

      Ai-je enfin disposé du fruit de leurs exploits ?

      On craint qu’avec Hector Troie un jour ne renaisse ;

      Son fils peut me ravir le jour que je lui laisse :

      Seigneur, tant de prudence entraîne trop de soin ;

      Je ne sais point prévoir les malheurs de si loin.

      Je songe quelle était autrefois cette ville

      Si superbe en remparts, en héros si fertile,

      Maîtresse de l’Asie ; et je regarde enfin

      Quel fut le sort de Troie, et quel est son destin.

      Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes,

      Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes,

      Un enfant dans les fers ; et je ne puis songer

      Que Troie en cet état aspire à se venger.

      Ah ! si du fils d’Hector la perte était jurée,

      Pourquoi d’un an entier l’avons-nous différée ?

      Dans le sein de Priam n’a-t-on pu l’immoler ?

      Sous tant de morts, sous Troie, il fallait l’accabler.

      Tout était juste alors : la vieillesse et l’enfance

      En vain sur leur faiblesse appuyaient leur défense ;

      La victoire et la nuit, plus cruelles que nous,

      Nous excitaient au meurtre, et confondaient nos coups.

      Mon courroux aux vaincus ne fut que trop sévère.

      Mais que ma cruauté survive à ma colère ?

      Que malgré la pitié dont je me sens saisir,

      Dans le sang d’un enfant je me baigne à loisir ?

      Non, Seigneur : que les Grecs cherchent quelque autre proie ;

      Qu’ils poursuivent ailleurs ce qui reste de Troie :

      De mes inimitiés le cours est achevé ;

      L’Épire sauvera ce que Troie a sauvé.

      Oreste

      Seigneur, vous savez trop avec quel artifice

      Un faux Astyanax fut offert au supplice

      Où le seul fils d’Hector devait être conduit.

      Ce n’est pas les Troyens, c’est Hector qu’on poursuit.

      Oui, les Grecs sur le fils persécutent le père ;

      Il a par trop de sang acheté leur colère,

      Ce n’est que dans le sien qu’elle peut expirer,

      Et jusque dans l’Épire il les peut attirer.

      Prévenez-les.

      Pyrrhus

      Non,

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